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25/01/2024 | FRANCE | N°21NC01255

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 25 janvier 2024, 21NC01255


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.



Par un jugement no 2000006 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un

e requête, enregistrée le 30 avril 2021, M. A..., représenté par Me Wartel de la société Judicia Conseils, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement no 2000006 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, M. A..., représenté par Me Wartel de la société Judicia Conseils, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les charges d'achat de carburant et d'entretien de matériel ont été exposées dans l'intérêt de la société SSTL dont il est le gérant ;

- les mouvements comptabilisés comme des apports en compte courant d'associé sont justifiés, qu'il s'agisse de la rémunération des salariés de la société ou des dépenses personnelles de l'exploitant ;

- l'administration ne démontre pas qu'il est le bénéficiaire des sommes considérées comme des revenus distribués et n'est pas fondée à se référer, sans aucune démonstration, à la théorie du maître de l'affaire ;

- les pénalités relatives à des rectifications portant sur la société sont dépourvues de fondement ;

- l'intention d'éluder l'impôt n'est pas démontrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société SSTL, dont M. A... est le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 2015 au 31 décembre 2016, au terme de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés en y réintégrant, d'une part, des charges non engagées dans son intérêt et, d'autre part, un passif injustifié. Par une proposition de rectification du 3 octobre 2017 établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a porté à la connaissance de M. A... ces constats effectués à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL SSTL et a imposé comme revenus distribués, sur le fondement des dispositions du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts, le bénéfice rehaussé de la société SSTL dont il a été considéré qu'il en était le bénéficiaire en tant que maître de l'affaire. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement, en droits et pénalités, le 30 avril 2019, pour des montants de 1 113 euros et de 82 437 euros au titre respectivement des années 2015 et 2016. La réclamation préalable de l'intéressé a été rejetée par une décision du 28 novembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

3. Les impositions en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus imposables entre les mains de M. A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SARL SSTL au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressé, que l'administration a considéré comme étant l'unique maître de l'affaire.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve de la qualité de maître de l'affaire, laquelle suffit à faire regarder l'intéressé comme bénéficiaire des revenus distribués en application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition incombe au contribuable, conformément aux règles de droit commun, lorsque celui-ci a accepté les redressements dans les conditions posées à l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lequel ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L. 11, L. 54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. A... n'a pas retiré le pli contenant la proposition de rectification du 3 octobre 2017, qui lui avait été présenté le 7 octobre 2017. N'ayant pas formulé d'observations à l'encontre des redressements envisagés de son impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016, il doit être regardé comme les ayant tacitement acceptés. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il lui incombe de démontrer tant l'absence d'appréhension de sa part des revenus réputés distribués par la SARL SSTL que le caractère exagéré du montant des distributions tel qu'évalué par l'administration.

En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :

7. En premier lieu, l'administration fiscale a réintégré dans les bases imposables de la société SSTL des charges dont elle a estimé qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et correspondant à hauteur de 62 629 euros à des achats de carburant, à hauteur de 9 037 euros à des frais d'entretien de matériels, à hauteur de 1 037 euros à des achats de petits équipements et à hauteur de 4 109 euros à des frais de restauration. D'une part, M. A... ne produit aucun élément de nature à établir que l'activité de la société SSTL, dont il ne conteste pas qu'elle ne possède pas de véhicule, aurait nécessité l'achat de carburant au cours de la période en litige. D'autre part, il se prévaut d'une convention du 8 juillet 2016 par laquelle la SARL A... Transport Express, dont il est également le gérant, a délégué la fourniture de carburant et additifs pour les trajets qu'elle effectue en Europe à la SARL SSTL et produit trois factures établies en novembre et décembre 2016 par lesquelles cette dernière a facturé à la première divers frais de carburant et de péages. En l'absence de toute autre précision, et alors qu'il n'est pas établi au demeurant que les montants refacturés correspondent aux charges remises en cause par l'administration, M. A... ne peut être regardé comme justifiant que ces charges auraient été engagées dans l'intérêt de la société SSTL. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service les a réintégrées dans les bases de l'impôt sur les sociétés de la société SSTL.

8. En deuxième lieu, l'administration fiscale a réintégré dans les bases imposables de la société SSTL certaines sommes portées au crédit du compte courant d'associé ouvert dans ses écritures, aucun document n'ayant été produit au cours de la vérification de comptabilité pour justifier ces différentes inscriptions comptables à hauteur de 4 901 euros en 2015 et de 22 677 euros en 2016. M. A..., qui se prévaut uniquement de l'usage qui aurait été fait de ces sommes, ne produit aucun document permettant d'établir que ces inscriptions comptables correspondent à des apports auxquels il aurait été procédé au profit de la société SSTL, ni qu'elles viseraient à constater une dette de la société pour des dépenses réalisées dans son intérêt. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré ces différents apports dans les bases de l'impôt sur les sociétés de la société SSTL.

9. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait inclus dans les revenus considérés comme distribués par la société SSTL une dotation aux amortissements remise en cause.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé comme revenus distribués les sommes ainsi réintégrées dans les bénéfices de la SARL SSTL et dont il ne conteste pas qu'elles n'ont pas été mises en réserve ou incorporées au capital mais au contraire ont donné lieu à un désinvestissement sous forme de distributions irrégulières.

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

11. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est en conséquence présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

12. D'une part, pour établir que M. A... était le maître de l'affaire, l'administration fiscale a relevé qu'il était le gérant de droit de la SARL SSTL depuis sa création et durant toute la période concernée, qu'il était associé de la société à hauteur de 87 % du capital, selon le calcul proposé par le service à l'issue de la vérification de comptabilité de la société, le seul associé à résider en France et le seul à détenir la signature sur les comptes bancaires actifs de la société. Le requérant, qui se borne à soutenir qu'il n'est pas le seul associé, ne conteste aucun de ces éléments qui ont permis au service de conclure qu'il jouissait d'une autonomie complète et disposait sans contrôle des fonds sociaux de la société SSTL.

13. D'autre part, l'administration ayant établi qu'il était le maître de l'affaire, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il n'est pas le bénéficiaire des revenus distribués par la SARL SSTL.

14. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a imposé comme revenus distribués sur le fondement du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts les sommes réintégrées dans les bénéfices de la société SSTL.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

15. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

16. En premier lieu, M. A... n'ayant pas établi que l'administration fiscale aurait à tort imposé comme revenus distribués les sommes réintégrées dans les bénéfices de la SARL SSTL, il n'est pas fondé à soutenir que les pénalités pour manquement délibéré devraient être déchargées en conséquence de la décharge des droits en principal.

17. En deuxième lieu, pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a retenu que les distributions dont il est le bénéficiaire en tant que seul maître de l'affaire proviennent d'un rehaussement des résultats de la société dont il est le gérant à raison d'une dette constatée en comptabilité à son égard et non justifiée et de charges non justifiées ou se rapportant à un bien étranger à la société. Elle a également relevé que la récurrence et l'importance des sommes en question permettaient d'écarter un comportement de bonne foi de la part du gérant de la société SSTL. Par ces éléments, l'administration fiscale établit l'intention de M. A... d'éluder l'impôt dû à raison des revenus distribués de la société dont il était le seul maître de l'affaire. Ainsi, c'est à bon droit que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été majorées des pénalités pour manquement délibéré. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a assorti les rectifications en litige des pénalités pour manquement délibéré.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01255
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;21nc01255 ?
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