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14/11/2023 | FRANCE | N°23NC01652

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 14 novembre 2023, 23NC01652


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... B... et Mme A... B..., son épouse, ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par deux jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, le tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives.

Procédures devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... B... et Mme A... B..., son épouse, ont demandé chacun au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par deux jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01652, M. C... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202436 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 le concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023 sous le n° 23NC01653, Mme A... B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202437 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 13 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022 la concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale du 7 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les observations de M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC01652 et n° 23NC01653, présentées pour M. C... B... et pour Mme A... B..., concernent un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme B... sont des ressortissants géorgiens, nés respectivement les 7 décembre 1950 et 13 février 1955. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 23 décembre 2012. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 mars 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 novembre 2014. M. et Mme B... ayant sollicité leur admission au séjour pour raison de santé le 7 novembre 2014, le préfet de l'Aube, par deux arrêtés du 3 juillet 2015, dont la légalité a été confirmée par les jugements n° 1501661 et n° 1501662 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 novembre 2015, puis par les arrêts n° 15NC02380 et n° 15NC02381 de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 août 2016, a pris à l'encontre de chacun d'eux une obligation de quitter le territoire français à laquelle ils n'ont pas déféré. Après avoir réitéré sa demande initiale le 29 octobre 2018, M. B... a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 14 juin 2019 au 13 juin 2020, puis du 2 février 2021 et 1er février 2022, dont il a sollicité le renouvellement le 29 décembre 2021. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022, la préfète de l'Aube, par deux arrêtés du 19 septembre 2022, a refusé délivrer aux requérants des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme B... ont saisi chacun le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté le concernant. Ils relèvent appel des jugements n° 2202436 et n° 2202437 du 13 avril 2023, qui rejettent leurs demandes respectives.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour délivré à M. B... en qualité d'étranger malade, la préfète de l'Aube s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 mai 2022. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de la Géorgie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. B... fait valoir qu'il souffre d'un diabète de type 2, de complications cardio-vasculaires entraînant des accidents vasculaires cérébraux et d'aphasie et que ces diverses pathologies nécessitent un suivi médical régulier, ainsi que l'assistance de son épouse pour l'accomplissement des actes de la vie courante. Toutefois, les certificats médicaux versés aux débats, émanant de médecins spécialistes ou généralistes, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation de la préfète de l'Aube sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque et sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. De même, en se bornant à produire un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 sur l'accès aux soins en Géorgie, qui concernent des pathologies autres que celles dont il souffre, le requérant n'établit pas qu'il serait dans l'incapacité de supporter le coût financier des soins nécessités par ses affections. Par suite et alors qu'il résulte d'un certificat médical daté du 2 juin 2022 que M. B... a déjà été pris en charge en Géorgie, où il a bénéficié en 2005 d'un double pontage coronarien, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

8. IL ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont arrivés en France, le 23 décembre 2022, à l'âge de soixante-deux et de cinquante-sept ans. Ils ont fait l'objet chacun, le 3 juillet 2015, d'une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. Autorisés à séjourner sur le territoire français en qualité d'étranger malade et d'accompagnant d'un étranger malade, ils n'ont pas vocation à y demeurer. S'ils se prévalent de la présence régulière en France de leur fils, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 8 juillet 2024, et de leur fille, bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 19 mai 2021 et au domicile de laquelle ils sont hébergés, les intéressés, nés respectivement les 21 décembre 1978 et 4 juin 1980, ont vocation à constituer leur propre cellule familiale. Les requérants font encore valoir qu'ils entretiennent des relations étroites avec leur petit-fils et que Mme B... participe à des ateliers numériques et socio-linguistiques dans le cadre d'une association dont elle est membre depuis le 10 octobre 2021. Ils produisent, en outre, plusieurs attestations de proches ou de voisins mettant en exergue leurs qualités humaines et leurs efforts d'intégration. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors que M. et Mme B... ne démontrent pas être isolés dans leur pays d'origine, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète de l'Aube du 19 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes respectives. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur,

E. MEISSE

Le président,

Ch. WURTZ

Le greffier,

F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01652 et 23NC01653 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01652
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : MAINNEVRET - MALBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-14;23nc01652 ?
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