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14/11/2023 | FRANCE | N°22NC03246

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 14 novembre 2023, 22NC03246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 janvier 2022 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201325, 2201448 et 2201585 du 1er décembre 2022, le tribunal administr

atif de Besançon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 26 janvier 2022 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201325, 2201448 et 2201585 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2022 portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour ainsi que l'arrêté du 23 août 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " visiteur " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et dans cette attente de lui remettre un récépissé de demande ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder au réexamen de ses demandes dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit, laquelle était requise s'agissant d'une demande de prolongation de visa pour force majeure et prévue par le code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît l'article 33-1 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ; l'ordonnance n° 2020/328 du 25 mars 2020 prévoyait une prolongation de validité de 6 mois des autorisations provisoires de séjours et visas de long séjour expirant entre le 16 mars et le 15 juin 2020 ;

- elle est entachée d'erreur de droit du fait de la remise en cause d'un droit provisoire au séjour acquis sans fraude, en l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; à supposer qu'elle ait pu rentrer en Chine, elle aurait dû se soumettre à un confinement prolongé dans un contexte d'isolement familial et social incompatible avec son âge et son état de santé ; elle bénéficie en France d'une prise en charge matérielle et financière par sa fille et son gendre en situation régulière ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen individuel de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée en raison de l'absence de visa long séjour et de moyens d'existence suffisants ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à ses ressources ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et des conditions d'accueil en Chine ;

- elle méconnaît les stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est irrégulière en raison de l'illégalité entachant la décision de refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 24 février 1958, est entrée en France le 16 juillet 2019 sous couvert d'un visa de type D portant la mention " long séjour temporaire ", valable jusqu'au 1er juillet 2020, pour y visiter sa fille et ses petits-enfants. En raison du contexte sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19, Mme A... n'a pu regagner son pays pendant la période de validité de son visa et s'est vu délivrer, le 20 juillet 2020, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 31 août suivant et renouvelée à plusieurs reprises, jusqu'au 20 janvier 2022. Par une décision du 26 janvier 2022, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour et par un arrêté du 23 août 2022, il a également rejeté la demande du 4 mai 2022 de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur " de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour du 26 janvier 2022 :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation en droit et de la méconnaissance des dispositions du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009.

3. En deuxième lieu, Mme A... ne disposait d'aucun droit acquis à la prolongation de son autorisation provisoire de séjour, laquelle avait déjà été renouvelée à cinq reprises du 31 août 2020 jusqu'à la fin du mois de janvier 2022. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, la limitation du trafic aérien avec la Chine, en raison de laquelle lui avait été délivrée puis renouvelée une autorisation provisoire de séjour, avait disparu et qu'ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la requérante n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de se rendre en Chine par voie aérienne entre la dernière date de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et la décision de refus attaquée. L'autorisation provisoire de séjour sollicitée n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre son installation durable sur le territoire, les circonstances selon lesquelles elle bénéficierait en France d'une prise en charge médicale, matérielle et affective par sa fille et son gendre sont sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour du 23 août 2022 :

5. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour et du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources, dont le montant doit être au moins égal au salaire minimum de croissance net annuel, indépendamment de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale et de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur " d'une durée d'un an. / Il doit en outre justifier de la possession d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour et prendre l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour ;

2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", le préfet du Doubs s'est fondé, ainsi qu'il pouvait le faire et sans qu'il apparaisse qu'il se soit cru lié à tort par ces éléments, sur les circonstances que l'intéressée ne justifiait plus, à la date de sa demande, d'un visa de long séjour en cours de validité, exigé par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle ne disposait pas de moyens d'existence suffisants au regard des dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard est sans incidence la circonstance que la fille de Mme A... et son époux disposent d'un revenu suffisant pour la prendre en charge dès lors que les dispositions précitées exigent que les ressources propres du demandeur soient au moins égales au salaire minimum de croissance net annuel, tel n'étant pas le cas dès lors que la requérante ne justifie que d'une retraite mensuelle équivalent à 457,46 euros. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'erreur de fait doit donc être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si la requérante se prévaut de la présence en France de sa fille et de son gendre, qui disposent de revenus suffisants pour la prendre en charge, et de problèmes de santé nécessitant un suivi régulier, lequel ne pourra être assuré en cas de retour dans son pays d'origine en raison des conditions d'accueil de cet Etat, le titre de séjour sollicité portant la mention " visiteur " n'a pas vocation à lui conférer un droit au séjour permanent en France et implique, en tout état de cause, son retour dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. La fille de l'intéressée étant majeure à la date de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 août 2022 :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes en annulation des décisions attaquées. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Wurtz, président,

Mme Bauer, présidente-assesseure,

M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC03246 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03246
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-14;22nc03246 ?
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