La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2023 | FRANCE | N°21NC01162

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 14 novembre 2023, 21NC01162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saône a délivré à M. B... et à Mme D... C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section AC n° 21 et 74 et situé 4 rue du Bouleau sur le territoire de cette commune, ensemble la décision du 28 août 2019 rejetant son recours gracieux formé le 29 juin 2019.

Par un jugement n° 1901897 du 25 février 2

021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande et a mis à la charge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saône a délivré à M. B... et à Mme D... C... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section AC n° 21 et 74 et situé 4 rue du Bouleau sur le territoire de cette commune, ensemble la décision du 28 août 2019 rejetant son recours gracieux formé le 29 juin 2019.

Par un jugement n° 1901897 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. E... le versement à la commune de Saône et à M. C... d'une somme de 800 euros pour chacun d'eux, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 22 avril 2021, 11 janvier 2022 et 10 février 2023, M. A... E..., représenté par Me Suissa, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901897 du tribunal administratif de Besançon du 25 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Saône du 29 mai 2019 et la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saône la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en méconnaissance des articles L. 431-2, R. 431-7, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, le dossier de permis de construire ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement et l'impact visuel des bâtiments, spécialement du garage implanté en limite de propriété, sur sa propre maison ;

- le projet de construction méconnaît les articles UB 7, UB 10 et UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre 2021 et 1er avril 2022, Mme D... C... et M. B... C..., représentés par Me Pilati, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2021 et 6 février 2023, la commune de Saône, représentée par Me Devevey, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône est irrecevable et que, en tout état de cause, ce moyen, ainsi que les autres les moyens invoqués par M. E..., ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Naudin pour M. E... et de Me Devevey pour la commune de Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Propriétaires d'un terrain cadastré section AC n°21 et 74, situé 4 rue du Bouleau à Saône (Doubs), M. B... C... et Mme D... C... ont sollicité, le 30 mars 2019, la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction d'une maison individuelle, d'une surface de plancher de 126,10 mètres carrés, comportant un garage implanté en limite séparative de propriété et deux places de stationnement non couvertes. Par un arrêté du 29 mai 2019, le maire de la commune a fait droit à cette demande. Résidant 2 rue du Bouleau sur la parcelle contiguë, cadastrée section AC n°20, M. A... E... a, par un courrier du 29 juin 2019, formé contre l'arrêté du 29 mai 2019 un recours gracieux, qui a été rejeté le 28 août 2019. Le 24 octobre 2019, le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019. Il relève appel du jugement n° 1901897 du 25 février 2021, qui rejette cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. (...) ".

3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. Il ressort des pièces du dossier que la maison de M. E... apparaît sur les documents photographiques et graphiques du projet architectural, lesquels permettent de situer le terrain d'assiette du projet dans son environnement proche et lointain et d'apprécier son intégration par rapport aux constructions avoisinantes. S'il est vrai que le garage n'y figure pas, son implantation en limite de propriété, mentionnée dans la notice explicative, est matérialisée sur le plan figurant au-dessus de ces documents et sur lequel sont reportés les points et les angles des prises de vue, ainsi que sur les plans de masse, de toiture et des façades sud-ouest, nord-ouest, nord-est et sud-est. Il est également représenté dans le document graphique illustrant le tableau des surfaces. En outre, contrairement aux allégations du requérant, le plan de masse fait apparaître, en sus du garage litigieux, sa propre maison d'habitation. Enfin, M. E... ne saurait utilement faire valoir, au soutien de son moyen tiré de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de permis de construire, que le toit-terrasse végétalisé du garage, accessible aux époux C..., donnera directement sur les fenêtres de son salon. Dans ces conditions, alors même que le garage ne figure pas dans le document graphique d'intégration au site de la maison projetée, cette omission dans le dossier de permis de construire, eu égard aux éléments qu'il comporte par ailleurs, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet de construction à la réglementation d'urbanisme applicable.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) Toiture : (...) les teintes de matériaux de couverture devront se rapprocher de celles des matériaux traditionnels de la région, soit de teinte brun-rouge, nuancé ou vieilli (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, spécialement de la notice descriptive du projet architectural, du document graphique d'intégration au site du projet et du plan de toiture, que la couverture du toit de la maison projetée doit être constituée de tuiles en terre cuite plates de couleur " rouge flammé ". Contrairement à ce que soutient M. E..., cette teinte se rapproche de la teinte traditionnelle brun-rouge et peut même être regardée comme en constituant une nuance. Elle entre ainsi dans les préconisations de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " (...) 1- Hauteur par rapport à la largeur des voies / La distance horizontale de tout point d'un bâtiment au point le plus proche de l'alignement opposé, doit être au moins égale à la différence de niveau entre ces deux points (H = L), le bâtiment devant ensuite s'incorporer à l'intérieur d'un angle de 45°. / S'il existe l'obligation de construire en retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. Dans le cas des voies privées, la limite effective de la voie privée se substitue à l'alignement. / 2- Limitation absolue de la hauteur des constructions / La hauteur des constructions mesurée au faîte du toit ne peut excéder 12 mètres. / (...) ".

8. M. E... fait valoir que, en méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme, le garage de M. et Mme C..., qui doit être implanté en limite de propriété, ne s'incorpore pas, compte tenu de sa hauteur, à l'intérieur d'un angle de 45°. Toutefois, il résulte des dispositions en cause qu'une telle obligation vise à réglementer la hauteur des constructions par rapport à l'alignement sur la voie publique et non par rapport aux limites séparatives entre les propriétés. Par suite et alors que, en tout état de cause, la hauteur des constructions projetées, mesurée au faîte du toit, n'excède pas douze mètres et que l'alignement de la rue du Bouleau se trouve, au plus près, à une distance de 13,15 mètres du garage, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes, d'une part, de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône : " La distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à quatre mètres. / (...) / Toutefois, une implantation en limite séparative peut être acceptée dans les cas suivants : - La construction d'un bâtiment dont la hauteur à l'égout du toit en limite séparative ne dépasse pas quatre mètres. Dans la bande de recul de quatre mètres, cette construction est obligatoirement couverte d'un toit dont la pente, au maximum de 45°, est perpendiculaire à la limite séparative. / (...) ".

10. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. ".

11. Les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, prises dans l'objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme, limitent le délai ouvert aux parties pour invoquer des moyens nouveaux à deux mois suivant la communication, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, du premier mémoire en défense produit dans l'instance par l'un quelconque des défendeurs. Si un moyen nouveau présenté après l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense est, en principe, irrecevable, il est toujours loisible au président de la formation de jugement de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens s'il estime que les circonstances de l'affaire le justifient. Il doit y procéder dans le cas particulier où le moyen est fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont la partie concernée n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense et est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

12. Contrairement à ce que soutient M. E..., le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saône, invoqué pour la première fois dans un mémoire complémentaire enregistré le 11 janvier 2022, constitue un moyen nouveau, qui est distinct de celui tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du même règlement. Il ressort des pièces du dossier que le premier mémoire en défense, produit dans l'instance par M. et Mme C..., a été communiqué, conformément aux dispositions de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, le 4 novembre 2021. Alors que M. E... n'établit, ni même n'allègue, que son moyen serait fondé sur une circonstance de fait ou un élément de droit dont il n'était pas en mesure de faire état avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la communication aux parties de ce premier mémoire en défense, ce moyen, invoqué postérieurement à la cristallisation des moyens prévue par les dispositions du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, est irrecevable et il ne peut, par suite, qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Saône du 29 mai 2019 et de la décision du 28 août 2019 portant rejet de son recours gracieux, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à la commune de Saône d'une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... le versement d'une somme d'un même montant sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à la commune de Saône une somme de 1 000 euros et à M. et Mme C... une somme d'un montant identique en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune de Saône, à M. B... C... et à Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSELe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01162 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01162
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MAURIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-14;21nc01162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award