Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2206131 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2022, sous le numéro 22NC03243, M. B..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et celle lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 5 août 2022 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé et, au besoin, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable et particulier de sa situation en se fondant sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de plus de dix-huit mois ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 426-2 et L. 426-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le préfet n'a pas saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en méconnaissance des exigences de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation qui révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation en l'absence de prise en compte d'une circonstance humanitaire ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et que la précédente mesure d'éloignement a été annulée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 11 avril 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux, premier conseiller,
- et les observations de Me Dollé, représentant M. B....
Une note en délibéré présentée par M. B... a été enregistrée le 5 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe né en 1974, est entré régulièrement sur le territoire français le 16 juin 2018 muni d'un visa court séjour. Le 28 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 426-2, L. 426-3, L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code. Le recours en annulation de la décision implicite de rejet de cette demande a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2021. Par un arrêté du 27 mai 2021, pris à la suite d'un réexamen de la demande de l'intéressé, le préfet a expressément rejeté sa demande de titre de séjour. En exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2021 ayant annulé cette décision, le préfet de la Moselle a, par un nouvel arrêté du 5 août 2022, refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il doit être regardé comme relevant appel du jugement du 5 décembre 2022 en tant seulement que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. En outre, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du 11 février 2021, par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de l'intéressé n'entrainerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. D'une part, le requérant soutient qu'en se fondant sur cet avis de l'OFII, établi lui-même sur la base d'un certificat médical transmis à la délégation territoriale de l'OFII en septembre 2020, faisant référence à une situation datant de plus de dix-huit mois, le préfet de la Moselle n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande de titre de séjour pour raison de santé. Toutefois, si les certificats médicaux produits par le requérant, en particulier ceux du 1er septembre 2021 et du 26 novembre 2021 établis par le psychiatre qui suit M. B..., indiquent que ce dernier souffre d'un état de stress post-traumatique en lien avec des évènements vécus au Kosovo en 2008, que son état s'est récemment dégradé, que l'interruption de son suivi psychiatrique entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut pas voyager, le requérant n'établit pas que ces éléments auraient été portés à la connaissance du préfet au cours de l'instance devant le tribunal administratif, ni spontanément par ses soins antérieurement à l'édiction de la décision en litige. Ainsi, en se fondant sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII du 11 février 2021, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé à M. B..., le préfet de la Moselle n'a entaché sa décision ni d'un vice de procédure, ni d'un défaut d'examen réel et sérieux de la demande de ce dernier.
6. D'autre part, si le requérant fait valoir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique dont le défaut de traitement est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut voyager sans risque, il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 que les certificats médicaux rédigés par la psychiatre qui suit l'intéressé ne sont pas suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII sur l'absence de conséquence d'une exceptionnelle gravité de l'interruption du traitement, ni l'appréciation à laquelle le préfet de la Moselle s'est livré au vu de cet avis. Quant à l'impossibilité de voyager, elle est par elle-même sans incidence sur le refus de titre de séjour. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 426-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a servi dans une unité combattante de l'armée française se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans, sous réserve de la régularité du séjour ". Aux termes de l'article L. 426-3 du même code : " L'étranger qui sert ou a servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l'armée française, et qui est titulaire du certificat de bonne conduite, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. (...) ".
8. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. B..., le préfet de la Moselle a estimé que le comportement de ce dernier constituait une menace pour l'ordre public aux motifs que l'intéressé avait été condamné en Russie à une peine de sept ans d'emprisonnement en 2014 pour avoir commis des faits qualifiés en France d'agressions sexuelles et que le certificat de bonne conduite qui lui avait été délivré, à la suite de ses services dans la Légion étrangère, lui avait été retiré le 27 novembre 2019. Si le requérant a contesté devant le tribunal administratif de Nîmes le retrait de ce certificat, il n'en demeure pas moins que cette décision, à la date de l'arrêté contesté, était exécutoire, le recours en annulation n'ayant pas d'effet suspensif. En l'absence de certificat de bonne conduite, qui constitue l'une des conditions nécessaires à la délivrance d'une carte de résident, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer cette carte, le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions précitées, quand bien même il ne représenterait pas une menace à l'ordre public.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine /. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, après avoir servi au sein de la Légion étrangère de 2005 à 2010, est entré sur le territoire français accompagné de son épouse et de ses deux enfants en 2018. Sa présence était ainsi récente à la date de la décision en litige. S'il se prévaut de la procédure d'asile de son épouse pendante devant la Cour nationale du droit d'asile, cette circonstance ne donne pas à cette dernière un droit à s'établir de manière pérenne sur le territoire français. Par ailleurs, en dehors d'un contrat de travail au sein de l'association Emmaüs, il ne justifie d'aucune insertion particulière au sein de la société française. De même, si ses enfants sont scolarisés pour l'un à la maternelle et l'autre au collège, rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent leur scolarité dans tout pays où l'intéressé serait légalement admissible avec sa famille. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou " vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
12. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
13. Si M. B... se prévaut de son investissement au sein de la communauté Emmaüs, de son engagement au sein de la Légion étrangère et de l'impossibilité pour lui de retourner avec sa famille en Russie, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le préfet a pu se fonder sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII le 11 février 2021 sans avoir à recueillir à nouveau l'avis de cette instance, dès lors qu'il n'est pas établi que le préfet aurait été informé d'un changement de circonstances préalablement au prononcé de la mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
16. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une préoccupation primordiale ".
17. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
18. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
19. Pour interdire à M. B... de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans, le préfet de la Moselle s'est fondé sur le fait que l'intéressé était présent sur le territoire français depuis quatre ans alors qu'il avait vécu la majeure partie de sa vie en Russie, que son comportement constituait une menace à l'ordre public au regard de ses antécédents judiciaires dans ce pays et qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire. Toutefois, Si l'intéressé a été condamné, en 2014, par un jugement du tribunal régional d'Oussouriisk à une peine de sept ans d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelles, ils ont été commis en 2001. Il n'est reproché, depuis cette date, aucune infraction au requérant, et en particulier depuis qu'il est présent en France. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le requérant est fondé à soutenir que cette dernière est entachée d'une erreur d'appréciation.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
21. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
22. Les dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que réclame le requérant et son conseil au titre des frais exposés en appel.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est annulé.
Article 2 : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Guidi, présidente,
- M. Barteaux, premier conseiller,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. BarteauxLa présidente,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
S. Robinet
N° 22NC0324302