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09/11/2023 | FRANCE | N°23NC01044

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 23NC01044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant une année.

Par un jugement n° 2203648 du 8 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête enregistrée le 2 avril 2023, M. B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant une année.

Par un jugement n° 2203648 du 8 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2023, M. B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : viole le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'aura pas accès au traitement que son état de santé nécessite en cas de retour en Géorgie ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- le refus de délai de départ volontaire : est privé de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- l'interdiction de retour : méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination : méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 février 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1991, serait entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2015 et y a sollicité l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée de manière définitive à la suite d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 mai 2016. Il a ensuite été admis au séjour pour soins médicaux du 13 février 2017 au 12 février 2019. L'intéressé a demandé le renouvellement de son titre de séjour pour soins médicaux le 7 septembre 2019. Cette demande a été rejetée le 25 juin 2019 et M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 17 juillet 2020 à laquelle il n'a pas déféré. La légalité de cet arrêté a été confirmée à la suite d'un arrêt de cette cour du 2 juin 2022 rendu sous le n° 21NC02870. M. B... a été interpellé le 31 mai 2022 dans le cadre d'une procédure pour détention de produits stupéfiants et recel de vol. Par un arrêté du 1er juin 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

2. En vertu des dispositions de l'article L. 611-3 9°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être obligé de quitter le territoire français l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

3. Il n'est pas contesté que M. B... est atteint du VIH et de l'hépatite C et qu'un défaut de suivi médical pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par les documents qu'il produit il ne justifie toutefois pas de ce qu'il ne pourrait pas avoir accès dans son pays d'origine au traitement par Triumeq qui lui est administré en France. Au regard des éléments produits par le requérant, le traitement par Triumeq associe trois principes actifs, le dolutégravir, l'abacavir et la lamivudine. Le requérant se prévaut des fiches MedCoi (" Medical Country of Origin Information ") qui indiquent que les formes combinées des traitements antiviraux ne sont pas disponibles en Géorgie. Cependant, ces fiches MedCoi font état de la disponibilité des trois molécules qui composent le traitement Triumeq, la lamivudine, l'abacavir et le dolutégravir. A supposer même que le Triumeq, combinaison de ces thérapies antirétrovirales, ne serait pas disponible en Géorgie, cette circonstance ne saurait suffire à établir qu'il ne pourrait pas avoir accès à un traitement adapté en Géorgie. Il ressort enfin des publications de la division de l'information, de la documentation et des recherches (DIDR) de l'OFPRA du 19 mars 2018, publié sur le site internet de l'office, soulignent au contraire les efforts de la Géorgie dans le cadre de la prise en charge du SIDA avec un accès universel à un traitement antirétroviral dans quatre villes du pays. Par suite, M. B... ne justifie pas qu'il n'aura pas accès à un traitement adapté en cas de retour dans son pays d'origine.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Si M. B..., fait valoir qu'il réside en France depuis sept ans avec son épouse, cette circonstance n'a été rendue possible que par l'instruction de ses demandes de titre de séjour et pour recevoir des soins médicaux. Son épouse réside irrégulièrement en France, le requérant ne s'est pas soumis à de précédentes mesures d'éloignement et il n'est pas contesté que sa présence en France constitue un risque pour l'ordre public. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les normes ci-dessus reproduites ou que sa situation aurait été appréciée de manière manifestement erronée.

Sur la légalité des autres décisions attaquées :

6. Il y a lieu d'écarter les moyens invoqués par M. B... à l'encontre des autres décisions en litige par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par le jugement attaqué.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01044
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-09;23nc01044 ?
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