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09/11/2023 | FRANCE | N°21NC02456

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21NC02456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Bar-le-Duc a refusé sa réintégration dans le service de la police municipale de la commune et celle du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903293 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions des 12 juillet et 13 septembre 2019 et a enjoint au maire de procéder à la réintégration juridique de Mme

A... à compter du 12 juillet 2019 et à sa réintégration effective dans un emplo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Bar-le-Duc a refusé sa réintégration dans le service de la police municipale de la commune et celle du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903293 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions des 12 juillet et 13 septembre 2019 et a enjoint au maire de procéder à la réintégration juridique de Mme A... à compter du 12 juillet 2019 et à sa réintégration effective dans un emploi correspondant à son grade.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 6 septembre 2021 et le 22 février 2022, la commune de Bar-le-Duc, représentée par Me Jeandon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal.

Elle soutient que les décisions sont justifiées par un motif d'intérêt général, à savoir les difficultés relationnelles de Mme A... avec ses collègues et sa hiérarchie et les nouvelles exigences du poste.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2021 et le 7 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Richard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Bar-le-Duc la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa disponibilité ayant duré moins de trois mois, elle était fondée à solliciter sa réintégration à la première vacance de poste ;

- l'intérêt du service n'est pas démontré dès lors que ses difficultés relationnelles avec ses collègues et supérieurs ne sont pas établies et que l'évolution du métier invoquée par la commune est postérieure aux décisions en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lehmann, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., brigadière-cheffe principale au sein des services de la police municipale de la commune de Bar-le-Duc, a présenté une demande de mise en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 10 mai 2019 pour une durée de trois ans qui lui a été accordée le 24 avril 2019. Par une demande reçue le 5 juillet 2019, elle a sollicité sa réintégration en raison d'une vacance de poste qui a été refusée par le maire le 12 juillet 2019. Le 31 juillet 2019, l'agente a introduit un recours gracieux contre ce refus qui a été rejeté par décision du 13 septembre 2019. La commune de Bar-le-Duc relève appel du jugement du 6 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions des 12 juillet et 13 septembre 2019 et a enjoint au maire de procéder à réintégration juridique de l'intéressée à compter du 12 juillet 2019 et à sa réintégration effective dans un emploi correspondant à son grade.

2. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, repris aux articles L. 514-6 et L. 514-7 du code général de la fonction publique : " (...) Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire. ". Aux termes de l'article 21 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " La mise en disponibilité sur demande de l'intéressé peut être accordée, sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : (...) / b) Pour convenances personnelles : la durée de la disponibilité ne peut, dans ce cas, excéder cinq années ; (...) ". Aux termes de l'article 26 de ce décret : " Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. (...) Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que le fonctionnaire territorial ayant bénéficié d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans, a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'être réintégré à l'issue de sa disponibilité, y compris lorsque l'intéressé demande à être réintégré avant le terme de la période pour laquelle il a été placé en disponibilité et que la collectivité est tenue de lui proposer l'un des trois premiers emplois devenus vacants, d'autre part, que si le fonctionnaire territorial n'a droit à réintégration à l'issue d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans qu'à l'occasion de l'une des trois premières vacances d'emploi, la collectivité doit néanmoins justifier son refus de réintégration sur les deux premières vacances par un motif tiré de l'intérêt du service.

4. En l'espèce, la décision du 12 juillet 2019 a rejeté la demande de réintégration anticipée de Mme A... sur le poste qu'elle occupait préalablement à sa mise en disponibilité notamment au motif tiré des nombreuses difficultés relationnelles qu'elle a rencontrées au sein de l'équipe et avec son supérieur hiérarchique qui mettaient à mal la cohésion de l'équipe. Il ressort des comptes-rendus d'entretien professionnel 2016 et 2018 que l'amélioration de ses relations avec ses collègues ainsi qu'un meilleur respect de devoir de réserve sont demandés à Mme A... de manière constante. Il s'agissait de l'un de ses objectifs en 2016, reconduits en 2017 car il n'avait été que partiellement atteint tandis que dans l'évaluation des " savoirs-être " le travail en équipe est évalué comme étant " à consolider " dans le compte-rendu pour l'année 2018, l'appréciation littérale précisant que " Mme A... doit davantage communiquer et s'intéresser à la vie du poste ". En appel, la commune verse de nouvelles pièces relatives notamment au refus de Mme A..., le 23 novembre 2016, d'assister un agent de médiation dans le relevé des horodateurs en se prévalant de restrictions médicales. Cet incident a conduit à la production d'un courrier du chef de service au maire, d'un rapport de son adjoint soulignant les difficultés organisationnelles causées par le comportement de Mme A... et d'attestations de deux de ses collègues témoignant des relations tendues qu'entretenait Mme A... avec sa hiérarchie et son isolement au sein de l'équipe. Si les deux autres rapports relatifs au comportement de Mme A... produits par la commune ont été établis postérieurement aux décisions en litige, ils font néanmoins référence à des faits contemporains aux décisions contestées. Ainsi, le rapport du 6 septembre 2021 de la directrice du pôle citoyennenté et affaires générales relate notamment les craintes émises par ses collègues, lors d'entretiens qu'elle a réalisés en novembre 2017, quant au retour dans le service de Mme A..., alors en arrêt maladie. Si l'intéressée soutient que ses difficultés relationnelles sont essentiellement dues à un management défaillant, elles ont toutefois perduré postérieurement au départ du chef de service en novembre 2017. Dans un courrier du 12 octobre 2018 adressé à la maire, Mme A... faisant elle-même référence à un " contexte professionnel où les tensions sont palpables avec certains collègues ". La circonstance qu'elle n'a jamais été sanctionnée en raison de ces difficultés est à cet égard sans incidence. Par ailleurs, elle a continué également à faire preuve d'un manque de réserve et d'esprit d'équipe postérieurement au changement de hiérarchie ainsi qu'il ressort du courriel du 29 mars 2019 du cocontractant de la commune chargé de mettre en œuvre la politique de stationnement qui relate l'intervention de Mme A... dans leur agence pour critiquer les choix opérés par la commune dans ce domaine. Dans ces conditions, eu égard aux difficultés relationnelles récurrentes de Mme A... qui sont établies par les pièces du dossier, lui sont imputables et affectent la cohésion d'équipe, le motif tiré de l'intérêt du service doit être regardé comme établi et suffisait légalement à justifier le refus de réintégration opposé par la commune.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bar-Le-Duc est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a, pour annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Bar-le-Duc a refusé la réintégration de Mme A... dans le service de la police municipale de la commune et celle du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux, retenu le moyen selon lequel le refus de réintégration n'était pas justifié par l'intérêt du service.

6. Toutefois, il appartient à cette cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant la cour et le tribunal administratif.

7. D'abord, il ne résulte pas de la combinaison des dispositions citées au point 2, que le fonctionnaire territorial auquel une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de plus de trois mois a été accordée mais qui sollicite sa réintégration dans un délai inférieur à trois mois, a le droit, d'être réintégré à l'issue de sa disponibilité sur le premier emploi devenu vacant correspondant à son grade. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait droit à être réintégrée sur le poste qu'elle occupait précédemment et alors vacant dans la mesure où sa demande de réintégration est intervenue moins de trois mois après son départ en mobilité pour convenances personnelles.

8. Ensuite, si la décision du 12 juillet 2019 est justifiée également par un motif tiré de la réorganisation de la police municipale qui conduit à un resserrement des effectifs, il n'est pas contesté par la commune Bar-le-Duc que ce motif manque en fait. Mais il ressort de ce qui précède que la commune de Bar-le-Duc s'est également fondée pour rejeter la demande de Mme A..., sur ses difficultés relationnelles menaçant la cohésion d'équipe et que ce second motif tiré de l'intérêt du service est fondé. Il résulte de l'instruction que la commune aurait pris la même décision si elle s'était fondée seulement sur ce second motif.

9. De plus, si Mme A... se prévaut de l'avis de la commission administrative du 19 décembre 2019, d'une part, cet avis est postérieur aux décisions en litige et d'autre part, cet avis ne lie pas la collectivité. Par suite, la circonstance que la commission administrative paritaire ait adopté un avis favorable à sa réintégration est sans incidence sur la légalité des décisions en litige.

10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée qui est, ainsi qu'il a été dit, justifiée par l'intérêt du service ait eu pour objet de sanctionner le comportement de Mme A... ou qu'elle soit entachée d'un détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bar-le-Duc est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le maire a refusé la réintégration de Mme A... dans le service de la police municipale de la commune et celle du 13 septembre 2019 rejetant son recours gracieux.

12. Il s'ensuit également qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées en appel par Mme A... sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bar-le-Duc et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02456
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-09;21nc02456 ?
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