Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL Le Consulting a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n° 1908229 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 14 avril 2022, l'EURL Le Consulting, représentée par Me Contet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des prestations dont elle se prévaut pour fonder la rectification relative à une renonciation à recettes en se bornant à lui opposer les clauses du contrat conclu en 2012 avec la SARL Pantoum ; au cours des années en litige, la société a été contrainte de diminuer le volume des prestations accomplies pour la SARL Pantoum, en raison d'une mésentente croissante entre M. A... et son associé ; la facturation a été établie pour des montants correspondant aux prestations effectuées ; en raison du refus de cet associé, il n'a pas été possible de modifier les clauses contractuelles initiales par la signature d'un avenant au contrat ; la société a réduit les types de prestations accomplis en ne réalisant qu'une partie de ceux prévus au contrat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Depuis sa création en 2010, la société Le Consulting exerce une activité de prestations de conseils en matière d'évènementiel, notamment auprès de l'un de ses principaux clients, la SARL Pantoum, laquelle exploite une discothèque située au cœur de la ville de Strasbourg. M. A..., gérant non rémunéré et détenteur de 10% des parts de la SARL Le Consulting avant d'en devenir l'associé unique à compter du 28 février 2017, est par ailleurs co-gérant et associé à hauteur de 50% des parts de la société Pantoum jusqu'en 2017, année au cours de laquelle il procède au rachat des titres détenus à 50% par son associé. L'EURL Le Consulting a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 14 décembre 2017, remise en mains propres au gérant le 20 décembre suivant, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période vérifiée. A la suite de la présentation des observations du contribuable du 16 février 2018, les suppléments d'imposition mis à la charge de l'EURL Le Consulting ont été maintenus par le service dans la réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2018 ainsi qu'à l'issue du recours hiérarchique. Après l'avis rendu par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à l'issue de la séance du 12 novembre 2018, favorable au redressement fondé sur l'acte anormal de gestion, des compléments d'imposition en résultant, assortis de l'intérêt de retard, ont été mis en recouvrement le 15 mars 2019 pour un montant total de 16 744 euros en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 à 2016. L'EURL Le Consulting a présenté le 24 juillet 2019 une réclamation visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du 30 août 2019. L'EURL Le Consulting relève appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations mises à sa charge.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Le fait de renoncer à percevoir les recettes liées à la contrepartie financière prévue par les stipulations d'un contrat en cours d'exécution ne relève pas en règle générale d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Il incombe à cette entreprise de justifier de l'existence d'une contrepartie à un tel choix, tant dans son principe que dans son montant.
3. Il résulte de l'instruction que, par un contrat conclu le 1er juillet 2012 pour une durée de neuf années, la société Le Consulting s'est engagée à réaliser diverses prestations de conseils et d'assistance pour sa cliente, la SARL Pantoum, en contrepartie d'une rémunération forfaitaire d'un montant annuel de 72 000 euros hors taxe. Constatant que la société vérifiée n'a facturé à la SARL Pantoum qu'un montant respectivement limité à 51 091 euros, 21 833 euros et de 18 833 euros au titre des années 2014 à 2016, le vérificateur a retenu l'existence d'une renonciation à recettes, caractérisant l'existence d'un acte anormal de gestion, notamment en l'absence de tout avenant signé par les parties, dans la mesure des discordances ainsi relevées. Ce faisant, le service démontre, ainsi qu'il lui appartient de le faire, que la société Le Consulting a procédé à une sous-facturation significative de ses recettes, dont le caractère anormal doit être présumé, tant à raison de son objet que des liens d'intérêt existant entre les deux sociétés, dont les parts étaient partiellement détenues par M. A....
4. Pour sa part, la société requérante conteste, d'abord, avoir procédé à la sous-facturation qui lui est opposée par le service. Elle soutient à cet effet que des désaccords croissants auraient opposé son gérant, M. A..., et l'associé de celui-ci au sein de la SARL Pantoum, lequel se serait refusé à conclure tout avenant au contrat. Dans ce contexte conflictuel, M. A... aurait, selon la société requérante, choisi de limiter son activité d'assistance et de conseil auprès de l'établissement exploité par la société Pantoum. La société Le Consulting aurait, en conséquence, émis des factures comportant un montant de recettes en rapport avec l'activité effectivement déployée, cantonnée aux types de prestations les plus nécessaires à sa co-contractante. Il résulte cependant de l'instruction que, lors des opérations de contrôle menées au cours de l'automne 2017, M. A... a, au contraire, indiqué au vérificateur qu'il y avait bien eu sous-facturation mais qu'elle avait été décidée pour tenir compte des difficultés de trésorerie de la SARL Pantoum, provoquées par la baisse de fréquentation de son établissement à la suite des attentats de 2015. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des termes du courriel adressé au vérificateur le 14 novembre 2017 exposant la forte implication de M. A... pour son plus important client - la SARL Pantoum - en 2015 et 2016, que le gérant se serait par ailleurs prévalu, à cette époque, d'une diminution des prestations effectivement accomplies par la société Le Consulting. Après que le service a signalé que la société prestataire n'avait pas agi dans son intérêt propre en renonçant, sans contrepartie, à percevoir une partie de la rémunération qu'elle était en droit d'exiger de cette société tierce, c'est seulement à compter de la présentation de ses observations que la société Le Consulting a modifié ses explications, telles qu'elle les expose depuis lors et dans le cadre de la procédure contentieuse. En se bornant à se référer aux types de prestations figurant dans les mentions des factures qu'elle a émises à destination de sa cliente et alors que l'existence d'une situation conflictuelle entre les associés de la SARL Pantoum n'est attestée, au plus tôt, qu'à compter de la fin du mois de novembre 2016, la société requérante ne démontre pas avoir restreint, dans les faits, le volume des prestations auquel elle était pourtant tenue contractuellement. Dans ces circonstances, elle ne remet pas en cause la réalité de l'avantage anormalement consenti à sa cliente correspondant à une sous-facturation de la rémunération prévue en application du contrat du 1er juillet 2012.
5. Ensuite, en se bornant à soutenir que son gérant n'aurait retiré aucun intérêt personnel à consentir un tel avantage à la SARL Pantoum, dont son associé aurait en conséquence bénéficié, la société requérante n'établit pas l'intérêt propre qu'elle aurait eu à renoncer à une partie de la rémunération qui lui était due.
6. Il s'ensuit que l'administration doit être regardée comme établissant que la sous-facturation de recettes consentie par la SARL Le Consulting à la SARL Pantoum procède d'un acte anormal de gestion accompli sans contrepartie par la société requérante.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Le Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin de décharge doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Le Consulting est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Le Consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC01964