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19/10/2023 | FRANCE | N°23NC00402

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 23NC00402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101936 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 fév

rier 2023, M. B..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de la Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101936 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2023, M. B..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait et en droit ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et notamment de son état de santé ;

- il est entaché d'un vice de procédure en ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dans la mesure où il séjourne en France depuis plus de dix ans en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait été saisi, ni que le collège des médecins était compétent pour rendre leur avis sur son état de santé, ni que ses membres étaient identifiés, ni que la procédure décrite aux articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été respectée et, en raison de l'insuffisance de motivation de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII qui ne mentionne pas la durée prévisible de traitement ;

- il est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par cet avis ;

- il méconnait les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France ;

- il méconnait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il souffre d'une épilepsie sévère et bénéficie d'un suivi médical en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de fait en ce qu'elle ne tient pas compte de son état de santé ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour en Gambie.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité gambienne, né le 19 mars 1986 à Dampha Kunda (Gambie), déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 13 juin 2010. En 2016, il a sollicité sa régularisation au titre du travail mais le 15 février 2017, il a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour assorti d'une mesure d'éloignement. Le 19 novembre 2018, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de son état de santé. Le 12 avril 2019, le préfet de la Marne a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Le 2 août 2019, l'intéressé a demandé une protection contre l'éloignement en raison de son état de santé. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant estimé que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque en Gambie, il a été muni d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de douze mois. Il en a sollicité le renouvellement le 5 août 2020. Par un arrêté du 26 mai 2021, le préfet de la Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête.

Sur l'arrêté du 26 mai 2021 pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, M. B... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et d'examen circonstancié de sa situation personnelle, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 6 janvier 2022.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ".

4. D'une part, la décision portant refus de séjour, par laquelle le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni invoquer l'article 41, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

5. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.

6. En l'espèce, M. B... qui ne pouvait raisonnablement ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a pu présenter, dans le cadre de l'instruction sa demande, ses observations écrites ou orales. Il n'établit pas, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture. En outre, il ne précise pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

Sur la décision portant refus de séjour :

7. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'article R. 425-13 de ce code précise " Le collège à compétence nationale (...) est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa [de l'article R. 425-11]. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle ".

8. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Les dispositions de l'article 6 de cet arrêté ajoutent que : " (...) Un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis émis le 14 décembre 2020, le collège de médecins de l'OFII, consulté par le préfet de la Marne en application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut risquerait d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays.

10. En premier lieu, M. B... affirme qu'il n'est établi ni que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait été saisi pour établir un rapport médical, ni que les membres du collège de médecin étaient compétents pour adopter leur avis. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 14 décembre 2020 a été rendu au vu du rapport médical du Dr F.... Il a été émis collégialement par le docteur D..., le docteur G... et le docteur A... qui ont chacun signé sous leur nom, permettant ainsi leur identification. Ces derniers ont été régulièrement désignés par la décision du 18 novembre 2019 du directeur général de l'OFII modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'OFII, publiée sur le site internet de l'office. Il s'ensuit que les médecins de l'OFII composant le collège étaient compétents pour adopter un tel avis. Si M. B... soutient en outre qu'il n'est nullement établi que la procédure prévue aux articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux articles 5 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précédemment cités ait été observée, il n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. Enfin, dès lors que le collège de médecins a estimé que la condition prévue au c) de l'article 6 de cet arrêté n'était pas satisfaite dans la mesure où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le requérant est originaire, celui-ci pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié, il n'était pas tenu de préciser la durée prévisible de traitement. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis rendu serait incomplet et que la décision de refus de séjour contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doivent être écartés.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet s'est cru lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII et n'a pas procédé à l'examen individuel de la situation de M. B.... Par suite le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

12. En troisième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

13. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour en raison de son état de santé, le préfet de la Marne s'est fondé sur l'avis précité du collège des médecins de l'OFII du 14 décembre 2020. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du compte-rendu de consultation du 12 février 2020, réalisé par la Dr E..., neurologue que M. B... souffre d'épilepsie liée à un accident vasculaire cérébral survenu en 2018 et bénéficie d'un traitement médicamenteux dont il n'allègue pas qu'il ne serait pas disponible en Gambie. Si le Dr C..., médecin généraliste, précise dans le certificat médical qu'il a rédigé le 15 janvier 2021 que M. B... ne pourrait pas poursuivre son traitement dans son pays d'origine en raison de son isolement familial, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas isolé en Gambie où demeurent notamment ses parents ainsi que deux de ses frères et sœurs. Enfin, si le document de synthèse établi par l'organisation suisse d'aide aux réfugiés le 19 août 2019 souligne la mauvaise qualité des infrastructures médicales et le manque de médicaments, il ne permet pas d'établir, eu égard à son caractère général que M. B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi médical adapté en Gambie. Dans ces conditions, il ne remet pas en cause l'appréciation portée par les médecins du collège de l'OFII sur l'intéressé et que le préfet de la Marne s'est appropriée, selon laquelle celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Il s'ensuit que la décision en litige n'est ni entachée d'une erreur de fait, ni ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article L. 425-9.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié', "travailleur temporaire' ou "vie privée et familiale', sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

15. Si M. B... soutient être présent sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige, il ne le justifie pas, sa présence n'étant établie qu'à partir du 15 février 2017, date à laquelle il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français. Célibataire, dépourvu de logement autonome ou de ressources propres, il ne démontre pas avoir développé des liens personnels sur le territoire français. Il ressort de l'examen de sa situation administrative, qu'il a complétée le 8 octobre 2018, qu'il n'a pas d'attache familiale sur le territoire français à l'exception d'un membre de sa fratrie avec lequel il ne soutient, ni même n'allègue entretenir des liens alors que résident dans son pays d'origine ses parents, deux de ses trois frères et sœurs, ainsi que son enfant né le 1er février 2010. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France, le préfet de la Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation pour l'application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

17. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... résiderait en France depuis plus de dix ans et, à défaut de l'établir, celui-ci ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'absence de l'avis préalable de la commission du titre de séjour doit être écarté comme inopérant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

18. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposé au point 13, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnait les dispositions précitées de l'article L. 611-3.

20. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

21. En se bornant à soutenir qu'il craint pour sa vie, sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine tant sur le plan humain que personnel et sanitaire, M. B... n'a pas assorti le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, la requête de M. B... doit être rejetée dans toutes ses conclusions, y compris celles présentées par son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Gabon.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N°23NC00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00402
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;23nc00402 ?
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