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19/10/2023 | FRANCE | N°23NC00106

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 23NC00106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200365 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 12 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Migliore, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200365 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Migliore, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour : est insuffisamment motivée ; ne repose pas sur un examen particulier de sa demande ; méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles L. 423-1 et L. 423-5 du même code ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 17 février 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine née en 1986, est entrée en France le 20 juillet 2019 sous couvert d'un visa D en qualité de conjointe de ressortissant français. Elle s'est mariée le 31 août 2017 avec M. B..., de nationalité française, et l'acte de mariage a été transcrit le 13 août 2018 en France. L'intéressée a présenté le 18 décembre 2020 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 janvier 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et lui a infligé une amende pour recours abusif.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision de refus de séjour comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Doubs s'est fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative, se méprenant sur sa portée, se serait refusée à examiner la demande de Mme C.... Par suite le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité français ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". L'article L. 423-2 de ce code dispose que : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ".

5. Par un jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 12 octobre 2020, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 3 février 2022, le mariage de Mme C... et de M. B... a été annulé pour avoir été contracté dans le seul but d'obtenir un titre de séjour pour Mme C.... La requérante, qui est ainsi réputée n'avoir jamais été mariée, ne peut donc pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont applicables qu'aux seuls étrangers entrant dans le champ d'application des articles L. 423-1 et L. 423-2. La circonstance que le rapport d'une enquête des services de la police nationale de Montbéliard du 31 décembre 2021 a révélé l'absence de communauté de vie réelle entre les époux depuis le 3 décembre 2021, date à laquelle Mme C... aurait subi des violences conjugales, reste à cet égard sans incidence. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Doubs aurait méconnu les dispositions ci-dessus reproduites.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Mme C... fait valoir qu'elle est bien intégrée sur le territoire français, où vit son fils, le jeune A..., né le 26 juillet 2019, et qu'elle dispose d'un travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, que Mme C..., entrée sur le territoire français seulement en 2019, a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc, où réside toute sa famille, dont sa jeune fille de treize ans née d'une précédente union. Ensuite, il n'est pas établi que le fils de Mme C..., le jeune A..., qui n'est pas le fils de son ex-époux et dont les rapports avec son père biologique sont inconnus, sera dans l'impossibilité d'accompagner l'intéressée au Maroc et d'y poursuivre sa scolarité. Enfin, la seule conclusion d'un contrat à durée déterminée entre le 1er avril et le 26 novembre 2021 comme aide confectionneuse et un contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 10 janvier 2022 comme auxiliaire de vie, alors que la demande d'autorisation de travail pour cet emploi n'a été présentée que le 3 février 2022, après la date de la décision attaquée, ne suffit pas à établir que Mme C... dispose de liens privés et professionnels significatifs sur le territoire français alors au demeurant que le recours à un mariage frauduleux en vue de favoriser son séjour en France ne plaide pas en faveur d'un intégration réussie de sa part dans la société française. Dans ces circonstances, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Il résulte des éléments retracés ci-dessus que la mesure d'éloignement attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des normes ci-dessus reproduites.

Sur l'amende pour recours abusif :

11. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

12. Il résulte de ce qui précède que les moyens d'appel invoqués par Mme C... sont écartés. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que sa demande n'était pas abusive en se bornant à invoquer le bien-fondé de sa requête d'appel.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande et lui a infligé une amende de cinq cents euros. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à Me Migliore et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Doubs et au directeur régional des finances publiques de Bourgogne Franche-Comté et du département de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. AgnelL'assesseure la plus ancienne,

Signé : H. Brodier

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00106 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00106
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MIGLIORE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;23nc00106 ?
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