Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2204130 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Kling, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour : a été pris à la suite d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour alors qu'il démontre vivre en France depuis plus de dix ans ; méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; est entaché d'erreur d'appréciation en ce qui concerne le défaut d'intégration républicaine qui lui est reproché ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle. ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, âgé de 42 ans à la date de la décision attaquée, serait entré en France au cours de l'année 2008. Sa demande de titre de séjour a fait l'objet d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire le 10 août 2010, à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé a ensuite été admis au séjour du 22 novembre 2016 au 4 août 2020 à raison de son état de santé. Le 21 octobre 2020, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 30 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin, après avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour et l'a obligé de quitter le territoire. M. A... relève appel du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les enfants de M. A... et de sa concubine, ressortissante nigériane résidant régulièrement sur le territoire, ainsi que les deux enfants nés de précédentes unions de sa compagne, font l'objet, depuis juin 2018 au moins, de mesures judiciaires de placement au service de protection de l'enfance en raison de l'instabilité psychologique de leur mère et du requérant, et du comportement de ce dernier vis-à-vis d'eux. Il ressort du jugement du juge des enfants du 27 juin 2022, retraçant l'évolution de la mesure de placement, que M. A... a exercé le droit de visite médiatisé de ses enfants mineurs prévu par les précédentes décisions de placement et qu'il s'est rendu disponible et s'est investi pour eux. Le juge des enfants a ainsi pu constater une évolution favorable des enfants ce qui l'a conduit à poursuivre le placement tout en ouvrant les droits des parents compte tenu de leur investissement. Dans ces conditions, les décisions contenues dans l'arrêté attaqué sont de nature à interrompre la relation entre M. A... et ses enfants et à faire échec à la mesure éducative prononcée par l'autorité judiciaire. Dès lors, ces décisions ont méconnu l'intérêt supérieur des enfants mineurs du requérant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations ci-dessus reproduites de la convention relative aux droits de l'enfant et à en demander l'annulation.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut bénéficier des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ci-dessus visée. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kling, avocate de M. A..., la somme de 1 500 euros au titre des frais que ce dernier aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle, sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 mai 2022 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Les parties informeront sans délai cette cour de toute difficulté d'exécution de l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : L'Etat versera à Me Kling la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kling et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
Mme Brodier, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. AgnelL'assesseure la plus ancienne
Signé : H. Brodier
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°23NC00097 2