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19/10/2023 | FRANCE | N°22NC02986

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 22NC02986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de prolonger la durée de validité de son visa, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2101770 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2022

, Mme A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de prolonger la durée de validité de son visa, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2101770 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente du réexamen du droit provisoire au séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de prolongation de son visa :

- à titre principal, le refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit au regard de l'article 33-1 du règlement (CE) n° 810/2009 ;

- à titre subsidiaire, elle devait bénéficier du maintien de son autorisation provisoire de séjour en l'absence de changement dans les circonstances de fait ou de droit ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise née en 1992, est entrée régulièrement sur le territoire français le 20 janvier 2020 sous couvert d'un visa court séjour valable du 14 janvier au 29 avril 2020. Elle a obtenu une autorisation provisoire de séjour du 4 août au 30 septembre 2020, dont elle a sollicité le renouvellement ne pouvant pas regagner son pays d'origine dans le contexte de pandémie de la " Covid-19 ", demande qu'elle a réitérée le 15 mai 2021. Par un arrêté du 16 juin 2021, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande de prolongation de visa, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 33 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Prolongation - 1. La durée de validité et/ou la durée de séjour prévue dans un visa délivré est prolongée si les autorités compétentes de l'Etat membre concerné considèrent que le titulaire du visa a démontré l'existence d'une force majeure ou de raisons humanitaires l'empêchant de quitter le territoire des Etats membres avant la fin de la durée de validité du visa ou de la durée du séjour qu'il autorise. La prolongation du visa à ce titre ne donne pas lieu à la perception d'un droit. / 2. La durée de validité et/ou la durée de séjour prévue dans un visa délivré peut être prolongée si son titulaire démontre l'existence de raisons personnelles graves justifiant la prolongation de la durée de validité ou de séjour ".

3. Il résulte de ces dispositions, directement applicables, que l'autorité administrative peut refuser de prolonger un visa lorsque la situation du demandeur ne relève ni de l'existence d'une force majeure, ni de raisons humanitaires ni encore de raisons personnelles graves. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de prolongation de visa, d'exercer son pouvoir d'appréciation en vérifiant si cette demande relève de l'une de ces trois situations.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., à la suite de l'annulation de son vol retour pour la Chine prévu le 27 avril 2020, a obtenu une prolongation de son visa de court séjour du 4 août au 30 septembre 2020. Elle en a sollicité la prolongation en faisant valoir l'annulation de son vol prévu le 26 octobre 2020 et la circonstance que la compagnie aérienne ne prévoyait pas d'autre retour avant le 29 mars 2021, puis a, le 15 mai 2021, indiqué à la préfecture que le vol avait une nouvelle fois été annulé et qu'un prochain vol ne serait pas disponible avant le 30 juin 2021. La seule circonstance que la compagnie aérienne qui avait assuré son vol vers Paris en janvier 2020 a annulé les vols qu'elle avait réservés, en dernier lieu celui du 29 mars 2021, vers Qinqdao, ville qui se situe sur le territoire de la Chine et non à Hong Kong, ne suffit pas, alors même que le contexte de pandémie de la Covid-19 rendait plus difficiles, mais non impossibles, les déplacements vers la Chine, à établir l'existence d'une force majeure empêchant l'intéressée de quitter le territoire français. Par ailleurs, Mme A... ne se prévaut pas de circonstances humanitaires justifiant la prolongation de son visa. Quant à la circonstance qu'elle est isolée en Chine et que ses deux filles résident sur le territoire français, elle ne constitue pas une raison personnelle grave rendant impossible son départ, pas plus, en tout état de cause, que le fait qu'elle aurait dû se soumettre à un éventuel confinement lors de son retour dans son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de prolongation de visa qui lui a été opposé le 16 juin 2021 serait entaché d'erreur d'appréciation et méconnaîtrait les dispositions de l'article 33 du règlement (CE) n° 810/2009 précité.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... était entrée en janvier 2020 sur le territoire français avec un visa de court séjour pour rendre visite à ses filles, l'aînée résidant en France depuis 2007 et la deuxième étant prise en charge par la première depuis août 2018. Eu égard à la finalité d'une décision de prolongation de visa, la circonstance que la requérante a ses attaches familiales en France et que sa fille aînée dispose d'une situation lui permettant d'assurer sa prise en charge financière n'est pas de nature à établir que le refus de prolongation de visa porte une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit, Mme A... a confié en août 2018 sa deuxième fille, née en novembre 2010, à sa fille aînée qui réside régulièrement sur le territoire français, afin que la première y suive sa scolarité. L'obtention du visa de court séjour qui a permis à la requérante d'entrer en France en janvier 2020 avait pour objet de lui permettre de rendre visite à sa fille mineure et non de demeurer au-delà de la durée de ce visa à ses côtés. Dans ces conditions, le refus de prolongation du visa en litige ne peut être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

9. En dernier lieu, contrairement à ce que Mme A... soutient, la circonstance que son visa a été prolongé une première fois, dans le contexte de pandémie de la Covid-19, entre le 4 août et le 30 septembre 2020 ne lui conférait aucun droit à la prolongation ultérieure de celui-ci. En l'absence d'existence d'une force majeure ou de circonstances humanitaires et à défaut de justifier de raisons personnelles graves, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit au motif, non établi, que les circonstances de fait et de droit n'auraient pas changées.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni encore qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Bertin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 22NC02986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02986
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;22nc02986 ?
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