Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le président du conseil départemental de l'Aube l'a licenciée pour insuffisance professionnelle et l'a radiée des cadres à compter du 15 juillet 2021 et de condamner le département de l'Aube à lui verser une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi.
Par un jugement n° 2101935 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 10 novembre 2022 et 9 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Roblot, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au département de l'Aube de la réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter de la date de son licenciement ;
4°) de condamner le département de l'Aube à lui verser la somme de 10 905 euros correspondant à l'ensemble des traitements et primes non perçus ainsi que des cotisations non versées à compter de son licenciement et jusqu'à la date de sa réintégration ;
5°) de condamner le département de l'Aube à lui verser la somme de 22 905 euros en réparation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 28 juin 2021 et du harcèlement moral subi ;
6°) de condamner le département de l'Aube à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des souffrances et de l'arrêt de travail suite au harcèlement subi ;
7°) de mettre à la charge du département de l'Aube une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité de l'arrêté du 28 juin 2021 :
- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de son insuffisance professionnelle ;
- la collectivité a méconnu son obligation de la reclasser ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir visant à couvrir le harcèlement moral qu'elle a subi de la part de son supérieur hiérarchique ;
- elle est illégale compte tenu de la méconnaissance par le département de son obligation de sécurité de résultat suite aux faits de harcèlement moral qu'elle a subis ;
Sur les conclusions indemnitaires :
- elle a subi un préjudice matériel du fait de l'illégalité de son licenciement, qui sera indemnisé à raison de trois mois de rémunération, soit 10 905 euros ;
- elle a subi un préjudice moral du fait de son placement en arrêt de travail à la suite des faits de harcèlement moral, indemnisable à hauteur de 10 000 euros ;
- elle a subi un préjudice moral, évalué à 2 000 euros, à raison de l'absence de soutien et d'accompagnement reçus, en dépit du signalement de la situation dont elle était victime.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 janvier et 13 février 2023, le département de l'Aube, représenté par Me Cabanes et Me Perche du cabinet Baker et McKenzie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, faute de présenter des conclusions aux fins d'annulation du jugement ;
- les moyens soulevés par Mme A... et dirigés contre l'arrêté du 28 juin 2021 ne sont pas fondés ;
- aucun élément n'est de nature à faire présumer l'existence d'un quelconque harcèlement moral à son encontre ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- Mme A... ayant abandonné devant le tribunal administratif les conclusions visant à la condamnation du département au versement d'une somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral, elle n'est plus recevable à demander la réparation des préjudices liés à son licenciement que dans la limite de l'enveloppe de 10 905 euros ;
- le montant total sollicité excède l'indemnité chiffrée en première instance ;
- les préjudices matériels et moraux dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 22 905 euros ne sont pas justifiés ;
- les conclusions indemnitaires seront rejetées par voie de conséquence de l'absence d'illégalité fautive ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre la faute que constituerait une insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et les préjudices allégués ;
- Mme A... ne démontre pas que la décision de licenciement a occasionné un préjudice moral ou des troubles dans ses conditions d'existence ;
- le quantum de 12 000 euros n'est pas justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,
- les observations de Me Roblot, représentant Mme A...,
- et les observations de Me de Saint Pern, représentant le département de l'Aube.
Considérant ce qui suit :
1. Agent contractuel ayant occupé divers postes auprès de collectivités territoriales entre 2002 et 2010, Mme A... a été titularisée le 1er mars 2011 dans le cadre d'emplois des ingénieurs de la fonction publique territoriale et promue ingénieure principale le 1er novembre 2017. Elle a été recrutée comme cheffe du service " aménagement et environnement " du département de l'Aube à compter du 1er février 2020 avant de faire l'objet d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. A la suite de l'avis émis le 17 juin 2021 par le conseil de discipline des fonctionnaires territoriaux, le président du conseil départemental de l'Aube a, par un arrêté du 28 juin 2021, procédé à son licenciement pour insuffisance professionnelle et à sa radiation des cadres à compter du 15 juillet 2021. Mme A... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que ses conclusions tendant à être indemnisée des préjudices invoqués à raison de son licenciement.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 juin 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...). " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort de l'arrêté en litige que, pour estimer que Mme A... avait fait preuve d'insuffisance professionnelle dans l'exercice de ses fonctions, le président du département de l'Aube a retenu que le comportement professionnel de l'agent se caractérisait par plusieurs manquements à l'exercice normal de ses fonctions, cinq griefs étant précisément énoncés, et qu'il n'avait pas significativement évolué en dépit des orientations, des écrits de rappel et du cadrage imposé par sa hiérarchie à plusieurs reprises. Dans ces conditions, et alors même qu'il ne mentionne pas chacune des circonstances de fait qui illustre les griefs retenus, l'agent en ayant notamment été informée par le courrier du 3 mai 2021 portant engagement de la procédure de licenciement à son encontre, l'arrêté en litige est suffisamment motivé en fait au sens des dispositions précitées de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un fonctionnaire territorial était prévu par l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige, lequel dispose que : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ".
5. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
6. Aux termes de l'article 2 du décret du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux : " Les ingénieurs territoriaux exercent leurs fonctions dans tous les domaines à caractère scientifique et technique entrant dans les compétences d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public territorial, notamment dans les domaines relatifs : (...) ; 5° A l'urbanisme, à l'aménagement et aux paysages ; (...). / Ils assurent des missions de conception et d'encadrement. Ils peuvent se voir confier des missions d'expertise, des études ou la conduite de projets. / Ils sont chargés, suivant le cas, de la gestion d'un service technique, d'une partie du service ou d'une section à laquelle sont confiées les attributions relevant de plusieurs services techniques ".
7. Alors que la prise de poste de Mme A... a été rendue compliquée par le confinement lié à la Covid-19 au printemps 2020, il ressort des pièces du dossier que son supérieur hiérarchique, le directeur général adjoint en charge du patrimoine et de l'environnement, a dû, dès le mois de juillet 2020, lui faire part de certains sujets d'inquiétude lors d'un entretien à l'issue duquel il lui a fixé des objectifs précis pour les mois à venir, conformément à la feuille de route remise lors de sa prise de poste. Puis, par deux rapports soumis au directeur général des services les 16 novembre 2020 et 5 janvier 2021, ce dernier a relevé la persistance de carences dans ses compétences, de problèmes dans l'organisation du travail et des insuffisances dans sa capacité à rendre compte de ses actions à sa hiérarchie, en dépit des alertes réalisées, des conseils prodigués et de la mise en place de points réguliers d'échanges à partir de l'automne 2020. Il ressort des éléments précis et détaillés figurant dans ces rapports, ainsi d'ailleurs que du compte-rendu de l'entretien que Mme A... a eu, le 4 novembre 2020, avec le directeur général des services, et de sa fiche d'évaluation professionnelle remplie à l'issue de son entretien du 5 janvier 2021, que, d'une part, la qualité de ses productions écrites n'était pas à la hauteur, les courriers, rapports ou notes diverses rédigés par ses soins devant être retravaillés tant dans leur forme que pour en corriger des erreurs de fond, notamment quant aux éléments financiers, voire intégralement repris et que la même lacune se retrouvait dans le manque de vérification des productions de ses collaborateur et, d'autre part, que les dossiers qui lui avaient été personnellement confiés avançaient insuffisamment, par manque d'investissement, d'organisation ou de méthode, ce dont il est résulté par exemple l'absence de suite donnée à certaines promesses de production de courriers ou rapports ou la nécessité de la relancer pour obtenir un résultat sur certains dossiers. En se bornant à faire état du grand nombre de dossiers qu'elle devait suivre, à évoquer l'arborescence de sa boîte de messagerie personnelle et la production, en moins de 3 heures, d'un projet portant sur l'organisation de son équipe et des missions télétravaillables, en vue du confinement de novembre 2020, Mme A... ne conteste pas sérieusement l'insuffisance d'investissement dans ses dossiers. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas les carences qui lui sont reprochées quant à l'encadrement de son équipe, qu'il s'agisse tant du suivi des dossiers du service, considéré comme insuffisant, au point qu'elle a dû être invitée à mieux s'approprier les procédures internes et à veiller au mode de pilotage décidé sur les projets, tandis que des réunions techniques mensuelles avec ses agents ont été mises en place à partir de décembre 2020 pour que le directeur général adjoint puisse être régulièrement informé de l'avancement des opérations, que du management inadapté des agents, marqué par une difficulté à établir des rapports de confiance et à sécuriser leur cadre de travail. Les témoignages qu'elle produit ne permettent pas de combattre la matérialité des faits qui lui sont reprochés ni l'insuffisance dont elle fait preuve en matière de gestion d'un service. Enfin, il ressort également des pièces du dossier, et n'est pas contesté, un positionnement délicat de Mme A... au sein de et à l'égard de la collectivité, qui a pris la forme d'une remise en cause des décisions de son supérieur ou des élus, d'une difficulté à intégrer le périmètre de ses missions caractérisée par exemple par son immixtion dans des dossiers ne relevant pas de sa responsabilité, d'un manque de loyauté à l'égard de sa hiérarchie ou encore d'un manque de réserve à l'égard des partenaires extérieurs.
8. La circonstance que Mme A... a une expérience de dix années en tant qu'ingénieure de la fonction publique territoriale et que ses évaluations ont été positives entre 2016 et 2019 ne permet pas de remettre en cause les constats opérés, alors au demeurant que son précédent employeur avait mis fin à son détachement sur son emploi fonctionnel de directrice adjointe des services techniques au motif, notamment, d'un positionnement inadapté lors d'un changement d'organisation décidé par les élus et d'un suivi insuffisant des dossiers relevant de sa responsabilité. Les témoignages d'anciens collaborateurs sont à cet égard sans incidence sur les carences relevées dans l'exercice de ses fonctions au sein du département de l'Aube. Il résulte de ce qui précède que les lacunes et insuffisances de Mme A... dans l'exercice de ses fonctions, observées pendant près d'une année, sans évolution favorable, sont de nature à révéler, en dépit de sa compétence technique, laquelle n'a d'ailleurs pas été remise en cause, une inaptitude à exercer normalement les fonctions correspondant à son grade d'ingénieure principale. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle est entachée d'erreur d'appréciation.
9. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les faits ayant fondé la décision en litige étaient de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle. Si Mme A... soutient que certains des faits retenus contre elle auraient pu être constitutifs de fautes disciplinaires, cette argumentation est inopérante pour contester une décision prononçant un licenciement pour insuffisance professionnelle.
10. En quatrième lieu, aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n'impose de chercher à reclasser sur d'autres fonctions un fonctionnaire qui ne parvient pas à exercer celles qui correspondent à son grade. Mme A... ne saurait ainsi utilement faire grief au département de l'Aube de ne pas avoir cherché à lui trouver une autre affectation dans un emploi correspondant à son grade, ni à se prévaloir de ce que son insuffisance professionnelle à exercer les fonctions correspondant à son grade ne serait pas totale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le département d'une obligation de reclassement doit être écarté comme étant inopérant.
11. En sixième lieu, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
12. D'une part, Mme A... ne peut pas sérieusement reprocher au directeur général adjoint d'avoir pris contact avec son ancienne collectivité ni la teneur d'une des questions qu'il lui a posées lors de l'entretien, dès lors qu'elle a été recrutée sur le poste pour lequel elle avait postulé. Elle n'établit par ailleurs pas qu'il communiquerait avec elle par " hurlements ". En outre, si, ainsi qu'il a été dit plus haut, son supérieur hiérarchique a été amené à retravailler les productions de la requérante, afin d'en corriger les erreurs matérielles ou d'en améliorer le contenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cela n'aurait pas été justifié. De même les propositions de formation qu'il lui a faites à l'issue de l'entretien professionnel réalisé en janvier 2021 sont en lien direct avec les insuffisances relevées quant à la maîtrise de certaines compétences évaluées, tandis que le refus opposé à sa demande de cumul d'activités pour l'année 2021 est motivé par la nécessité identifiée par son employeur qu'elle se recentre sur les missions qui lui ont été confiées et se mobilise sur les objectifs qui lui ont été fixés pour l'année à venir. S'il ressort des pièces du dossier que son supérieur n'était assurément pas satisfait du travail de Mme A... et que leurs relations se sont tendues à compter du mois d'octobre 2020, son comportement à son égard n'a pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et est demeuré étranger à toute forme de harcèlement moral. La seule circonstance qu'il lui a transféré, fin octobre, un courriel relatif à une offre de poste, aussi maladroite soit-elle, ne permet pas non plus de faire présumer des agissements de harcèlement moral.
13. D'autre part, la configuration du poste de Mme A..., qu'il s'agisse du titre de " cheffe de service " ou du nombre d'agents affectés, relève d'une décision antérieure à son recrutement, insusceptible de révéler l'existence d'un harcèlement moral, pas plus que la circonstance que son successeur aurait été recruté en tant que " directeur ". En outre, informé des difficultés qu'elle rencontrait depuis sa prise de poste, le directeur général des services l'a reçue le 4 novembre 2020 pour évoquer les contours de son poste, les positions de la collectivité et les modes de fonctionnement pratiqués et attendus de sa part. Alors qu'il ressort du compte-rendu de cet entretien qu'il s'est tenu en présence de la cheffe du service vie au travail, prévention, santé et sécurité, Mme A..., qui ne conteste pas les termes de ce compte-rendu, n'établit pas qu'elle aurait alors évoqué des faits de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique. Elle ne saurait ainsi sérieusement reprocher à son employeur de ne pas avoir diligenté de procédure d'enquête. Dans le contexte ci-dessus décrit, le mal-être au travail ressenti par Mme A..., évoqué le 28 janvier 2021 auprès du médecin de prévention, et l'asthénie qui a motivé les arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du 2 février 2021 ne peuvent être regardés comme une altération de sa santé provoquée par des agissements constitutifs de harcèlement moral. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de licenciement en litige procèderait d'une volonté de la collectivité de " couvrir " des faits constitutifs de harcèlement moral, ni qu'elle aurait été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt du service. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
14. En dernier lieu, pour contester la décision en litige la licenciant pour insuffisance professionnelle, Mme A... ne saurait utilement soutenir que son employeur n'aurait pas mis en œuvre les mesures de prévention qu'imposait sa situation, dont il a été dit au point précédent, qu'elle n'était pas constitutive de harcèlement moral, ni qu'il aurait méconnu une " obligation de sécurité de résultat ".
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander qu'il soit enjoint au département de l'Aube de la réintégrer dans son poste et de lui verser un rappel de rémunération à compter de sa radiation des cadres et jusqu'à sa réintégration.
Sur les conclusions indemnitaires :
16. D'une part, il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme A... n'a pas établi que l'arrêté du 28 juin 2021 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle serait entaché d'illégalité. Par suite, en l'absence de décision fautive de nature à engager la responsabilité du département de l'Aube, les conclusions présentées par Mme A... et tendant à la condamnation du département à lui verser une somme de 22 905 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle aurait subis à raison de sa radiation des cadres ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le département de l'Aube.
17. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit aux points 12 à 14 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département de l'Aube à raison des agissements de harcèlement moral qu'elle soutient avoir subis ni à raison de la méconnaissance alléguée par son employeur d'une " obligation de sécurité de résultat ". Les conclusions tendant à la condamnation du département à l'indemniser du préjudice moral qu'elle aurait subi ne peuvent, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, qu'être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le département de l'Aube, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.
Sur les frais de l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Aube, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le département de l'Aube au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Aube sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Brodier, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne à la préfète de l'Aube en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC02813