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19/10/2023 | FRANCE | N°21NC00437

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 21NC00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Biosynex a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1807277 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, la SA Biosynex, représentée par Me Briclot, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Biosynex a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1807277 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, la SA Biosynex, représentée par Me Briclot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative afin de rembourser les frais de procédure qu'elle a engagés tant en première instance qu'en appel.

Elle soutient que :

- les réactifs utilisés ainsi que les kits d'analyse et tests de validité sont des immobilisations générées en interne amortissables ; ce sont des prototypes qui constituent des biens immobilisés au même titre que les instruments de manipulation nécessaires à la recherche et développement ;

- le coût du développement des prototypes par un prestataire extérieur participe à la création de l'immobilisation affectée aux travaux de recherche et développement et doit être inclus dans son prix de revient.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Biosynex ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Biosynex est spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de tests de diagnostic rapide. Au cours de l'année 2016, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a, sans remettre en cause le caractère éligible des projets de recherche au crédit impôt recherche, exclu de la base de calcul de ce crédit d'impôt la dotation aux amortissements correspondant à l'utilisation de réactifs, de matières premières et aux frais relatifs à la facturation de prestations par la société Axodev. Les rehaussements notifiés dans la proposition de rectification du 31 mai 2016 ont été contestés par la société. Ils ont été maintenus par l'administration dans la réponse aux observations du contribuable du 26 septembre 2016. La réclamation présentée par la société à la suite de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires a été partiellement admise le 25 septembre 2018. La SA Biosynex relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, la société requérante reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de la méconnaissance du I. de l'article 236 du code général des impôts, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 1er décembre 2020.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, les dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt sont notamment : " a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) / c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b et au b bis ; (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes agréés par le ministre chargé de la recherche selon des modalités définies par décret, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions ".

4. D'autre part, en application de l'article 211-6 du plan comptable général, une immobilisation corporelle est un actif physique détenu, pour être utilisé dans la production ou la fourniture de biens et de services, pour être loué à des tiers, ou à des fins de gestion interne et dont l'entreprise attend qu'il soit utilisé au-delà de l'exercice en cours.

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts.

6. Il résulte de l'instruction que la SA Biosynex utilise des produits biologiques ou chimiques, notamment des antigènes et des anticorps ainsi que d'autres consommables et des kits d'analyse et tests de validité pour développer de nouveaux tests de diagnostic et évaluer leurs performances. Si la société soutient que ces kits d'essai sont des prototypes qui font partie intégrante de ses projets de recherche en permettant de tester et améliorer l'efficacité des nouveaux tests développés, il n'est pas sérieusement contesté que les produits biologiques sont entièrement consommés lors de leur premier usage et que ces réactifs comme les kits d'essai permettent d'évaluer la performance des nouveaux tests de diagnostic mais ne sont pas utilisés de manière durable dans le processus de recherche. A cet égard, la société ne peut utilement se prévaloir de l'avis du comité consultatif du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche du 24 janvier 2018 qui considère que les dépenses en litige peuvent être incluses dans les dotations aux amortissements ouvrant droit au crédit d'impôts dès lors que ce comité, qui ne s'est pas prononcé sur la période d'imposition en litige, n'est pas compétent pour interpréter les dispositions applicables. Ainsi ces réactifs et ces kits d'essai ne peuvent être regardés comme des prototypes au sens du a) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Ils ne constituent pas des actifs immobilisés pour lesquels la société peut procéder à une dotation aux amortissements déductibles en vertu du a) de cet article 244 quater B mais entrent dans le champ des dépenses de fonctionnement qui ont déjà été prises en compte forfaitairement au titre du c) de ce même article.

7. En troisième lieu, s'agissant des prestations facturées par la société Axodev, la SA Biosynex soutient que le dirigeant de cette entreprise a participé au développement des kits d'essai au cours du processus de recherche et que les prestations de service y afférentes doivent être prises en compte dans le coût de création des immobilisations correspondantes. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit au point précédent, que ces kits d'essai ne constituent pas des actifs immobilisés pour lesquels la société pourrait procéder à des dotations aux amortissements donnant droit au crédit d'impôt recherche. Il s'ensuit que le coût de ces prestations de service ne peut donc entrer dans le champ du a) de l'article 244 quater B au titre des dotations aux amortissements pour la réalisation de prototypes. Par ailleurs, l'administration fait valoir sans être contestée que seules les dépenses externalisées qui correspondent à des opérations de recherche confiées à des organismes de recherche privés ou des experts scientifiques ou technique agréés par le ministre chargé de la recherche peuvent être pris en compte dans le crédit d'impôt recherche. En l'espèce, il n'est ni établi, ni allégué que la société Axodev disposait d'un tel agrément. Par suite, les dépenses en cause ne peuvent entrer dans le champ de l'article 244 quater B.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ".

9. Aux termes du paragraphe 30 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 du 4 avril 2014 : " (...) Sont considérés comme affectés directement à des opérations de recherche, les biens qui permettent, en eux-mêmes, la réalisation des programmes de recherche de l'entreprise. Tel est notamment le cas des instruments de manipulations, des instruments de calcul, des ordinateurs, des machines servant à fabriquer les pièces entrant dans la composition d'un prototype. ". Il résulte de l'instruction que cette doctrine ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application à la SA Biosynex.

10. Aux termes des paragraphes 60 et 70 de l'instruction référencée BOI-BIC-CHG-20-30-30 du 1er mars 2017 : " (...) les coûts engagés lors de la phase de développement peuvent être comptabilisés à l'actif à la condition qu'ils se rapportent à des projets nettement individualisés, ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale. (...) / Sur le plan fiscal, les mêmes définitions qu'en comptabilité seront retenues. Ainsi, les mêmes critères d'immobilisation que ceux définis par le règlement comptable seront appliqués. " et du paragraphe 320 de l'instruction référencée BOI-BIC-CHG-20-20-10 du 1er janvier 2019 : " Les charges directes sont les charges qu'il est possible d'affecter, sans calcul intermédiaire, au coût d'un bien. Elles incluent notamment les coûts d'acquisition des matières et fournitures consommées pour la fabrication du bien, mais aussi tous les coûts directement attribuables, sur le même principe que pour une immobilisation acquise ". Ainsi qu'il a été dit au point 5, les réactifs et kits d'essai utilisés par la SA Biosynex ne constituent pas des biens immobilisés, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir de ces doctrines relatives aux immobilisations et qui sont, en tout état de cause, postérieures à la période d'imposition en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Biosynex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Biosynex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Biosynex et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC00437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00437
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : IN EXTENSO AVOCATS ALSACE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;21nc00437 ?
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