La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00617

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2023, 23NC00617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200615 du 20 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2023, Mme A..., représentée par Me Zind, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200615 du 20 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2023, Mme A..., représentée par Me Zind, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle nécessite une prise en charge médicale pour les différentes pathologies dont elle souffre mais ne dispose pas d'un accès effectif aux soins au Tchad ;

- elle méconnait les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la présence de cinq de ses enfants en France et à son isolement au Tchad ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens présentés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité tchadienne, née le 28 avril 1951, est entrée en France le 10 septembre 2014 sous couvert d'un visa court séjour valable du 26 août au 9 décembre 2014 afin de rendre visite à ses quatre enfants y résidant et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de son visa. Le 3 août 2015, l'intéressée a sollicité un titre de séjour pour motif familial qui lui a été refusé par un arrêté du 29 février 2016, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la cour administrative d'appel de Nancy le 4 juillet 2017. Le 27 mars 2018, elle a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé mais le 20 septembre 2018, sa demande a été également rejetée. Le 23 novembre 2018, Mme A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté valant nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé et à titre exceptionnel. Le 14 mars 2019, une carte de séjour temporaire valable un an en raison de son état de santé lui a été remis, dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du 27 octobre 2021 assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Mme A... relève appel du jugement du 20 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". Aux termes de l'article R. 425-9 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser d'admettre Mme A... au séjour en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 7 décembre 2020 dont il ressort que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé de santé lui permet d'y voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre principalement d'hypertension artérielle et d'insuffisance rénale chronique. La requérante verse notamment au dossier le certificat médical rempli par son médecin généraliste pour l'OFII dans lequel il indique que le suivi et le traitement de ses pathologies chroniques semblent difficilement réalisables dans son pays d'origine ainsi que des extraits du rapport d'Amnesty international de juillet 2018 soulignant la réduction des dépenses gouvernementales dans le domaine de la santé et un rapport du bureau de la coordination des affaires humanitaires de juillet 2020 traitant notamment des conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19 au Tchad. Toutefois, ces documents généraux sur les difficultés d'accès aux soins au Tchad ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation circonstanciée portée par le collège du médecin de l'OFII sur le cas de la requérante et dont la préfète du Bas-Rhin s'est appropriée les termes. En outre, l'intéressée ne démontre pas, par la production du certificat médical du 19 janvier 2022 se bornant à préciser qu'elle bénéfice d'un suivi médical régulier depuis 2018, que son état de santé se serait aggravé depuis l'élaboration de cet avis. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de Bas-Rhin aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... est présente depuis septembre 2014 sur le territoire français où résident régulièrement cinq de ses neuf enfants et déclare être logée chez sa fille ainée qui subviendrait à ses besoins. Toutefois, elle ne démontre ni que la présence de sa fille à ses côtés serait indispensable pour les actes de la vie courante, ni avoir de relations avec ses autres enfants présents sur le territoire français ou ses petits-enfants. En outre, si elle fait valoir qu'aucun de ses quatre autres enfants ne résideraient au Tchad et que son époux est décédé en 2012, elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale ou amicale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 63 ans et deux années à la suite du décès de son mari. Enfin, elle n'établit ni avoir développé d'attaches personnelles sur le territoire français, ni s'être particulièrement intégrée au sein de la société française. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de Mme A... en France, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, il ne résulte pas du recours gracieux valant nouvelle demande de titre de séjour présentée le 22 novembre 2018 par Mme A..., que cette dernière aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de la décision en litige.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, Mme A... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour une admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait, en refusant de la régulariser à titre exceptionnel, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Zind.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

Le greffier,

Signé : J-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J-Y. Gaillard

2

N° 23NC00617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00617
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ZIND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00617 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award