La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00545

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2023, 23NC00545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202662 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2023, M. A..., représenté par Me Ga

ffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202662 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2023, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour dans la mesure où il est présent en France depuis 2015, a régulièrement travaillé et dispose d'attache familiale sur le territoire français ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2023, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité centrafricaine, né le 28 décembre 1988, déclare être entré sur le territoire français le 2 décembre 2015. Il a sollicité le bénéfice de l'asile qui lui a été refusé, en dernier lieu, par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 30 janvier 2018. Le 14 mars 2018, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour qui lui a été refusée le 26 juillet 2019, refus assortie d'une mesure d'éloignement. Le 25 août 2022, alors qu'il est titulaire d'un titre de séjour espagnol en cours de validité, M. A... a présenté une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 20 octobre 2022, la préfète de l'Aube a refusé lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels il se fonde, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. A.... Il comporte ainsi de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... la décision qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que la préfète de l'Aube aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale' d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. A... soutient être présent sur le territoire français depuis décembre 2015, il n'établit pas y résider de manière continue alors même qu'il a déposé une demande d'asile en Espagne le 29 décembre 2015, que l'office central des réfugiés espagnol lui a accordé la protection subsidiaire le 6 juin 2017 et qu'il indique lui-même y être retourné fin d'année 2018, pour y bénéficier d'un titre de séjour, puis en 2022 pour en obtenir le renouvellement. Il n'est pas contesté qu'il est séparé de sa conjointe, qui est une compatriote résidant sur le territoire français et qu'ils sont en instance de divorce. S'il soutient vivre avec son frère et sa sœur, majeurs, il ne l'établit pas par un seul courrier adressé à sa sœur à l'adresse de son domicile en France et quelques photographies non circonstanciées et non datées. Les deux témoignages qu'il verse au dossier, établis pour les besoins de la cause, sont imprécis et ne permettent pas de justifier qu'il a développé des attaches personnelles fortes sur le territoire français. En outre, si M. A... a travaillé épisodiquement en tant qu'ouvrier agricole au cours de l'année 2021 et qu'il travaille en contrat à durée indéterminée depuis octobre 2021 en qualité de commis de cuisine, il ne démontre pas, par cette seule activité, au demeurant non autorisée, une insertion particulière dans la société française. Séparé et sans enfant en charge, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, la préfète de l'Aube n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 précitées, ni porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié', "travailleur temporaire' ou "vie privée et familiale', sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

7. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... n'établit ni être présent de manière continue en France depuis décembre 2015, ni avoir des attaches particulières sur le territoire français. Séparé et sans enfant à charge, le requérant ne peut être regardé comme présentant des circonstances humanitaires justifiant qu'ils bénéficient à titre exceptionnel d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". D'autre part, M. A... se prévaut de son activité professionnelle en tant qu'ouvrier agricole en 2021 puis depuis octobre 2021 en qualité de commis de cuisine. Toutefois, il n'a travaillé en tant qu'ouvrier agricole que pour deux courtes périodes en mai et juin 2021. S'agissant de son emploi dans la restauration, il ne justifie pas d'une expérience préalable ou d'une quelconque formation dans ce domaine et cette activité demeure relativement récente à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, il ne justifie pas à ce stade d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées justifiant qu'il soit admis au séjour à titre exceptionnel en qualité de salarié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, l'autorité préfectorale n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". L'article L. 613-1 du même code dispose : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

10. Les dispositions précitées ne prévoient pas de motivation distincte pour la décision portant obligation de quitter le territoire français, et n'impliquent pas, par conséquent, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

12. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées aux points 5 et 7, la préfète de l'Aube n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles liées aux frais du litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Gaffuri.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

Le greffier,

Signé : J-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J-Y. Gaillard

2

N° 23NC00545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00545
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00545 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award