Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C..., aux droits duquel est venu M. B... C..., a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le préfet des Vosges l'a mis en demeure de régulariser la situation administrative de son ouvrage créé en zone humide en déposant soit un dossier de déclaration de travaux, soit un dossier de remise en état du site, ainsi que la décision du 25 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet des Vosges s'est opposé à sa déclaration de travaux présentée au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le préfet des Vosges a mis M. A... C... en demeure de régulariser la situation administrative de son ouvrage créé en zone humide en déposant soit un dossier de déclaration de travaux, soit un dossier de remise en état du site, ainsi que la décision du 25 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet des Vosges s'est opposé à la déclaration de travaux présentée par M. A... C... au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°s 1901470-1902839 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté l'ensemble de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 avril 2021, le 8 décembre 2021 et le 21 décembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Cuny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 par lequel le préfet des Vosges a mis son père M. A... C... en demeure de régulariser la situation administrative de l'ouvrage créé en zone humide en déposant soit un dossier de déclaration de travaux, soit un dossier de remise en état du site ainsi que la décision du 25 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel le préfet des Vosges s'est opposé à la déclaration de travaux déposée par son père au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il a omis de répondre au moyen d'incompétence soulevé à l'encontre de l'arrêté d'opposition à déclaration ;
- les conditions cumulatives de la zone humide prévues par l'article L. 211-1 du code de l'environnement ne sont pas remplies ;
- les dispositions de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 modifiant la définition de la zone humide ne peuvent s'appliquer rétroactivement à sa situation ; le juge du plein contentieux doit appliquer les règles de procédure à la date des faits ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en qualifiant sa parcelle de zone humide quelle que soit la définition de la zone humide retenue ;
- sa parcelle n'est pas répertoriée en zone humide ;
- le rapport du 7 avril 2017 n'a pas déterminé le périmètre de la zone humide conformément à l'article 3 de l'arrêté du 24 juin 2008, ni respecté le protocole de terrain prévu au 1.1.2 de l'annexe à cet arrêté ; le service de contrôle n'a pas procédé à l'examen de la végétation conformément au point 2.1.1. de l'annexe à cet arrêté ;
- la mise en demeure est irrégulière dès lors que le rapport du 7 avril 2017 ne lui a pas été immédiatement communiqué en méconnaissance de l'article L. 171-6 du code de l'environnement ;
- la mise en demeure méconnait l'article L. 171-7 du code de l'environnement dès lors que la remise en état des lieux a été demandée concomitamment à la régularisation ;
- l'arrêté d'opposition à déclaration est insuffisamment motivé ;
- l'ouvrage réalisé est compatible avec les orientations du SDAGE ;
- il n'existait pas de zone humide à la date de l'arrêté d'opposition ;
- les seuils de déclaration et d'autorisation de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement ne dépendent pas de la surface du projet mais de celle de la zone humide impactée laquelle n'est pas précisément déterminée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2021 et le 19 décembre 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des courriers du 7 septembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées en première instance par M. B... C... tendant à l'annulation de l'arrêté de mise en demeure du 19 décembre 2018 pour défaut d'intérêt à agir contre cet acte qui n'a aucun effet sur sa situation et concerne exclusivement son père et, d'autre part, de ce que le terrain d'assiette des travaux en litige ne se trouvant pas, à la date de leur réalisation, dans une zone humide et ces travaux ayant dès lors été légalement réalisés, le préfet n'avait pas, compte tenu des dispositions des articles L. 214-6 (IV) et R. 214-53 du code de l'environnement, compétence pour s'opposer à la déclaration de travaux présentée par M. A... C....
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté ses observations sur les moyens relevés d'office.
Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2023, M. B... C..., représenté par Me Cuny, a présenté ses observations sur les moyens relevés d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 24 juin 2008 modifié par l'arrêté du 1er octobre 2009 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Cuny, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. En 2016, M. A... C..., propriétaire d'une parcelle cadastrée section AA n° 46, sur le territoire de la commune d'Autrey, dans les Vosges, a créé sur celle-ci un plan d'eau destiné à recevoir les eaux de ruissellement des fonds supérieurs. A la suite d'un rapport de l'Agence française pour la biodiversité du 7 avril 2017 indiquant que ces travaux, portant sur une surface de plus de 1 000 m2, avaient été irrégulièrement réalisés au sein d'une zone humide en méconnaissance de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, le préfet des Vosges a, par un arrêté du 19 décembre 2018, mis en demeure l'intéressé de régulariser sa situation administrative, en application de l'article L. 171-7 du code de l'environnement. Le recours gracieux formé contre cet arrêté a été rejeté par une décision du 25 mars 2019. Le même jour, M. A... C... a déposé une déclaration de travaux à laquelle le préfet s'est opposé par un arrêté du 6 mai 2019. Le 18 juin suivant, l'intéressé a exercé, contre cet arrêté d'opposition à déclaration, un recours gracieux, en application de l'article R. 214-36 du code de l'environnement, qui a été implicitement rejeté par le préfet. M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la mise en demeure. Devenu entre-temps propriétaire de la parcelle litigieuse en vertu d'une donation de son père, M. B... C... s'est substitué à son père dans l'instance engagée devant le tribunal. Parallèlement, il a également saisi cette même juridiction d'un recours tendant à l'annulation de la mise en demeure et de l'arrêté d'opposition à déclaration. Après avoir joint les requêtes, par un jugement du 9 mars 2021, dont seul M. B... C... fait appel, le tribunal administratif a rejeté les deux demandes.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 et de la décision du 25 mars 2019 de rejet du recours gracieux :
2. Aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / (...) / II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le préfet ne peut mettre en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé que l'exploitant d'installations ou d'ouvrages ou les personnes qui ont réalisé des travaux, opérations, activités ou aménagements sans avoir obtenu au préalable d'autorisation ou procédé à la déclaration prévue par le code de l'environnement. Ainsi, seule la personne à laquelle cette mise en demeure est notifiée a un intérêt à la contester.
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2016, M. A... C... a réalisé des travaux consistant en la réalisation d'un plan d'eau sur la parcelle cadastrée section AA n° 46, située sur le territoire de la commune d'Autrey, en dépit d'une opposition du service départemental de l'eau du 21 juin 2016 motivée par la présence potentielle d'une zone humide. Estimant que ces travaux avaient été réalisés au sein d'une zone humide, sur une surface d'au moins 1 000 m2, et qu'ils relevaient en conséquence de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 241-1 du code de l'environnement, le préfet des Vosges l'a alors mis en demeure, par l'arrêté contesté du 19 décembre 2018, de régulariser sa situation administrative en déposant soit un dossier de déclaration de travaux, soit un dossier de remise en état du site. Ainsi, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que M. A... C... est le seul à avoir intérêt à contester cette mise en demeure. Si, par un acte de donation du 19 septembre 2019, M. B... C... est devenu propriétaire de la parcelle sur laquelle les travaux litigieux ont été exécutés, cette qualité ne lui donnait pas pour autant intérêt à contester la mise en demeure dont le préfet ne pourrait tirer aucune suite, notamment pénale, à son encontre. Par ailleurs, la procuration dont se prévaut le requérant, qui n'a pour objet que de lui permettre d'agir en lieu et place de son père pour la gestion des biens que possède ce dernier, n'était, en tout état de cause, pas davantage de nature à lui conférer qualité pour contester la mise en demeure dès lors que la propriété de la parcelle en litige lui avait été préalablement transférée, ainsi qu'il vient d'être dit, par voie de donation. Par suite, M. B... C... n'était pas recevable à demander l'annulation de la mise en demeure prononcée à l'encontre de son père, ni de la décision du 25 mars 2019 rejetant le recours gracieux exercé contre cette dernière.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2018 et de la décision du 25 mars 2019 rejetant le recours gracieux présenté par son père.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mai 2019 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2019 :
6. Aux termes de l'article R. 214-36 du code de l'environnement : " L'opposition est notifiée au déclarant. / Le déclarant qui entend contester une décision d'opposition doit, préalablement à tout recours contentieux, saisir le préfet d'un recours gracieux. Le préfet soumet ce recours à l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et informe le déclarant, au moins huit jours à l'avance, de la date et du lieu de la réunion et de la possibilité qui lui est offerte d'être entendu. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur le recours gracieux du déclarant vaut décision de rejet ".
7. Il résulte de ces dispositions que le déclarant qui entend contester une décision d'opposition doit, préalablement à tout recours contentieux, saisir le préfet d'un recours gracieux. La décision implicite de rejet prise par le préfet sur ce recours administratif préalable obligatoire se substitue dès lors à la décision initiale. Il est constant que M. A... C... a exercé, par un courrier du 18 juin 2019, un recours gracieux contre l'arrêté du 6 mai 2019 qui, en raison du silence gardé par le préfet pendant plus de quatre mois, a donné naissance, postérieurement à l'enregistrement de la demande le 2 octobre 2019 au greffe du tribunal administratif, à une décision implicite de rejet qui s'est substituée à la décision initiale. Il s'ensuit que les conclusions de la demande de première instance dirigées contre l'arrêté du 6 mai 2019 avaient perdu leur objet et doivent être regardées comme dirigées contre la décision implicite de rejet.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du recours gracieux :
8. D'une part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date des travaux : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année (...) ".
9. Il ressort de ces dispositions, ainsi que le Conseil d'Etat l'a précisé dans sa décision n° 386325 du 22 février 2017, qu'une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement à la date du présent arrêt : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants ". L'article L. 214-3 du même code dispose : " II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. (...) ". L'article R. 214-1 du même code prévoit la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6. La rubrique 3.3.1.0 de cette nomenclature soumet à déclaration l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation et les remblais de zones humides ou de marais sur une surface supérieure à 0,1 ha et inférieure à 1 ha.
11. Enfin, aux termes du IV de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " (...) Les installations, ouvrages, travaux ou activités qui, après avoir été régulièrement mis en service ou entrepris, viennent à être soumis à déclaration ou à autorisation en vertu d'une modification de la législation ou de la nomenclature prévue à l'article L. 214-2 peuvent continuer à fonctionner, si l'exploitant, ou à défaut le propriétaire, s'est fait connaître à l'autorité administrative, ou s'il se fait connaître dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle l'obligation nouvelle a été instituée. / Les renseignements qui doivent être fournis à l'autorité administrative ainsi que les mesures que celle-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 sont précisés par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 214-53 du même code mentionne les renseignements qui doivent être transmis au préfet.
12. Pour mettre en demeure M. C... de régulariser sa situation au titre de la loi sur l'eau en déposant un dossier de déclaration, le préfet s'est fondé sur la circonstance que le plan d'eau et les travaux de remblaiements ont été réalisés par l'intéressé au sein d'une zone humide et qu'ils entraient, eu égard à leur surface globale d'au moins 1 000 m2, dans le régime de la déclaration au titre de la rubrique 3.3.1.0 annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement.
13. Le requérant soutient qu'à la date des travaux litigieux, soit en 2016, les deux critères pédologique et botanique n'étaient pas remplis et qu'ils n'étaient ainsi soumis à aucune obligation déclarative.
14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport dressé par un agent assermenté de l'Agence française pour la biodiversité du 7 avril 2017, à la suite d'un sondage, que seule la présence de " traits rédoxiques commençant à moins de 20 cm de la surface du sol et se prolongeant en profondeur ainsi que des traits réductiques à moins de 50 cm de la surface du sol " a été relevée. Si ce type de morphologie du sol, de classe Vc, répertorié à l'annexe 1.1 de l'arrêté du 24 juin 2008 modifié susvisé, est caractéristique d'une zone humide, il ne suffisait pas, à lui seul, à démontrer, à la date des travaux, l'existence d'une zone humide en l'absence de justification du second critère lié à la présence de plantes hygrophiles. L'administration ne produit aucune autre pièce de nature à établir, au regard des deux critères pédologique et botanique, l'existence d'une zone humide à la date de réalisation des travaux. Il s'ensuit que M. C... doit être regardé comme ayant régulièrement réalisé les travaux de création d'un plan d'eau en 2016.
15. En matière de police des ouvrages et travaux soumis à déclaration ou autorisation en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, et en particulier pour apprécier si un administré doit déposer une demande d'autorisation, le juge statue en plein contentieux et fait application au litige des règles de fond régissant l'installation ou l'ouvrage au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
16. La définition de la zone humide constitue une règle de fond. Ainsi, il y a lieu de faire application des dispositions du 1° du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans leur rédaction issue de la loi susvisée du 24 juillet 2019, retenant désormais, pour qualifier l'existence d'une zone humide, les critères pédologique et botanique de façon alternative et non plus cumulative.
17. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le critère pédologique, qui est satisfait, suffit à caractériser une zone humide et, au demeurant, le requérant lui-même fait valoir que la remise en état de l'aménagement qu'il a réalisé détruirait une zone humide.
18. Toutefois, en admettant que cet aménagement, soit le bassin de rétention d'eau et les travaux de remblaiement, qui constituent une seule et unique opération qui affecte le même milieu aquatique, porterait sur une surface excédant le seuil de 1 000 m2 et relèverait ainsi du régime de la déclaration, il résulte des dispositions précitées du IV de l'article L. 214-6 du code de l'environnement que les travaux qui ont été, comme en l'espèce, régulièrement réalisés et qui viennent à être soumis à déclaration en application d'un changement de définition de la zone humide peuvent continuer à fonctionner, à condition que l'exploitant ou le propriétaire se soit fait connaître auprès du préfet ou qu'il le fasse dans un délai d'un an à compter du changement de législation. Il s'ensuit qu'en s'opposant, par l'arrêté du 6 mai 2019, à la déclaration déposée par M. C..., qui doit être regardé comme ayant ainsi, en tout état de cause, satisfait à l'obligation de se faire connaître auprès de l'autorité administrative, alors que l'intéressé n'était pas tenu de présenter une telle déclaration, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit.
19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, ni sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Vosges a confirmé, en rejetant son recours administratif préalable obligatoire, l'opposition à déclaration.
Sur les frais liés au litige :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy, en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire exercé contre l'arrêté d'opposition à déclaration du 6 mai 2019, est annulé.
Article 2 : La décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire exercé contre l'arrêté d'opposition à déclaration du 6 mai 2019 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune d'Autrey et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC01111 2