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10/10/2023 | FRANCE | N°23NC01829

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 23NC01829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2303125 du 22 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis Mme D... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 4 mai 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant assignation à résidence, à mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros e

n application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2303125 du 22 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis Mme D... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 4 mai 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant assignation à résidence, à mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Mme D... soit admise définitivement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me Berry renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédures devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 7 juin 2023 sous le n° 23NC01829, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2303125 du 22 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient que :

- il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- c'est à tort que le premier juge, pour annuler l'arrêté portant assignation à résidence, s'est fondé sur la circonstance que le droit de Mme D... à être préalablement entendu avait été méconnu ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2023, Mme D..., représentée par Me Berry, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

II/ Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin 2023 et 21 août 2023, sous le n° 23NC01830, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303125 du 4 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge, pour annuler l'arrêté portant assignation à résidence, s'est fondé sur la circonstance que le droit de Mme D... à être préalablement entendu avait été méconnu ; elle a bien été rendue destinataire du courrier du 31 mars 2023, l'invitant à faire valoir ses observations éventuelles, qui lui a été notifié à sa domiciliation postale ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme D... ne sont pas fondés :

. l'auteur de l'arrêté est compétent ;

. le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;

. l'arrêté est motivé ;

. il n'est pas entaché d'un défaut d'examen ;

. aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2023, Mme D..., représentée par Me Berry, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et en tout état de cause à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 mai 2023 portant assignation à résidence et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés ;

. elle ne démontre pas avoir sollicité ses observations avant l'édiction de l'arrêté litigieux ; l'adresse figurant sur la lettre du 30 mars 2023 de la préfète est différente de celle figurant sur le bordereau du recommandé produit ;

. l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation : son fils est tétraplégique et nécessite des soins constants de sorte qu'elle ne peut pas se rendre une fois par semaine à la police aux frontières pour effectuer son pointage.

Mme D... a été admise à l'aide juridictionnelle totale pour ces deux requêtes par deux décisions du 25 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse D..., ressortissante géorgienne, est entrée en France le 28 octobre 2021 avec son époux et son fils handicapé. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 18 aout 2022. Par un arrêté du 27 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par un premier arrêté du 11 avril 2023, une assignation à résidence lui a été signifiée. Elle a été annulée par jugement du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg. Par un nouvel arrêté du 4 mai 2023, la préfète du Bas-Rhin a repris une décision d'assignation à résidence d'une durée de 45 jours. La requérante a alors demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté préfectoral du 4 mai 2023. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté portant assignation à résidence et demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 23NC01830 :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté d'assignation pris à l'encontre de Mme D... pour deux motifs : la méconnaissance du droit d'être entendu et le caractère disproportionné des modalités de contrôle de l'assignation. La confirmation d'un seul de ces deux motifs est de nature à justifier le rejet de l'appel.

3. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

4. La décision litigieuse impose à Mme D... de se présenter une fois par semaine, le mercredi, hors jours fériés à 14h00 à la direction départementale de la police aux frontières à Entzheim, en même temps que son époux, M. E... D.... Il ressort cependant des pièces du dossier que le fils de Mme D..., né en 1987 est tétraplégique et que son état de santé nécessite la présence d'un de ses parents pour les actions du quotidien tels que repas, toilettes ou courses. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des termes du jugement n° 2303289 du 26 mai 2023 relatif à l'assignation de l'époux de la requérante dont la préfète du Bas-Rhin se prévaut dans ses écritures que cette dernière avait pris en considération la situation familiale en s'abstenant de prendre un nouvel arrêté d'assignation à l'égard de Mme D..., qu'elle n'est sérieusement pas fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée a annulé la mesure d'assignation au motif de son caractère disproportionné au but poursuivi.

5. Ainsi comme il a été dit au point 2 du présent arrêt, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif, ce seul motif était suffisant pour annuler la décision portant assignation à résidence.

6. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué du 22 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, a annulé son arrêté portant assignation à résidence.

Sur la requête n° 23NC01829 :

7. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de la préfète du Bas-Rhin contre le jugement du 22 mai 2023. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme D..., ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par suite, sous réserve de la renonciation de Me Berry au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de Mme D... de la somme globale, pour les deux instances, de 1 500 euros TTC.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la préfète du Bas-Rhin visée sous le n° 23NC01829.

Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 23NC01830 de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Berry la somme globale, pour les deux instances, de 1 500 euros TTC en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation par celui-ci au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Berry.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

Nos 23NC01829, 23NC01830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01829
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-10;23nc01829 ?
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