Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 2105195 du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105195 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 juin 2021 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dollé, avocat de Mme D..., de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- en raison de son état de santé, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- et les observations de Me Dollé pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants kosovars nés respectivement en 1956 et en 1961, seraient entrés en France le 21 décembre 2015 selon leurs déclarations. Dans le dernier état de la procédure, M. et Mme D... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 17 juin 2021, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer le titre sollicité, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Par un jugement n° 2105194 et n° 2105195 du 3 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Mme B..., veuve D..., relève appel du jugement n° 2105195 en tant uniquement qu'il rejette sa demande exercée en son nom.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision en litige que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est arrivée en France au cours de l'année 2015. Le fils majeur de Mme D..., E... D..., affecté d'un lourd handicap, réside régulièrement en France, dans la mesure où il est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 28 mai 2021 en raison de son état de santé. Par ailleurs, en raison du caractère indispensable de sa présence auprès de son frère, M. A... D..., deuxième fils majeur de la requérante, a obtenu, par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg, l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français et la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, Mme D..., dont le troisième fils majeur, C... D..., réside irrégulièrement en France, n'établit pas que sa présence serait indispensable auprès de son fils, E..., affecté de problèmes de santé. Par ailleurs, Mme D..., qui n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu 54 ans, ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française ou de liens personnels intenses et stables sur le territoire français. Ainsi, compte tenu des conditions de séjour de l'intéressée, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de Mme D....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 9° de l'article 611-3 du même code doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. En l'espèce il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D..., qui se borne à se prévaloir de deux certificats médicaux rédigés le 15 juillet 2021, soit postérieurement à la décision contestée, aurait porté à la connaissance du préfet de la Moselle des éléments sérieux relatifs à son état de santé justifiant une analyse particulière du préfet au regard de ces dispositions. En outre, si ces certificats médicaux établissent que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale, ils ne permettent d'établir ni l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge ni l'absence de possibilité de bénéficier effectivement du traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, Mme D... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait atteinte de manière disproportionnée à sa vie privée et familiale ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de sa requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à Me Dollé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. F...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. F...
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N° 22NC02442