Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Football Club Sochaux Montbéliard (FCSM) et l'association FCSM ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement la Fédération Française de Football (FFF) et la Ligue de Football Professionnel (LFP) à verser, d'une part, la somme de 45 029 000 euros à la société FCSM et, d'autre part la somme de 10 000 euros à l'association FCSM en réparation du préjudice tiré de l'absence de repêchage du FCSM à l'issue de la saison 2013-2014 de Ligue 1, et, dans chaque cas, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1600144 du 23 décembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions présentées par la FFF et la LFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, la SA FCSM et l'association FCSM, représentées par Me Zoubeidi-Defert, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner solidairement la FFF et la LFP, ou subsidiairement la seule FFF, à verser une somme de 45 029 000 euros à la SA FCSM, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2014 et capitalisation ;
3°) de condamner solidairement la FFF et la LFP, ou subsidiairement sans solidarité, à verser à l'association FCSM une somme de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2014 et capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de la FFF une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement ne mentionne pas que le rapporteur public n'a pas participé au délibéré, comme l'impose l'article R. 732-2 du code de justice administrative ;
- le jugement ne respecte pas les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le tribunal a omis de répondre à trois moyens, tirés de ce que la méconnaissance des principes d'intégrité des compétitions et d'équité constituait une faute, de ce que la LFP avait commis une faute en ne protégeant pas le FCSM au regard de l'iniquité de la production d'un document frauduleux et de l'existence d'un préjudice anormal et spécial ; le premier moyen n'est pas visé ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit ;
- il incombe à l'administration de respecter la réglementation qui s'impose à elle-même si elle a pu prendre légalement une décision au préjudice d'un administré ; l'administration était tenue par les règles et principes lui imposant de garantir l'équité, l'intégrité et la régularité des compétitions ; en ne retirant pas une décision obtenue par fraude, la FFF a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, alors qu'il lui appartenait de garantir le principe d'égalité dans toutes ses dimensions ; la LFP, en sa qualité de membre du comité exécutif de la FFF, et dont les membres composent aussi la DNCG, commet solidairement la même faute ; il lui appartenait, en sa qualité d'autorité organisatrice des compétitions professionnelles, de prendre toutes les mesures pour demander, à tout le moins, à la FFF de retirer cette décision ; en souhaitant éviter un contentieux avec le RCL, sans prendre en considération la situation du FCSM et l'éventuel contentieux qui pouvait être initié par ce club, la FFF, conjointement avec la LFP, a commis une faute, en méconnaissance de son obligation de respecter l'accès à la justice ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la FFF et de la LFP doit être engagée sans faute, sur les fondements du risque et de la rupture d'égalité devant les charges publiques, au regard du préjudice anormal et spécial subi ; le classement du FCSM ne saurait s'analyser comme une faute qui lui serait imputable, il était dans une situation légitime ;
- le préjudice subi par la SA FCSM, en lien avec sa relégation découlant de l'accession du RCL, s'établit à 45 029 055,94 euros, au regard des pertes de ressources affectant les droits télévisuels, les ressources de billetterie, les revenus des contrats conclus avec les sponsors, les ventes de produits officiels, les transferts de joueurs et les ruptures conventionnelles ; le préjudice subi par l'association s'établit à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2023, la FFF et la LFP, représentées par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, concluent au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge solidaire de la SA FCSM et de l'association FCSM d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé et se réfèrent en outre aux moyens de défense qu'elles avaient soulevés en première instance.
Par un mémoire enregistré le 3 septembre 2023, non communiqué, la SA FCSM et l'association FCSM concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Zoubeidi-Defert, pour la société FCSM et l'association FCSM, et de Me Poupot, pour la FFF et la LFP.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la saison 2013-2014, les résultats sportifs des championnats de France de Ligue 1 et Ligue 2 conduisaient, en principe, pour la saison suivante, à l'accession à la Ligue 1 du Racing Club de Lens (RCL), classé deuxième du championnat de Ligue 2, et à la rétrogradation du Football Club de Sochaux Montbéliard (FCSM), classé dix-huitième du championnat de Ligue 1. Toutefois, par une décision du 26 juin 2014, la commission de contrôle des clubs professionnels (CCCP) de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) créée par la Fédération française de football (FFF) a refusé l'accession du RCL au championnat de France de Ligue 1 pour la saison 2014-2015. Cette décision a été confirmée par la commission d'appel de la DNCG le 17 juillet 2014. Le RCL a saisi le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) d'une demande de conciliation, à l'issue de laquelle le conciliateur du Comité a proposé, le 25 juillet 2014, de substituer à la mesure d'interdiction d'accession au championnat de Ligue 1 une limitation de la masse salariale du club, assortie d'un contrôle du recrutement. Par une décision du 28 juillet 2014, le comité exécutif de la FFF a décidé, d'une part, d'accepter la proposition de conciliation du CNOSF et, d'autre part, de demander à la DNCG de se réunir dans les meilleurs délais afin de déterminer les mesures appropriées à la participation du RCL au championnat de Ligue 1.
2. Par un jugement du 29 janvier 2015, confirmé par un arrêt du 1er mars 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, le tribunal administratif de Besançon, saisi par la société FCSM et par l'association FCSM, a annulé la décision du 28 juillet 2014. Par une décision du 22 juin 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 1er mars 2016 et a renvoyé l'affaire devant celle-ci. Par un arrêt du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de la FFF et a de nouveau annulé la décision du 28 juillet 2014. Enfin, dans une décision du 28 février 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 juillet 2018 ainsi que le jugement du tribunal du 29 janvier 2015 et a rejeté la demande de la société et de l'association FCSM tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2014.
3. La société FCSM et l'association FCSM ont, en parallèle, saisi le tribunal administratif de Besançon d'un recours indemnitaire, dirigé contre la FFF et la LFP. Elles relèvent appel du jugement du 23 décembre 2021 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande, comme non fondée.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-2 du code de justice administrative : " La décision est délibérée hors la présence des parties et du rapporteur public ". L'article R. 741-2 du même code dispose : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public./ Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application./Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus./ Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite./ Mention est également faite de la production d'une note en délibéré./ La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".
5. Il ne ressort d'aucune disposition que les jugements devraient, à peine d'irrégularité, mentionner expressément que le rapporteur public n'a pas pris part au délibéré. Le jugement litigieux mentionne en outre qu'il a été délibéré à l'issue de l'audience à laquelle siégeaient le président de la formation de jugement, la rapporteure et un assesseur, parmi lesquels ne figure pas le rapporteur public. Une telle mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement ne mentionne pas que le rapporteur public n'a pas participé au délibéré, comme l'impose l'article R. 732-2 du code de justice administrative, ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
7. Il ressort des pièces figurant au dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent manque en fait. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société et à l'association requérantes ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
8. En troisième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens présenté au soutien des conclusions indemnitaires dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérantes ne peuvent donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit qu'auraient commis les premiers juges pour demander, pour un motif d'irrégularité, l'annulation du jugement attaqué.
9. En quatrième lieu, les requérantes font grief aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen tiré de ce que la LFP, spécifiquement, aurait commis une faute en ne protégeant pas le FCSM au regard de l'iniquité de la production d'un document frauduleux, en qualité d'organisatrice des compétitions. Toutefois, il ne ressort pas du dossier de première instance qu'un moyen recherchant la responsabilité de la LFP pour une faute tirée d'un défaut de protection avait été invoqué.
10. En outre, le tribunal a répondu aux moyens relatifs à la responsabilité sans faute de la FFF sur les fondements tirés du risque et de la rupture d'égalité devant les charges publiques. Si la société FCSM et l'association du même nom allèguent qu'elles avaient entendu invoquer le préjudice anormal et spécial comme un fondement autonome, l'existence d'un tel préjudice ne constitue pas un fondement autonome de responsabilité sans faute, de sorte que les intéressés ne pouvaient utilement s'en prévaloir et que les premiers juges ont pu s'abstenir de répondre spécifiquement sur ce point.
11. Enfin, les requérantes soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la méconnaissance des principes d'intégrité des compétitions et d'équité constituait une faute, qu'ils n'ont pas davantage visé. Le jugement attaqué n'a pas visé spécifiquement ce moyen et n'y a pas répondu. Le jugement est donc irrégulier, dans cette mesure. Les conclusions recherchant la responsabilité pour faute des défenseurs étant divisibles des autres conclusions indemnitaires, recherchant leur responsabilité sans faute, le jugement ne doit être annulé qu'en tant qu'il se prononce sur la responsabilité pour faute.
12. Il y a en conséquence lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus.
Sur la responsabilité de la FFF et de la LFP :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 141-4 du code du sport : " Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage (...) ". Aux termes de l'article R. 141-5 du même code : " La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts ".
14. La FFF a créé, en application des dispositions citées ci-dessus, une DNCG. Selon l'article 11 de l'annexe à la convention conclue entre la FFF et la LFP portant règlement de la direction nationale du contrôle de gestion, cette direction assure le contrôle juridique et financier des clubs affiliés et vérifie qu'ils répondent aux conditions fixées par les règlements nationaux et européens pour prendre part aux compétitions. Cette direction peut, dans ce cadre, imposer aux clubs différentes mesures, prévues à l'article 11 de l'annexe, au nombre desquelles figurent notamment l'interdiction de recruter de nouveaux joueurs sous contrat, le recrutement contrôlé dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse salariale prévisionnelle limitée, la rétrogradation ou l'interdiction d'accession sportive.
15. Il résulte des dispositions de l'article L. 132-2 du code du sport qu'il incombe aux fédérations qui ont constitué une Ligue professionnelle de créer une DNCG. Si le législateur a entendu garantir à cet organisme un pouvoir d'appréciation indépendant des autres organes de la fédération, il ne lui a pas conféré de personnalité morale distincte de la fédération. Une telle direction présente, en conséquence, le caractère d'un organe de la fédération, au nom de laquelle elle prend les décisions relevant des compétences qui lui sont attribuées. Il s'ensuit que les décisions ainsi prises par une DNCG sont au nombre des décisions prises par la fédération, au sens de l'article R. 141-5 du code du sport, soumises en vertu de cet article à la procédure de conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français. L'association et la société requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la discussion du maintien en ligue 1 du RCL devant le CNOSF constituait une illégalité fautive.
16. Par ailleurs, la mission de conciliation prévue à l'article L. 141-4 du code du sport intervient " dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées ", et constitue, en vertu de l'article L. 141-5 de ce code, un préalable obligatoire à tout recours contentieux. L'article R. 141-7 du code du sport prévoit que le conciliateur du Comité national olympique et sportif français, dans le délai d'un mois suivant la saisine à fin de conciliation, propose des mesures de conciliation, après avoir entendu les intéressés et précise que " ces mesures sont présumées acceptées par les parties, sauf opposition notifiée au conciliateur et aux parties, dans un délai de quinze jours à compter de la formulation aux parties des propositions du conciliateur ". En vertu de l'article R. 141-22 du code du sport, un accord peut être constaté à l'audience de conciliation entre les parties à la conciliation organisée devant le Comité national olympique et sportif français. L'article R. 141-23 du même code dispose que : " Les mesures proposées par les conciliateurs sont réputées acceptées par les parties et doivent être appliquées dès leur notification. Les parties peuvent toutefois s'y opposer dans le délai de quinze jours à compter de cette notification (...) ". Il résulte de ces dispositions que la fédération au nom de laquelle est prise la décision qui donne lieu à conciliation en application de l'article R. 141-5 du code du sport est partie à cette conciliation. Il appartient aux organes compétents de la fédération de prendre part à la conciliation et de statuer sur les mesures proposées par le conciliateur.
17. Aux termes de l'article 18 des statuts de la Fédération française de football : " Le Comité Exécutif administre, dirige et gère la Fédération. Il suit l'exécution du budget. Il exerce l'ensemble des attributions que les présents Statuts n'attribuent pas à un autre organe de la Fédération ". En l'absence de disposition législative contraire et à défaut de disposition des statuts en disposant autrement, il revient au comité exécutif de la FFF de se prononcer sur les mesures proposées par le conciliateur du comité national olympique et sportif français, même lorsqu'elles portent sur une décision prise initialement par la DNCG dans le cadre du pouvoir d'appréciation indépendant garanti par l'article L. 132-2 du code du sport.
18. Compte tenu de ce qui précède, la décision du 28 juillet 2014 par laquelle le comité exécutif de la FFF a décidé d'accepter la proposition du Comité national olympique et sportif français du 25 juillet 2014 relative à la participation du Racing Club de Lens au championnat de France de Ligue 1 pour la saison 2014-2015 n'est pas entachée d'incompétence. Les requérantes ne sont donc pas fondées à se prévaloir d'une illégalité fautive entachant la décision du 28 juillet 2014 du comité exécutif de la FFF. Elles ne sont pas davantage fondées à soutenir que la LFP a commis une faute en ne prenant pas les mesures pour assurer l'exécution de la décision de la DNCG du 17 juillet 2014, puisque cette décision a pu être légalement soumise à la procédure de conciliation précédemment mentionnée, et remise en cause à l'issue de la décision du comité exécutif de la FFF.
19. En deuxième lieu, la société et l'association requérantes entendent se prévaloir d'une fraude, en évoquant un virement de 4 millions d'euros que prétendait avoir réalisé l'actionnaire du RCL, et qui n'a été effectivement encaissé par le club que plusieurs mois après la décision du 28 juillet 2014.
20. Toutefois, la décision du comité exécutif de la FFF de ne pas faire obstacle à l'accession du RCL en Ligue 1 repose sur des motifs étrangers au virement de 4 millions d'euros, ainsi d'ailleurs que l'a estimé le Conseil d'Etat dans sa décision du 28 février 2020. Il ne saurait donc être allégué que cette décision a été obtenue par fraude au regard de l'absence de réalité de ce transfert financier, le comité exécutif ne pouvant être regardé comme ayant tenu pour acquis le paiement dont se prévalait le RCL. Il n'est en outre pas davantage établi que la décision du 28 juillet 2014 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la latitude dont disposent les autorités compétentes pour retenir la ou les mesures qui leur paraissent les mieux à même de remédier, dans le but de garantir la continuité et l'équité des compétitions, à la situation financière dégradée d'un club sans porter une atteinte excessive au bon déroulement des compétitions. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en raison du caractère frauduleux du virement dont s'était prévalu le RCL, la décision du comité exécutif aurait dû être retirée, ce qui n'avait d'ailleurs pas été demandé expressément à l'autorité compétente, au regard des éléments soumis à l'instruction. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la décision du 28 juillet 2014, ou en toute hypothèse la décision refusant de la retirer, méconnaîtraient les principes d'égalité, d'équité, d'intégrité et la régularité des compétitions ou impacteraient la possibilité pour les clubs concernés de former des recours juridictionnels.
21. Aucune des fautes invoquées par les requérantes n'étant caractérisée, que ce soit à l'encontre de la FFF ou de la LFP, la demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de la responsabilité pour faute, doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par la FFF et la LFP.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
22. En premier lieu, il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en œuvre ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé.
23. Le préjudice tenant à la relégation du FCSM, en l'absence de repêchage, découle de ses résultats sportifs et correspond ainsi à un aléa, lié à ses résultats sportifs et à ceux de ses adversaires, ainsi qu'à l'appréciation de leur situation financière. Ce préjudice ne présente pas, dans ces conditions, de caractère de gravité et d'anormalité et n'excède pas, même dans le contexte décrit précédemment, les sujétions normales auxquelles ce club était exposé. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à rechercher la responsabilité de la FFF et de la LFP sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques découlant d'un acte administratif légal ou de comportements non fautifs de l'administration.
24. En second lieu, si les requérantes invoquent également la responsabilité pour risque, les faits en litige et plus précisément la volonté d'éviter un contentieux sont insusceptibles de relever de ce régime de responsabilité.
25. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées en première instance, que la SA FCSM et l'association FCSM ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon, a rejeté leur demande, en tant qu'elle était fondée sur la responsabilité sans faute.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Ni la FFF, ni la LFP n'ayant la qualité de partie perdante, les conclusions de la société FCSM et l'association du même nom dirigées à leur encontre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société FCSM et de l'association FCSM, parties perdantes, la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la FFF et la LFP et non compris dans les dépens, sur le même fondement.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 1600144 du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2021 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité pour faute.
Article 2 : La demande de première instance présentées au titre de la responsabilité pour faute et le surplus de la requête de la société anonyme Football Club Sochaux Montbéliard et de l'association Football Club Sochaux Montbéliard sont rejetés.
Article 3 : La société anonyme Football Club Sochaux Montbéliard et l'association Football Club Sochaux Montbéliard verseront la somme globale de 2 000 euros à la Fédération française de football et à la Ligue de football professionnel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Football Club Sochaux Montbéliard, à l'association Football Club Sochaux Montbéliard, à la Fédération française de football et à la Ligue de football professionnel.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. A...
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. A...
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N° 22NC00485