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10/10/2023 | FRANCE | N°21NC01472

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 21NC01472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé le 28 août 2019 à l'encontre de la décision du 5 août 2019 par laquelle la ministre a refusé d'agréer sa candidature à un recrutement dans un emploi de la fonction publique civile.

Par un jugement n° 2000580 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 janvier 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable formé le 28 août 2019 à l'encontre de la décision du 5 août 2019 par laquelle la ministre a refusé d'agréer sa candidature à un recrutement dans un emploi de la fonction publique civile.

Par un jugement n° 2000580 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2021, M. C..., représenté par Me Rattaire, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer l'agrément sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 60 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du principe selon lequel le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande ;

- la décision attaquée du 7 janvier 2020 est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a méconnu le principe du contradictoire au regard des dispositions de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 et qui ne peut être purgée puisque la décision attaquée est intervenue après la naissance d'une décision implicite d'agréement, née le 29 juillet 2019 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit car seule la nécessité impérieuse de service public pouvait justifier un refus d'agrément ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation : la situation des effectifs à l'unité de Saint-Dizier était de 105 % dans sa qualification de sorte que sa présence n'était pas indispensable sur ce site ; le ministre ne saurait invoquer sa spécialité dans le nucléaire puisqu'il a été muté par la suite sur un site non nucléaire ;

- la décision constitue une sanction disciplinaire déguisée entachée d'un détournement de procédure.

Une mise en demeure de produire a été adressée à la ministre des armées le 18 janvier 2022.

Par une ordonnance du 23 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2022 à midi.

Un mémoire en défense du ministre des armées a été enregistré à la cour le 14 septembre 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 mai 2019, alors qu'il était affecté à l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage de la base aérienne 113 de Saint-Dizier, M. C... a reçu une réponse favorable à sa candidature à un emploi d'officier de garde de sapeur-pompier professionnel par la voie du détachement auprès du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne. Il a donc formulé une demande d'agrément à sa hiérarchie le 14 mai 2019, laquelle a été enregistrée le 29 mai 2019. Par une décision du 5 août 2019, la ministre des armées a refusé l'agrément de sa candidature à un emploi de la fonction publique civile. Le 28 août 2019, M. C... a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 5 août 2019. Par une décision du 7 janvier 2020, notifiée à M. C... le 22 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté ce recours administratif préalable. M. C... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C... soutient que le jugement attaqué est irrégulier au motif que les premiers juges ont omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le non-respect du délai de deux mois, à la suite d'une demande formée par un fonctionnaire à son administration, vaut acceptation de la demande. Toutefois un tel moyen, qui était soulevé par le requérant en première instance et auquel le tribunal a répondu au point 5 du jugement, n'est en tout état de cause pas d'ordre public et n'avait pas à être soulevé d'office. Quant à l'appréciation de la naissance éventuelle d'un agrément tacite, elle relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...). La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ".

4. La décision par laquelle le ministre de la défense refuse de délivrer l'agrément nécessaire à l'intégration d'un militaire sur un emploi civil n'a pas à être motivée dès lors qu'elle ne refuse pas un avantage qui constitue un droit. Toutefois, la décision par laquelle le ministre chargé de la défense rejette le recours administratif préalable formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle doit être motivée en vertu des dispositions rappelées au point précédent.

5. La décision litigieuse du 7 janvier 2020 de rejet du recours préalable formé par M. C... devant la commission des recours des militaires rappelle les textes applicables, les éléments pertinents de la carrière de l'intéressé et indique le motif du refus de sa demande d'agrément de sa candidature dans un emploi de la fonction publique civile, à savoir la situation des effectifs dans la spécialité " pompier de l'armée de l'air " au sein de l'unité de Saint-Dizier. Cette décision précise, en outre, que le site sur lequel est affecté le requérant présente un caractère sensible. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. C....

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4125-8 du code de la défense : " La procédure d'instruction des recours est écrite. La commission ne peut statuer qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 4125-3, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. Si elle l'estime nécessaire, la commission peut convoquer l'intéressé. Lors de son audition, ce dernier peut se faire assister d'un militaire de son choix en position d'activité, à l'exclusion de toute autre personne. Les membres de la commission ainsi que les rapporteurs procèdent à toute mesure utile à l'examen des recours ".

7. Si le requérant fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, il ressort des termes mêmes des visas de la décision litigieuse qui précise " vu la réplique de l'auteur du recours " que le requérant a été mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de celle-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense, dans sa version applicable au litige : " Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 511-3 du code de la fonction publique : " Hormis les cas où le détachement et la mise en disponibilité sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d'un avis rendu par la commission de déontologie mentionnée à l'article 25 octies. Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) / 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ".

9. D'une part, il résulte des dispositions précitées que le code de la défense a institué une procédure spécifique de détachement applicable aux militaires souhaitant accéder à l'une des trois fonctions publiques civiles. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983, dont les militaires ne relèvent pas, pour soutenir que le silence de l'administration pendant deux mois valait acceptation de sa demande d'agrément.

10. D'autre part, le bénéfice de l'accès des militaires à des emplois civils est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions de grade et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés notamment des besoins du service et de la gestion des effectifs. Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs, tirés du besoin du service et de la gestion des effectifs, fondant un refus d'agrément opposé par le ministre des armées.

11. Il résulte du point précédent que, contrairement à ce que soutient le requérant, la légalité du refus d'agrément n'est pas soumise à la condition d'une nécessité impérieuse de service public mais à des besoins du service et de la gestion des effectifs sur lesquels s'est fondée la décision litigieuse. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

12. Enfin, pour refuser l'agrément sollicité par M. C..., la ministre des armées s'est fondée sur la situation des effectifs de pompiers sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier et sur les compétences et l'expérience du requérant qu'il convenait de préserver au sein de la base aérienne. Il ressort des termes de la décision litigieuse que la base aérienne de Saint-Dizier était, toutes qualifications confondues, en sous-effectif à hauteur de 10 % tandis qu'au niveau national ce sous-effectif était de 4 %, et que si l'effectif de pompiers dans la spécialité nucléaire était en revanche de 105 %, la ministre a toutefois considéré qu'il avait une nécessité de conserver M. C... sur cette base dans l'escadron de la sécurité incendie et sauvetage (ESIS) en raison de son expérience et de ses qualités professionnelles, dès lors qu'il était immédiatement employable. Il ressort en effet d'un courriel d'octobre 2019 produit par le requérant que l'escadron d'affectation de M. C... était à cette date en sous-effectif pour le personnel réellement employable, les jeunes recrues restant à former. Si le requérant soutient qu'il a ensuite fait l'objet d'un ordre de mutation le 5 mars 2020 à compter du 31 août 2020 à l'ESIS de la base d'Orléans, cette circonstance postérieure à la décision en litige est sans incidence sur sa légalité dès lors qu'elle ne révèle pas d'éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé des motifs de la décision en litige à la date à laquelle elle a été prise. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que les besoins du service ont bien motivé la décision de refus d'agrément. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée constitue une sanction déguisée. M. C... n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un climat de confiance dégradé avec ses supérieurs. Il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir une intention punitive de la part de sa hiérarchie au travers du refus d'agrément. Le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 janvier 2020 de la ministre des armées. Ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 21NC01472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01472
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ISARD AVOCATS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-10;21nc01472 ?
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