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10/10/2023 | FRANCE | N°21NC00370

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 21NC00370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat (OPH) Grand Dole Habitat a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la SAS Idex Energies à rembourser, sans délai et sous astreinte, la provision d'un montant de 42 917,49 euros, assortie d'une somme de 5 744,19 euros au titre des intérêts moratoires, accordée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy par une ordonnance n° 18NC01788 du 12 avril 2019 ainsi qu'à lui verser la somme de 17 184,89 euros au titre du préjudice financier r

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat (OPH) Grand Dole Habitat a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la SAS Idex Energies à rembourser, sans délai et sous astreinte, la provision d'un montant de 42 917,49 euros, assortie d'une somme de 5 744,19 euros au titre des intérêts moratoires, accordée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy par une ordonnance n° 18NC01788 du 12 avril 2019 ainsi qu'à lui verser la somme de 17 184,89 euros au titre du préjudice financier résultant de l'acquittement partiellement indu de la facture n° 240150415 du 17 janvier 2014.

Par un jugement n° 1901033 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a fixé définitivement la dette de l'OPH Grand Dole Habitat à la somme de zéro euro, condamné la SAS Idex Energies à verser à l'OPH Grand Dole Habitat la somme de 48 661,68 euros et mis à la charge de cette société une somme de 2 000 euros à verser à l'OPH Grand Dole Habitat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février 2021 et 14 décembre 2021, la SAS Idex Energies, représentée par Me Cabanes de la SELARL Cabinet Cabanes - Cabanes Neveu B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de fixer définitivement la dette de l'OPH Grand Dole Habitat à la somme de 48 661,68 euros et de condamner cet établissement à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH Grand Dole Habitat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que d'une part, son mémoire n'a pas été analysé de façon exhaustive par les premiers juges et que d'autre part, les ordonnances de clôture et de réouverture d'instruction ainsi que la demande de communication de pièces adressée à l'OPH Grand Dole Habitat n'ont pas été mentionnées dans les visas du jugement attaqué ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) étaient contradictoires et que les désordres identifiés ne relevaient ni de l'obligation de garantie au titre du clos et du couvert, ni de l'obligation de garantir le maintien des lieux dans un bon état de fonctionnement, incombant à l'OPH Grand Dole Habitat ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'OPH Grand Dole Habitat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

- la perte d'exploitation qu'elle a subie est imputable à l'inaction de l'OPH Grand Dole Habitat ;

- elle reprend les mêmes moyens que ceux invoqués devant les premiers juges.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2021 et le 7 novembre 2022, l'OPH Grand Dole Habitat, représenté par Me Amizet, de SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête de la SAS Idex Energies et à ce que soit mis à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est régulier dès lors que d'une part, le mémoire en défense de la SAS Idex Energies a été analysé par les premiers juges, et que d'autre part, ni les mesures d'instruction ni les demandes de pièces ne sont au nombre des éléments devant figurer dans les visas en vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les désordres ont été causés par le comportement de la SAS Idex Energies, laquelle n'a pris aucune mesure, même provisoire, pour colmater les trous, alors qu'il lui incombait en premier lieu, d'assurer la sécurité des locaux et en second lieu, d'effectuer les travaux d'entretien et de renouvellement en vertu du cahier des clauses techniques particulières prévoyant une clause de garantie totale à sa charge ;

- elle n'a joué aucun rôle dans la survenance du sinistre dès lors qu'elle s'est expressément opposée à la réalisation des travaux ayant abouti au perçage du mur extérieur du local et ne pouvait se douter que l'entreprise chargée des travaux outrepasserait son refus ;

- l'immobilisation de la chaufferie pendant la période comprise entre le 12 novembre 2013 et le 28 février 2014 et les pertes d'exploitation y afférentes ne sont pas directement liées au sinistre, mais aux choix opérés par la SAS Idex Energies, laquelle ne démontre pas davantage avoir subi un préjudice réel, direct et certain ;

- en tout état de cause, les fautes commises dans l'exécution du contrat par la SAS Idex Energie constituent à son profit une cause exonératoire de responsabilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pezin, pour la société Idex Energies, et de Me Amizet, pour l'OPH Grand Dole Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er janvier 2009, la société Idex Energies s'est vue confier par un marché l'exploitation et la maintenance des installations thermiques de type mixte bois-gaz assurant le chauffage d'un ensemble immobilier appartenant à l'OPH Grand Dole Habitat. Au début du mois d'août 2012, la société SNCTP, agissant dans le cadre d'une opération d'extension du réseau de chaleur urbain, a percé deux trous de 30 centimètres de diamètre dans l'un des murs extérieurs de la chaufferie sans procéder à leur rebouchage. Le 11 septembre 2012, de fortes précipitations ont permis à d'importantes quantités d'eaux pluviales de pénétrer le local et d'endommager la chaudière à bois. Jusqu'à la réparation de celle-ci le 28 février 2014, le chauffage a été exclusivement assuré par l'intermédiaire de la chaudière à gaz. L'OPH a indemnisé la société Idex Energies et a émis un titre exécutoire d'un montant de 114 861,71 euros à l'encontre de la société SNCTP pour obtenir le remboursement de l'indemnisation versée à la société Idex Energies. Par un jugement n° 1401771 du 28 mars 2017 devenu définitif, le tribunal administratif de Besançon a reconnu la responsabilité de la société SNCTP dans la survenance des désordres et validé le titre exécutoire dans son principe, tout en le ramenant à la somme de 102 566, 85 euros, incluant l'indemnisation allouée à la société Idex Energies pour la période comprise entre le 11 septembre 2012 et le 12 novembre 2013, date retenue par le tribunal comme le terme du délai normal de réparation de l'ouvrage.

2. Le 31 mars 2014 et le 31 janvier 2015, la société Idex Energies a adressé à l'OPH Grand Dole Habitat deux factures, d'un montant total de 42 917,49 euros, au titre de sa perte d'exploitation pour la période de janvier à février 2014, d'une part, et d'une indemnisation supplémentaire pour sa perte d'exploitation entre septembre 2012 et février 2014, d'autre part. L'OPH Grand Dole Habitat ayant refusé de s'acquitter de ce montant, la société Idex Energies a obtenu du juge des référés de la cour administrative d'appel le paiement d'une provision égale au montant de sa dette. Sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, l'OPH Grand Dole Habitat a demandé au tribunal administratif de Besançon de fixer définitivement le montant de sa dette à zéro, de condamner la société Idex Energies à lui rembourser la somme de 42 917,49 euros, assortie d'une somme de 5 744,19 euros au titre des intérêts moratoires, accordée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy par une ordonnance n° 18NC01788 du 12 avril 2019 ainsi qu'à lui verser la somme de 17 184,89 euros au titre du préjudice financier résultant de l'acquittement partiellement indu de la facture n° 240150415 du 17 janvier 2014. Par un jugement du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à la demande de l'OPH Grand Dole Habitat en fixant sa dette à la somme de zéro euro et en condamnant la société Idex Energies à verser à l'OPH Grand Dole Habitat la somme de 48 661,68 euros. La société Idex Energies fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Un mémoire en défense se limitant à la réfutation des moyens présentés par le requérant peut être régulièrement visé et analysé par l'indication synthétique que ce mémoire fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

4. En premier lieu, la requérante soutient que son mémoire n'a pas été analysé de façon exhaustive par les premiers juges. Toutefois, la société Idex Energies n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et n'indique pas, en particulier, quel moyen aurait dû faire l'objet d'un exposé spécifique qui aurait été omis en l'espèce.

5. En second lieu, les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'imposent ni le visa des ordonnances de clôture et de réouverture de l'instruction, ni celui d'une demande de communication des pièces adressée aux parties. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, en l'absence de telles précisions, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article VII du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du contrat liant l'OPH Grand Dole Habitat et la société Idex Energies, " dès la prise en charge des installations, l'exploitant est responsable du bon fonctionnement, du maintien en bon état et de la sécurité des installations qui lui sont confiées ". L'article III 4°) du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) prévoit, au titre de la garantie totale, une obligation pour la société requérante de faire procéder aux travaux d'entretien et de renouvellement nécessaires au maintien en bon état de fonctionnement des ouvrages. Cette garantie s'applique expressément à " la totalité des équipements liés directement ou indirectement au bon fonctionnement des installations et locaux techniques ". Aux termes de l'article IV du même CCTP : " Le maître d'ouvrage met à la disposition de l'exploitant, à titre gratuit, pendant toute la durée d'exécution du marché : Les locaux techniques, relatifs aux installations thermiques. Le maître d'ouvrage doit assurer le clos et le couvert, et maintenir en bon état, les locaux mis à la disposition de l'exploitant, conformément aux règlements de police et d'assurance (...) ".

7. L'article VII du CCAP prévoit par ailleurs que " dans tous les cas, dès constatation d'un sinistre ou de dommages aux installations, l'exploitant devra (...) prendre immédiatement toutes mesures conservatoires pour garantir la sécurité des biens et des personnes, informer immédiatement les services du maître d'ouvrage ". En outre, l'article III du CCTP et l'annexe IV du CCTP mettent à la charge de la société requérante " la conduite, la surveillance, le réglage des éléments constituants les installations ", ainsi que des obligations d'entretien et de contrôle des installations à des fréquences journalières, hebdomadaires et bimensuelles. Selon ses stipulations, il incombe en particulier à la société, en dehors de la période de chauffage comprise entre le 1er septembre et le 30 juin, de vérifier " par des visites systématiques, que les installations ne subissent aucune détérioration de quelque origine qu'elle soit ".

8. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à la société requérante d'effectuer plusieurs contrôles par mois des installations et des équipements pour s'assurer de leur bon fonctionnement, de prendre a minima toutes mesures conservatoires en cas d'état anormal de ceux-ci et enfin d'avertir le maître d'ouvrage dans les plus brefs délais en cas de désordre afin qu'il puisse éventuellement exécuter ses propres obligations.

9. En l'espèce, près d'un mois s'est écoulé entre la réalisation des travaux par la société SNCTP ayant généré les trous et l'inondation de la chaufferie occasionnant les désordres. Il ne résulte pas de l'instruction que l'OPH Grand Dole Habitat, qui s'était opposé à l'intervention de la société SNCTP, ait été informé par la société Idex Energies des désordres affectant les locaux dans lesquels se trouvait la chaufferie alors qu'elle avait en charge, comme il vient d'être dit, de la surveillance des locaux. Dans ces conditions, l'inondation et les pertes d'exploitation en résultant liées à l'immobilisation de la chaudière à bois trouvent leur cause exclusive dans l'abstention de la société Idex Energies de prendre les mesures conservatoires utiles et de signaler le désordre afin que celui-ci soit rapidement résorbé. La faute de la société requérante exonère ainsi l'OPH Grand Dole Habitat de toute responsabilité.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Idex Energies n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a fixé définitivement la dette de l'OPH Grand Dole Habitat à la somme de zéro euro et condamné la société Idex Energies à lui verser la somme de 48 661,68 euros en remboursement de la provision à laquelle elle avait été condamnée à payer.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH Grand Dole Habitat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Idex Energies à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Idex Energies la somme de 2 000 euros à verser à l'OPH Grand Dole Habitat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Idex Energies est rejetée.

Article 2 : La SAS Idex Energies versera la somme de 2 000 euros à l'OPH Grand Dole Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Idex Energies et à l'office public de l'habitat Grand Dole Habitat.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé :A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21NC00370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00370
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-10;21nc00370 ?
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