Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de... à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2018 avec capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1807330 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 août 2020 et un mémoire du 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Merll, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2020 ;
2°) de condamner la commune de ... à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont il aurait été victime et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2018 avec capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner la commune de ... aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de la commune de ... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la commune du 26 septembre 2018 est insuffisamment motivée ;
- il est victime de harcèlement moral au sens de l'articles 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- à ce titre, il est fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis en raison de ce harcèlement.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2020, la commune de ... représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cheminet, représentant la commune de ....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... était fonctionnaire titulaire de la commune de ... du 1er juin 1990 au 1er mars 2017, date de sa mise à la retraite. Il occupait le poste de directeur des services techniques depuis le 1er juin 2000 puis a été affecté le 11 avril 2014, à la suite des élections municipales, sur des fonctions de chargé d'études de la réhabilitation d'un immeuble " At Home " appartenant à la ville. Il a ensuite été placé en congé maladie du 14 mai 2014 au 15 mai 2015 puis en disponibilité d'office à la suite d'un avis du comité médical pour une période de six mois. Il reprendra le travail le 11 janvier 2016 avant d'être admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mars 2017 par un arrêté du 4 octobre 2016. S'estimant victime de harcèlement moral, il a adressé à la commune une demande d'indemnisation préalable le 25 juillet 2018 que la commune a rejetée le 26 septembre suivant. M. A... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner la commune de ... à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 septembre 2018 de rejet de sa demande indemnitaire préalable :
2. La décision du 26 septembre 2018 du maire de la commune de ... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. A..., qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à obtenir l'indemnisation qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 26 septembre 2018 est écarté comme étant inopérant.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation en raison du harcèlement moral :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
En ce qui concerne le changement d'affectation :
5. Il est constant qu'à l'issue des élections municipales, M. A... a changé d'affectation le 11 avril 2014 et quitté son poste de directeur des services techniques qu'il occupait depuis le 1er juin 2000 et sur lequel il avait obtenu d'excellentes notations pour occuper celui de chargé d'études de la réhabilitation d'un immeuble " At Home " appartenant à la ville. Il résulte de l'instruction que ce dernier poste nécessitait des compétences de suivi de travaux et une connaissance des marchés publics qu'il avait acquises sur ses précédentes fonctions et qu'il était rattaché directement au directeur général des services, de même que son ancien poste de directeur des services techniques. Par ailleurs, la commune établit par l'évolution des organigrammes produits que ce changement d'affectation était la conséquence d'une réorganisation de ses services qui a conduit notamment à la création d'un pôle technique regroupant deux services et qui a été adoptée dans l'intérêt du service. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'aurait plus eu aucune mission ni aucun matériel mis à sa disposition, ni aucun lien avec ses collègues, ni que son régime indemnitaire aurait été modifié en méconnaissance des textes applicables. Ainsi, ce changement d'affectation ne révèle pas par lui-même un agissement ayant pour objet de dégrader ses conditions de travail au sens de l'article 6 quinquies cité au point 3.
En ce qui concerne les agissements du maire de la commune :
6. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire, ancien adjoint aux travaux avec qui
M. A... avait travaillé de nombreuses années en bonne intelligence, aurait eu, lorsque M. A... était en poste dans les services de la mairie, un comportement humiliant à son égard, ni qu'il aurait donné comme consignes à ses collègues de ne plus lui parler. La circonstance que M. A... ait déposé plainte contre celui-ci le 28 août 2018 pour injures non publiques et que la procédure pénale ait été classée sans suite au motif qu'une suite administrative y avait été donnée et paraissait suffisante, est sans incidence sur la matérialité des faits allégués.
En ce qui concerne la dégradation de son état de santé :
7. Même s'il résulte de l'instruction que M. A... a été placé en position d'arrêt maladie du fait de son état de santé mentale, cet élément ne fait que traduire le ressenti de l'intéressé face à sa situation professionnelle et ne suffit pas à établir que l'origine de ses troubles serait liée à des faits de harcèlement.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut être regardé comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible le harcèlement moral qu'il impute à la commune de ... et à son maire. Par suite ses conclusions à fin d'indemnisation au titre du harcèlement moral allégué ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de ... de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 20NC02450