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26/09/2023 | FRANCE | N°21NC01833

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 26 septembre 2023, 21NC01833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Saint-Xavier a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Berrwiller a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la régularisation d'un préau non clos et d'une piscine extérieure sur un terrain situé rue de Staffelfelden à Berrwiller.

Par un jugement n° 1903832 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e, enregistrée le 25 juin 2021, et des mémoires, enregistrés le 2 février 2023, le 16 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Saint-Xavier a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Berrwiller a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la régularisation d'un préau non clos et d'une piscine extérieure sur un terrain situé rue de Staffelfelden à Berrwiller.

Par un jugement n° 1903832 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, et des mémoires, enregistrés le 2 février 2023, le 16 mars 2023, le 11 juin 2023 et le 4 juillet 2023, la SCI Saint-Xavier, représentée par Me Grodwohl, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Berrwiller a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la régularisation d'un préau non clos et d'une piscine extérieure sur un terrain situé rue de Staffelfelden à Berrwiller ;

3°) d'enjoindre à la commune de Berrwiller de lui délivrer un permis de construire dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Berrwiller au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne comporte pas la signature des magistrats qui ont siégé à l'audience du 12 avril 2021, est irrégulier ;

- le maire a commis une erreur de droit en s'estimant tenu de rejeter sa demande de permis de construire pour le préau et la piscine au motif qu'elle aurait dû porter également sur des bâtiments construits irrégulièrement en 1982 ; elle apporte la preuve de la régularité de la construction de ces bâtiments ; le préau et la piscine ne présentent aucun lien physique et fonctionnel avec les autres bâtiments ;

- l'arrêté attaqué est illégal en raison de l'illégalité, invoquée par la voie de l'exception, du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme ; les dispositions de cet article sont contradictoires, elles sont illégales dès lors qu'elles n'autorisent des constructions que dans le cadre d'une requalification complète du site de l'ancien carreau des mines alors qu'une partie des parcelles de la zone ne lui appartient pas, rendant impossible en réalité toute construction et portant atteinte à l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement méconnaissent les principes de clarté, de prévisibilité et d'intelligibilité des normes en l'absence de définition intelligible des notions de " requalification complète " du carreau de mines et d'aménagement " cohérent " de l'ensemble du secteur ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'exerce pas une activité de commerce ;

- les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme ne peuvent fonder le refus dès lors que le projet respecte le paysage et les espaces naturels ;

- au titre de l'exception d'illégalité du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme, elle soutient que l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme n'autorise pas les auteurs d'un plan local d'urbanisme à conditionner la constructibilité d'un secteur à sa requalification dans le cadre d'un projet global, que la requalification n'est pas motivée par l'un des motifs énoncés au 7° de cet article L. 123-1, que la commune a institué une condition de requalification de l'ancien carreau minier en méconnaissance des compétences déterminées à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, que le point 2.5 de l'article AU2 du règlement impose une formalité illégale, non prévue par le code de l'urbanisme, dès lors que l'accord des autres propriétaires et de la commune de Berrwiller est nécessaire pour construire dans la zone AUc, que cet article impose également la production d'un programme de plantation et d'aménagement paysager non prévu par le code de l'urbanisme, que le règlement ne pouvait pas soumettre l'urbanisation de la zone à la possession de l'ensemble des terrains de la zone à un seul propriétaire ; le règlement du plan local d'urbanisme ne fait pas référence à une opération d'aménagement d'ensemble au sens de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme ;

- le point 2.5 de l'article AU2 ne s'oppose pas à un aménagement partiel de la zone, ni à ce que les opérations s'inscrivent dans un seul et unique projet ; le maire ne pouvait pas rejeter la demande au motif qu'elle ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une requalification de l'ensemble du site ;

- le point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme, en imposant une requalification de l'ensemble de la zone, est en contradiction avec le projet d'aménagement et de développement durable qui envisage un aménagement partiel ;

- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en estimant que la demande de régularisation devait être réalisée dans le cadre d'une requalification de l'ensemble du site de l'ancien carreau des mines.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 mars 2022, le 2 mars 2023, 17 avril 2023, 21 juin 2023 et le 11 juillet 2023, la commune de Berrwiller, représentée par la Selarl Soler-Couteaux et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Saint-Xavier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et, qu'au besoin, le motif tiré de l'absence de programme de plantation et d'aménagement paysager pourra être substitué aux motifs de refus pour justifier la décision en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Grodwohl représentant la SCI Saint-Xavier.

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 janvier 2008, la SCI Saint-Xavier a acquis de la société Mines de potasse d'Alsace des parcelles cadastrées section 17 n° 26/2 et 39/2, situées rue de Staffelfelden sur le territoire de la commune de Berrwiller sur lesquelles étaient déjà édifiées des constructions, pour y permettre l'exercice d'une activité naturiste. Le 8 février 2019, la SCI Saint-Xavier a déposé, auprès de la mairie de Berrwiller, un dossier de permis de construire en vue de la régularisation d'un préau non clos et d'une piscine extérieure qu'elle avait construits irrégulièrement respectivement en 2015 et 2018. Par un arrêté du 26 avril 2019, le maire de la commune de Berrwiller a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement du 27 avril 2021, dont la SCI Saint-Xavier fait appel, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. (...) ".

3. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'elle comporte, conformément aux dispositions précitées, les signatures du président-rapporteur de la formation de jugement et du premier conseiller le plus ancien dans l'ordre du tableau ainsi que du greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

4. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que ce n'est que lorsqu'un ou des vices affectent la légalité d'une autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée que le juge est tenu de surseoir à statuer pour en permettre la régularisation et non lorsque, comme en l'espèce, le recours en annulation est dirigé contre une décision refusant de délivrer une autorisation d'urbanisme. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû surseoir à statuer pour lui permettre de régulariser sa demande de permis de construire en application de l'article précité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Pour refuser le permis de construire sollicité, le maire de Berrwiller s'est fondé, d'une part, sur l'absence de demande de régularisation portant sur la construction principale réalisée sans autorisation, d'autre part, sur la méconnaissance des dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme, approuvé par délibération du 28 mai 2004, fixant les conditions particulières de construction dans la zone AUc et, enfin sur l'usage commercial du local principal.

6. La SCI Saint-Xavier conteste le premier motif de refus en soutenant que les bâtiments existants ont été régulièrement construits et qu'en tout état de cause le préau non clos et la piscine ne constituent pas un ensemble immobilier unique avec ces bâtiments.

7. Lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.

8. En revanche, une telle exigence ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d'autres éléments bâtis sur le terrain d'assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l'objet de la demande d'extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique.

9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire en litige porte sur la régularisation d'une piscine attenante à un bâtiment principal construit en 2018 et d'un préau construit en 2015, à proximité d'un bâtiment de toilettes. Si le bâtiment principal et le bâtiment secondaire à vocation de préau, construits dans les années 80, ont été acquis par la requérante, en toute bonne foi, par un acte de vente en date du 31 janvier 2008, cette circonstance ne la dispense pas d'établir la régularité de leur construction. A cet égard, ni le silence de cet acte de vente, ni l'absence d'observations de la commune de Berrwiller dans la note de renseignement d'urbanisme adressée au notaire ne sont de nature à démontrer la régularité de ces constructions, que la commune de Berrwiller conteste. Les autres pièces produites par la SCI Saint-Xavier, notamment des coupures de presse relatant des travaux sur la parcelle en litige qu'elle a acquise de la société Mines de potasse d'Alsace et l'acte d'échange entre celle-ci et la commune de Berrwiller le 11 mai 1982, portant au demeurant sur des parcelles boisées, et l'extrait du cadastre matérialisant les deux bâtiments ne sont pas davantage suffisantes pour établir que la construction de ces derniers aurait fait l'objet d'une autorisation. Par ailleurs, il ressort de la demande de permis de construire que la SCI Saint-Xavier avait déposée le 25 juin 2012, qui a été rejetée par un arrêté du maire de Berrwiller du 20 septembre 2012, que cette demande tendait non seulement au changement de destination, mais aussi à la régularisation des constructions existantes qui avaient été construites sans autorisation par la société Mines de potasse d'Alsace. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction de ces bâtiments aurait été régulière. La SCI Saint-Xavier ne pouvait dès lors pas déposer une demande de régularisation portant sur le préau et sur la piscine sans solliciter également la régularisation des autres bâtiments construits sans autorisation, sauf, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, s'ils ne présentent aucun lien fonctionnel ou physique avec eux.

10. Il est constant que le préau, qui a été reconstruit à la suite de la destruction d'un bâtiment existant, et pour lequel la demande de régularisation a notamment été déposée, ne présente aucun lien physique, ni fonctionnel avec le bâtiment principal dont il est éloigné de plusieurs mètres. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la commune de Berrwiller, ce préau, bien que distant de quelques mètres d'un bâtiment à vocation de toilettes, ne présente aucun lien physique avec celui-ci, ni même de lien fonctionnel. Par suite, la requérante est fondée à soutenir qu'en l'absence de lien tant physique que fonctionnel au regard des règles d'urbanisme entre le préau et les autres bâtiments, sa demande de régularisation n'avait pas à porter sur les autres bâtiments irrégulièrement construits. Dès lors, elle est fondée à soutenir que le maire n'étant pas tenu de refuser, pour ce motif, sa demande de permis de construire, l'arrêté attaqué est, sur ce point, entaché d'une erreur de droit.

11. Si la SCI Saint-Xavier soutient également que la piscine est physiquement et fonctionnellement distincte du bâtiment principal avec un accès indépendant par l'extérieur, il ressort des pièces du dossier que cet ouvrage a été construit sur une terrasse située dans l'enceinte même du bâtiment principal et attenante à ce dernier. Dans ces conditions, la piscine doit être regardée comme présentant un lien physique avec le bâtiment principal, avec lequel elle forme un ensemble immobilier unique. Il s'ensuit que le maire de Berrwiller n'a pas commis d'erreur de droit en refusant la demande de permis de construire pour la piscine en l'absence de demande de régularisation portant sur l'ensemble immobilier.

12. En deuxième lieu, pour contester le second motif de l'arrêté en litige, la requérante excipe de l'illégalité du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Berrwiller.

13. Aux termes de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 151-20 du même code : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des ouvrages déjà construits pour lesquelles la SCI Saint-Xavier a déposé une demande de permis de construire sont intégralement situés au sein de la zone AUc définie par le plan local d'urbanisme de la commune de Berrwiller. Le point 2.5 du règlement de ce plan, situé au sein des dispositions de l'article AU 2 relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières, dispose que sont admises : " Dans le secteur AUc, les constructions, aménagements et installations nécessaires à la réalisation de structure d'hébergement touristique et de loisirs et/ou à l'implantation d'activités économiques à l'exclusion des commerces à condition : / - que les constructions et installations considérées soient réalisées dans le cadre d'une requalification complète du site de l'ancien carreau de mines en respect du paysage et des espaces naturels environnants, en adoptant notamment un programme de plantation et d'aménagement paysager, (...) ".

15. Le rapport de présentation mentionne que " Le secteur AUc (10,9 ha) englobe l'ancien carreau des mines et le secteur d'étangs. L'objectif du PLU vise à promouvoir une requalification de cette friche industrielle dans le cadre d'un projet d'accueil d'une structure d'hébergement touristique et de loisirs valorisant un site bénéficiant de nombreux atouts. Pour qu'une telle opération réussisse, elle devra être réfléchie sous la forme d'un projet global, intégrant les étangs qui seront conservés et valorisés assurant une inscription satisfaisante des futurs aménagements dans l'environnement forestier du site. Les accès à la RD 51 devront être assurés dans des conditions optimales de sécurité ". Enfin, le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) relatifs à la zone AUc précise que : " L'ancien carreau des mines et les étangs qui lui sont contigus bénéficient d'une situation stratégique (...) pour développer une zone d'accueil d'équipements touristiques et de loisirs et contribuer localement à la reconversion du bassin potassique. (...) Dans l'hypothèse où un projet d'équipements touristiques et de loisirs ne pourrait voir le jour, le PLU laisse la porte ouverte à l'accueil d'activités économiques et de service, optimisant la situation particulière du secteur, tout en conservant les principes d'aménagement précités (...) ".

16. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme que le plan local d'urbanisme (PLU) peut prévoir que les autorisations de construction au sein d'une zone à urbaniser seront délivrées, dans les conditions qu'il précise, lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble. Une telle opération peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée, sauf si le règlement du PLU en dispose autrement ou si les conditions d'aménagement et d'équipement définies par ce règlement et par les orientations d'aménagement et de programmation du PLU impliquent nécessairement que l'opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée.

17. La SCI Saint-Xavier soutient qu'il n'est pas établi que la commune de Berrwiller a entendu imposer une opération d'aménagement d'ensemble pour la requalification du site de l'ancien carreau des mines et qu'en admettant même que ce soit le cas, les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme sont illégales dès lors qu'elles n'autorisent des constructions que dans le cadre d'une requalification complète de ce site portant sur l'ensemble des parcelles alors qu'une partie d'entre elles appartient à la collectivité européenne d'Alsace qui y a installé une aire d'accueil des gens du voyage, rendant impossible, en fait, toute construction dans cette zone tant que les parcelles n'appartiendront pas à un même propriétaire ou que les différents propriétaires n'envisageront pas un projet d'aménagement d'ensemble de la zone, ce qui porte atteinte à l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Toutefois, il ressort des termes du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Berrwiller définissant les conditions particulières d'autorisation et d'occupation des sols dans la zone AUc, telles qu'éclairées par le rapport de présentation et le projet d'aménagement et de développement durable, qu'en imposant une " requalification complète du site ", les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu autoriser uniquement les constructions réalisées dans le cadre d'une opération d'aménagement portant sur l'ensemble de la zone afin d'y assurer un aménagement cohérent. S'il est vrai que l'article 2.5 emploie le terme d'opérations au pluriel, cette mention n'implique pas nécessairement, comme le fait valoir la requérante, qu'une opération peut porter sur une partie de l'ancien carreau des mines mais seulement que l'opération d'aménagement peut être réalisée à travers plusieurs opérations distinctes s'inscrivant dans un projet de requalification globale de la zone. Cette faculté pour les auteurs du plan local d'urbanisme d'imposer une opération d'aménagement d'ensemble de la zone étant expressément prévue par l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, ainsi qu'il a été dit au point 16, dont la légalité n'est, par ailleurs, pas contestée, les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 ne peuvent être regardées comme illégales, nonobstant la circonstance que la zone AUc soit composée de parcelles appartenant à des propriétaires différents ou que ces dispositions impliquent d'envisager un projet global commun aux différents propriétaires de la zone.

19. S'il résulte de ce qui a été mentionné au point 18 que les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme imposent un aménagement d'ensemble de l'ancien site minier, cette circonstance ne saurait être regardée, en raison de l'appartenance d'une partie des parcelles de la zone à un autre propriétaire, comme subordonnant tout projet de construction à l'accord préalable de ce dernier. Elles n'imposent pas davantage, contrairement à ce que fait valoir la SCI Saint-Xavier, l'obtention préalable de l'accord de la commune de Berrwiller. Par suite, les auteurs du PLU n'ont pas institué, par le biais du point 2.5 de l'article AU2 du règlement, une formalité non prévue par le code de l'urbanisme.

20. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 n'imposent pas la réunion de l'ensemble des parcelles entre les mains d'un seul propriétaire pour y réaliser un projet de construction ou, à défaut, l'accord de tous les autres propriétaires des parcelles de la zone, mais seulement une concertation entre eux en vue d'assurer la cohérence de l'aménagement de la zone. Elles n'ont ainsi pour effet ni d'affecter son droit de propriété, ni de porter une atteinte disproportionnée à son droit de construire au regard de l'objectif de cohérence de l'aménagement de la zone poursuivi par les auteurs du plan local d'urbanisme. Par suite, la requérante n'est fondée à soutenir ni que le point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme serait illégal en ce qu'il imposerait de telles modalités d'aménagement au sein de la zone AUc, ni qu'il méconnaitrait les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

21. Le moyen tiré de ce que la commune de Berwiller a institué une condition de requalification du site de l'ancien carreau minier en méconnaissance des compétences déterminées par le code de l'urbanisme n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, à supposer même que la requérante ait entendu soutenir que les dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, ne permettaient pas d'imposer une requalification globale du site, les dispositions combinées de cet article et de l'article R. 123-6 du même code l'autorisaient à imposer la réalisation de constructions dans la zone AUc dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble.

22. La requérante ne peut utilement soutenir que les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme ont illégalement imposé une formalité non prévue par le code de l'urbanisme en exigeant la production d'un programme de plantation et d'aménagements paysagers dès lors que l'arrêté contesté ne repose pas sur l'absence de ce programme dans la demande de permis de construire. Au demeurant, par ces dispositions, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas, contrairement à ce que soutient la requérante, entendu exiger la production d'une pièce complémentaire à celles limitativement énoncées par les articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme mais seulement imposer que le pétitionnaire expose dans le dossier son programme de plantation et d'aménagements paysagers. Par suite, le moyen doit être écarté.

23. La SCI Saint-Xavier soutient, en outre, que les dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme méconnaissent les principes de clarté, de prévisibilité et d'intelligibilité dès lors qu'elles ne précisent pas les critères d'appréciation des notions de " requalification complète du carreau de mines " et " d'aménagement cohérent de l'ensemble du secteur ". Toutefois, il résulte des dispositions précitées du projet d'aménagement et de développement durable et du rapport de présentation que la requalification complète du carreau de mines implique d'aménager le site des anciennes mines de potasse, y compris les étangs, qui devront être conservés et valorisés en assurant une inscription satisfaisante des futurs aménagements dans l'environnement forestier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme doit être écarté.

24. Contrairement à ce qu'allègue la SCI Saint-Xavier, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation, du projet d'aménagement et de développement durable ou du règlement qu'en fixant les conditions particulières d'aménagement dans la zone AUc, les auteurs du PLU auraient entendu organiser la requalification du site pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique prévus au 7° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur.

25. Enfin, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, les plans locaux d'urbanisme peuvent " 1° Préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées ; (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les deux premiers alinéas de l'article R. 123-9 du même code, alors en vigueur, disposaient : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : 1° Les occupations et utilisations du sol interdites (...) " et, s'agissant des règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées, l'antépénultième alinéa du même article disposait que : " Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt (...) ". En application de ces dispositions, les règlements des plans locaux d'urbanisme pouvaient ainsi fixer, au titre de l'affectation des sols, la nature des activités susceptibles d'être exercées dans certaines zones, sans que soit opposable à la définition des activités ainsi autorisées ou interdites le caractère limitatif des destinations énumérées à l'antépénultième alinéa de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, lesquelles n'avaient vocation à régir que les règles applicables aux constructions autorisées dans une zone donnée à raison de la nature des activités qui peuvent y être exercées.

26. Il ressort des dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme que les auteurs de ce règlement ont entendu autoriser, au titre de l'affectation des sols, au sein de la zone AUc les activités d'hébergements touristiques et de loisirs ainsi que les activités économiques à l'exclusion des commerces. Contrairement à ce que soutient la SCI Saint-Xavier, en excluant, parmi les activités autorisées, les activités de commerce, lesquelles doivent s'entendre dans leur stricte acception d'activités consistant dans l'achat et la vente de produits, les auteurs du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Berrwiller n'ont pas adopté des dispositions contradictoires.

27. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité des dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme doit être écarté.

28. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été indiqué au point 18 qu'en vertu des dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, les auteurs du plan local d'urbanisme de Berrwiller ont légalement pu imposer la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble dans la zone AUc. Ce choix n'est, en outre, pas en contradiction avec les dispositions du projet d'aménagement et de développement durable, contrairement à ce que fait valoir la requérante. Par suite, le maire n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation en refusant la demande de permis de construire au motif que le projet ne portait pas sur la requalification complète de la zone.

29. En quatrième lieu, la requérante ne peut utilement soutenir que son projet n'affecte pas les paysages et espaces naturels environnants et que l'activité exercée sur le site peut être regardée comme une activité de loisirs au sens du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors qu'il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que le refus n'est pas fondé sur de telles considérations.

30. En dernier lieu, la SCI Saint-Xavier soutient qu'en qualifiant l'activité exercée dans le bâtiment principal d'activité commerciale, le maire de la commune de Berrwiller a commis une erreur de fait. Il ressort des pièces du dossier que la requérante loue ses bâtiments à une société qui, elle-même, met à disposition de sa clientèle des installations de détente telles que sauna, hammam et piscine. Une telle activité revêt le caractère d'une activité de loisirs et non de commerce au sens du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, et bien que la SCI Saint-Xavier ait mentionné, dans une demande de permis de construire déposée en 2012, qu'environ 500 m2 du bâtiment principal étaient destinés au commerce, elle est fondée à soutenir qu'en opposant un refus à sa demande de permis de construire, pour ce motif, le maire de la commune de Berrwiller a entaché d'illégalité sa décision.

31. S'il résulte de tout ce qui précède qu'une partie des motifs opposés à la SCI Saint-Xavier pour refuser la demande de permis de construire qu'elle avait déposée est illégale, il résulte de l'instruction que le maire de Berrwiller aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la méconnaissance des dispositions du point 2.5 de l'article AU2 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que les constructions dont la régularisation est demandée ne s'insèrent pas dans une requalification complète de l'ensemble du site de l'ancien carreau des mines.

32. Il résulte de l'ensemble de tout ce qui précède que la SCI Saint-Xavier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Berrwiller, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Saint-Xavier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Saint-Xavier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Berrwiller et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Saint-Xavier est rejetée.

Article 2 : La SCI Saint-Xavier versera à la commune de Berrwiller la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Saint-Xavier et à la commune de Berrwiller.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01833 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01833
Date de la décision : 26/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-26;21nc01833 ?
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