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25/09/2023 | FRANCE | N°21NC01431

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 25 septembre 2023, 21NC01431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1903837 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2021 et un mémoire enregistré le 10 février 2022, M. A..., représenté par Me Mahdadi, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1903837 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2021 et un mémoire enregistré le 10 février 2022, M. A..., représenté par Me Mahdadi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu d'exclure des bases imposables des revenus fonciers le montant de l'indemnité de pas de porte et de l'indemnité de déspécialisation versées à la SCI " 11 Place de l'Université " dès lors que ces indemnités n'ont eu d'autre objet que de compenser la perte de valeur vénale l'immeuble et le préjudice subi par le bailleur consécutivement au changement d'activité du preneur ayant entraîné une modification de la destination des locaux, une extension des heures d'ouverture, la privation du puits de lumière ayant occasionné la suppression des fenêtres dans les salles de bains des appartements des étages ;

- le supplément de loyer de 650 000 euros payé en 2015 et 2016 doit bénéficier du système d'imposition au quotient de l'article 163-0 A du code général des impôts dès lors qu'il constitue un revenu exceptionnel au sens de ces dispositions.

Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est associé de la société civile immobilière (SCI) " 11, Place de l'Université " à hauteur de 35 % du capital au titre des années 2014 et 2015 puis de 42 % au titre de l'année 2016. M. A... a déclaré au titre des années 2014, 2015 et 2016 dans la catégorie des revenus fonciers la part des bénéfices de cette SCI lui revenant en sa qualité d'associé. Par une réclamation du 27 décembre 2017, M. A... a demandé à l'administration fiscale la réduction de ses revenus fonciers imposables au titre des années 2014, 2015 et 2016. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 12 mars 2019. M. A... relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la réduction de ses cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre de ces trois années.

Sur la détermination des revenus fonciers provenant de la SCI " 11, Place de l'Université " :

2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : /1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes de l'article 14 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale (...) : / 1° Les revenus des propriétés bâties ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes de l'article 29 dudit code : " (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut ".

3. Les droits d'entrée, pas-de-porte ainsi que toute autre indemnité perçue par le bailleur doivent être, en principe, regardés comme des suppléments de loyer. Il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif. La seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part.

4. M. A... estime que certaines sommes perçues en qualité de bailleur par la SCI " 11, Place de l'Université ", sur les bénéfices de laquelle il est personnellement imposable en vertu de l'article 8 du code général des impôts, qualifiées par les parties aux contrats de bail concernés de " pas-de-porte " et " d'indemnité de déspécialisation ", ne constituent pas des recettes imposables au titre des revenus fonciers et ont été comprises à tort dans ses bénéfices imposables. Les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues au titre des années 2014, 2015 et 2016 ayant été établies conformément aux déclarations que M. A... a faites de ses revenus fonciers provenant de cette SCI, celui-ci supporte la charge de la preuve de leur caractère mal-fondé conformément aux dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de l'instruction que la SCI " 11, Place de l'Université " est propriétaire d'un local commercial situé à Strasbourg comprenant au rez-de-chaussée une grande salle, un local de préparation, une cuisine, un débarras et des locaux sanitaires d'une surface de 242 m² avec au sous-sol un débarras de 60 m². Ce local a été donné à bail commercial le 20 octobre 1981 en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de cafétéria, ce bail ayant fait l'objet d'un renouvellement le 30 mars 2000 au profit d'un nouveau locataire, la société SEL, toujours en vue de l'exploitation d'une cafétéria. Par un nouveau bail commercial du 26 décembre 2013, le local a été donné en location à une société Trasco Embassy en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de café, petite restauration et débit de boissons. Les parties au contrat ont à cette occasion stipulé que le preneur s'obligeait à réaliser des travaux de mise en conformité et notamment à installer un système d'extraction des fumées dans le puits de lumière de l'immeuble, le bailleur s'engageant à mettre à la disposition du preneur cette partie de l'immeuble. En vertu de ce bail, le preneur s'est obligé à verser le 1er janvier 2014 un " pas-de-porte ou droit d'entrée " de 150 000 euros sous la condition résolutoire de l'obtention du permis de construire pour réaliser les travaux. Les parties ont également convenu que le preneur verserait un supplément de loyer de 650 000 euros. Enfin, par un avenant du 6 janvier 2014, le bailleur a accepté que le fonds de commerce du preneur soit exploité à destination d'une activité de " café, petite restauration, débit de boissons, restauration, brasserie " moyennant le versement d'une " indemnité de déspécialisation " de 200 000 euros, laquelle fera l'objet d'un premier versement à hauteur de 100 000 euros en 2016.

S'agissant du caractère imposable du " pas-de-porte " :

6. S'il ressort des documents contractuels ci-dessus analysés que les parties ont stipulé le versement de la somme de 150 000 euros en contrepartie de l'installation du dispositif d'extraction occasionnant la suppression du puits de lumière et des nouvelles amplitudes horaires de service et d'exploitation de la terrasse, M. A... ne justifie pas que ces éléments ont entraîné une baisse de la valeur vénale de l'immeuble appartenant au bailleur. Il ressort au contraire de l'article 10 du bail commercial que le versement de cette somme a principalement pour contrepartie, ainsi qu'en atteste l'usage de caractères gras, les contraintes inhérentes au statut des baux commerciaux : propriété commerciale, démembrement du droit de propriété et changement de destination des lieux loués. Au regard des règles rappelées au point 3 ci-dessus, de telles circonstances ne sauraient caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part. Par suite, la somme litigieuse de 150 000 euros, qualifiée contractuellement de " pas de porte " ainsi qu'il a été dit plus haut, doit en réalité être regardée comme un supplément de loyer imposable au titre de l'année 2014.

S'agissant du caractère imposable de " l'indemnité de déspécialisation " :

7. Aux termes de l'article L. 145-47 du code de commerce : " Le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ". Aux termes de l'article L. 145-48 du même code : " Le locataire peut, sur sa demande, être autorisé à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier ". Aux termes de l'article L. 145-50 du même code : " Le changement d'activité peut motiver le paiement, à la charge du locataire, d'une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l'existence ".

8. Il résulte de l'instruction que le local litigieux a toujours été loué à usage de restauration au moins depuis l'année 1970 à l'enseigne " La Cafétéria " puis " Café Brant " depuis 1988. A ce titre l'activité de cafétéria ne se distingue pas de celle de restauration traditionnelle et doit être à tout le moins regardée comme connexe à celle-ci. Si le bail initialement conclu le 26 décembre 2013 avec la société Trasco Embassy comportait un changement de destination en vue d'une activité de café, débit de boissons, petite restauration, le local a retrouvé sa destination d'origine de restauration traditionnelle dès le 6 janvier 2014 par la conclusion de l'avenant ci-dessus analysé. Dans ces conditions, la déspécialisation évoquée dans l'avenant du 6 janvier 2014 n'a pu occasionner aucun préjudice au bailleur au sens de l'article L. 145-50 du code de commerce d'autant qu'il s'agissait d'une adjonction d'activité, de nature à favoriser un meilleur chiffre d'affaires du preneur, et non pas d'un changement d'activité. Par suite, conformément aux règles rappelées au point 3 ci-dessus, la somme de 100 000 euros encaissée au cours de l'année 2016 doit en réalité s'analyser en un supplément de loyer imposable au titre des revenus fonciers de cette année.

Sur le bénéfice du régime du quotient :

9. Aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts : " I. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ".

10. Le supplément de loyer de 650 000 euros stipulé le 26 décembre 2013, lors de la conclusion du bail commercial avec la société Trasco Embassy, ayant donné lieu à deux versements de 130 000 euros en 2015 et 520 000 euros en 2016, accordé en contrepartie de la jouissance de l'immeuble objet du contrat, constitue une recette inhérente à l'activité de loueur de local commercial et ne saurait être regardé comme un revenu exceptionnel, au sens des dispositions ci-dessus reproduites, en dépit de son caractère unique et de l'importance de son montant. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a refusé à M. A... le bénéfice du régime du quotient à raison de ces sommes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 21NC01431

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01431
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MAHDADI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-25;21nc01431 ?
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