Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 13 591 euros dont il disposait à l'expiration de l'année 2017.
Par un jugement no 1903034 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 25 mars 2021, 22 octobre 2021, 25 août 2022 et 24 août 2023, M. A..., représenté par Me Le Boulc'h, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2021 ;
2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges n'ont pas communiqué le mémoire enregistré le 5 février 2021, avant la clôture de l'instruction, à la partie défenderesse, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- les premiers juges n'ont pas pris en compte les éléments contenus dans ce mémoire du 5 février 2021 ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
- la condition de réception prévue au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est remplie dès lors que les étudiants font l'objet d'un accueil physique lors de leur arrivée dans la résidence et bénéficient d'une permanence d'accueil organisée pendant la semaine, conforme à leurs besoins ;
- proposer deux des quatre prestations prévues à l'article 261 D, 4° b. du code général des impôts suffit à pouvoir bénéficier de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, contrairement à l'interprétation excessivement restrictive proposée par l'administration de ces dispositions déclarées non conformes au droit communautaire ;
- la condition tenant à la réception de la clientèle est satisfaite, conformément au rescrit du 17 septembre 2014 de la direction de la législation fiscale, lorsque l'exploitant propose un accueil physique lors de l'arrivée et du départ des locataires et une hotline pendant le reste du séjour tandis que les modalités de l'accueil sont proportionnées à la population accueillie au sein de l'établissement ;
- cette condition est remplie dès lors que, ainsi qu'il ressort d'une réponse de la direction de la législation fiscale du 3 juillet 2006, une réception continue n'est pas nécessaire pas plus que l'existence d'une permanence d'accueil téléphonique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a acquis, le 28 juin 2017, un studio et un emplacement de parking dans la " résidence Sigma " sise 190 avenue Pierre Brossolette à Troyes. Il les a donnés en location à la société Habitat Gestion, par un bail commercial de location meublée d'une durée de neuf années. Le 14 juin 2018, il a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 afin d'obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 13 591 euros correspondant à la taxe ayant grevé l'acquisition de l'appartement ainsi que des biens mobiliers destinés à meubler le studio. Par une proposition de rectification du 7 mars 2019, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a rejeté sa demande au motif que l'activité de M. A... n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'activité de location de locaux meublés réalisée par la société Habitat Gestion bénéficiant de l'exonération de taxe prévue au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Il a maintenu sa position en réponse aux observations du contribuable et a, par une décision du 16 octobre 2019, rejeté la réclamation préalable formée par le contribuable. M. A... relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. ".
3. M. A... a produit un mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le 5 février 2021, soit avant la clôture automatique de l'instruction intervenant trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 11 février 2021. D'une part, il ressort du jugement du 25 février 2021 que les premiers juges ont, à juste titre, analysé ce mémoire. M. A... ne saurait ainsi utilement soutenir qu'il n'a pas été pris en compte. D'autre part, dès lors que le tribunal a rejeté la demande de M. A..., l'absence de communication de ce mémoire du 5 février 2021 au directeur départemental des finances publiques de la Marne n'a pu préjudicier ni aux droits de ce dernier, ni à ceux du demandeur. Par suite, et alors en tout état de cause qu'il ne ressort pas de ce mémoire qu'il comportait des éléments nouveaux, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. Les premiers juges ont suffisamment motivé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que la prestation de réception de la clientèle n'était pas organisée dans des conditions similaires à celle proposée dans les établissements à caractère hôtelier. N'étant pas tenus de répondre à tous les arguments du demandeur, ils n'avaient pas à faire état spécifiquement des raisons pour lesquelles ils ont écarté l'argumentation du demandeur fondée sur les pièces produites dans son mémoire enregistré le 5 février 2021. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ".
7. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) ; 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction ".
8. Ces dispositions ont pour effet d'inclure dans le champ de l'exonération toute mise à disposition d'un local meublé qui n'est pas assortie de l'offre, par l'exploitant, d'au moins trois des quatre services que constituent la fourniture du petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle. Elles sont ainsi susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.
9. Le b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts est incompatible avec les objectifs de l'article 135 de la directive du 28 novembre 2006 en tant qu'il subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. En revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu'elles excluent de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
10. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
11. Il résulte de l'instruction que M. A... a donné en location le studio et l'emplacement de parking dont il est propriétaire dans la " résidence Sigma " à la société Habitat Gestion par un bail commercial assorti de l'engagement, par le preneur, d'assurer la fourniture des prestations para-hôtelières prévues à l'article 261 D, 4° b. du code général des impôts. Il n'est pas contesté que la société Habitat Gestion ne propose pas de service de petit déjeuner aux résidents, tandis que l'administration a admis que les prestations de nettoyage des locaux et de fourniture de linge de maison, en l'espèce linge de toilette et draps, étaient proposées, selon tarification supplémentaire. Contrairement à ce que soutient le requérant et conformément aux règles analysées aux points 6 à 9 ci-dessus, la fourniture de ces deux prestations ne suffit pas à l'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée. Quant à la prestation de réception, à l'exception de l'accueil physique des locataires organisé lors de leur arrivée dans les locaux en vue de la remise des clés et de l'établissement d'un état des lieux, elle consiste seulement dans la mise en place d'un " service accueil " disponible les jours ouvrables et selon des horaires " de bureau ". En dehors de ces plages horaires, les locataires doivent composer deux numéros de téléphone, dont il n'est pas établi au demeurant qu'ils permettraient de joindre quelqu'un à tout moment, l'affichage dans l'entrée de la résidence se bornant à préciser qu'un message peut être laissé " afin que l'on puisse vous recontacter ". Enfin, il résulte de l'instruction que la résidence Sigma a vocation à accueillir des étudiants, qui signent un contrat de location à durée déterminée, le seul produit par M. A... étant d'une durée de dix mois. Il résulte de ce qui précède que, eu égard notamment aux conditions dans lesquelles sont proposées les prestations fournies en sus de l'hébergement, et sans même qu'il soit besoin de se prononcer sur la durée des locations, la prestation de logements meublés en litige ne peut être regardée comme se trouvant en concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la location du studio meublé dont M. A... est le propriétaire était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de ce bien ainsi que du mobilier l'équipant.
En ce qui concerne le bénéfice de la garantie prévue aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :
12. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".
13. Le rejet par l'administration fiscale d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'interprétation administrative de la loi fiscale. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et du 1° de l'article L. 80 B du même livre, de la réponse de la direction de la législation fiscale du 17 septembre 2014 et de la réponse de la direction de la législation fiscale du 3 juillet 2006, dont il cite des extraits.
14. En tout état de cause, d'une part, ces extraits ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application. D'autre part, en l'absence de toute publication de ces rescrits individuels, M. A... ne peut pas plus s'en prévaloir sur le terrain du troisième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Enfin, le requérant ne justifie pas que sa situation serait la même que celle sur laquelle l'administration a porté son appréciation dans les deux rescrits dont il s'agit.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 21NC00922