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25/09/2023 | FRANCE | N°21NC00579

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 25 septembre 2023, 21NC00579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) du pays de Revermont a refusé de se prononcer sur sa situation statutaire et d'enjoindre au CHI de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1900798 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du CHI du pays de Revermont du 4 mars 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la si

tuation de Mme A... et de prendre à son égard toute décision visant à la placer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 4 mars 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) du pays de Revermont a refusé de se prononcer sur sa situation statutaire et d'enjoindre au CHI de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1900798 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du CHI du pays de Revermont du 4 mars 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et de prendre à son égard toute décision visant à la placer dans une situation administrative régulière.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, le centre hospitalier intercommunal du pays de Revermont, représenté par Me Boul, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 janvier 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, ne prévoit le transfert des fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale vers la fonction publique hospitalière en cas de transfert des compétences d'un établissement public territorial vers un établissement public de santé ;

- le centre hospitalier n'était tenu qu'à l'obligation de proposer à Mme A... soit d'être maintenu dans son cadre d'emplois d'origine de la fonction publique territoriale, soit d'être intégrée dans un corps d'emplois de la fonction publique hospitalière, cette seconde proposition ayant été refusée par cette dernière ;

- il appartenait aux collectivités territoriales ayant constitué le centre intercommunal d'action sociale qui employait Mme A... de statuer sur sa carrière ;

- en l'absence de radiation des cadres de la fonction publique territoriale, le centre hospitalier ne pouvait pas avoir la qualité d'employeur public de Mme A... ;

- Mme A... ayant refusé son transfert vers la fonction publique hospitalière, elle s'est placée dans la situation d'un fonctionnaire territorial stagiaire dont l'emploi est supprimé et ne pouvait prétendre qu'au régime de l'assurance chômage.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2021 et le 28 février 2023, Mme A..., représentée par Me Bouchoudjian, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHI ne peut pas se soustraire à l'autorité de chose jugée du jugement du 8 mars 2018 le déclarant seul compétent pour décider de sa titularisation ou de son licenciement à la fin de son stage ;

- le centre hospitalier avait, de facto, repris la gestion du personnel du centre intercommunal d'action social, ainsi qu'il ressort des courriers adressés par la directrice du centre hospitalier de Poligny en septembre 2013 ;

- en l'absence de décision prise sur sa situation avant le 1er janvier 2014, elle doit être regardée comme ayant subi le changement de statut qu'entraînait la fusion du CIAS et du centre hospitalier de Poligny ;

- elle a d'ailleurs été considérée comme faisant partie des effectifs du centre hospitalier, ainsi qu'il ressort d'un courrier de relance du 14 avril 2014 de la société française de courtage d'assurance du personnel ;

- elle n'a pas été mise à même de solliciter sa radiation des cadres ni été informée de la possibilité d'être inscrite sur liste d'aptitude ;

- en tant que stagiaire, sa relation de travail avec le CH de Poligny, qui a repris le personnel de l'EHPAD dans le cadre d'un transfert d'entreprise relevant de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, entrait dans le champ de cette même directive.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2023.

Procédure d'exécution :

Par un courrier, enregistré le 28 septembre 2021, Mme A... a demandé à la présidente de cette cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution du jugement du 4 janvier 2021.

Par une ordonnance du 2 mars 2022, la présidente de cette cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par un mémoire du 28 février 2023, Mme A..., représentée par Me Bouchoudjian, demande à la cour de prononcer la liquidation de l'astreinte.

Elle soutient que le jugement du 4 janvier 2021 n'est toujours pas exécuté.

La procédure a été communiquée au CHI du pays de Revermont, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme C...,

- les observations de Me Corsiglia, substituant Me Bouchoudjian, avocat de Mme A....

Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., a été enregistrée, dans chacun des dossiers, le 1er septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée comme auxiliaire de vie le 31 octobre 2008 par le centre intercommunal d'action sociale (ci-après CIAS) " Les Charmettes ", Mme A... a été nommée au grade d'adjoint technique de 2ème classe en qualité de stagiaire à temps non complet le 1er juillet 2009. Elle a toutefois été placée en congé de longue maladie du 4 septembre 2009 au 3 juin 2010, puis en congé de longue durée du 4 septembre au 3 décembre 2010 et du 1er juillet 2011 au 31 mars 2014. Le 1er janvier 2014, l'EHPAD " Les Charmettes " a fusionné avec le centre hospitalier de Poligny et le CIAS a été dissout. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Jura a refusé, par une décision du 13 février 2014, de prendre Mme A... en charge et de la rémunérer. Après que le tribunal administratif de Besançon a, par un jugement du 16 juin 2015, rejeté la demande de celle-ci tendant à l'annulation de cette décision, l'intéressée a demandé au syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) " Les Charmettes " de mettre fin à son stage. Le tribunal administratif de Besançon a, par un jugement du 8 mars 2018, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus opposée par le SIVU. Enfin, Mme A... a demandé au centre hospitalier intercommunal du pays de Revermont, venu aux droits du centre hospitalier de Poligny, de prendre une décision soit de titularisation soit de licenciement. Par une décision du 4 mars 2019, le directeur du CHI a refusé de se prononcer sur la situation statutaire de l'intéressée.

2. Par sa requête enregistrée sous le n° 21NC00579, le CHI du pays de Revermont relève appel du jugement du 4 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision du 4 mars 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A... ainsi que de prendre toute décision visant à la placer dans une situation administrative régulière. Par ailleurs, sur ordonnance de la présidente de cette cour décidant l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, Mme A... demande, sous le n° 22NC00557, l'exécution du jugement du 4 janvier 2021. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui sont relatives à un même jugement, afin de statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de la décision du 4 mars 2019 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Pour annuler la décision du 4 mars 2019, les premiers juges ont considéré que le centre hospitalier de Poligny était nécessairement réputé avoir repris, à compter du 1er janvier 2014, le personnel stagiaire du CIAS " EHPAD Les Charmettes " et était devenu, à cette date, l'employeur de Mme A.... Il a pour ce faire au préalable dénié toute valeur juridique à la décision de l'intéressée de rester dans la fonction publique territoriale, souhait exprimé à la suite des courriers du 17 septembre et du 25 octobre 2013 de la directrice du CIAS qui donnaient à l'agent la possibilité de choisir soit d'intégrer la fonction publique hospitalière soit de quitter l'EHPAD pour intégrer un poste au sein de la fonction publique territoriale. Le motif du jugement est tiré de ce que cette option n'avait aucune valeur juridique en l'absence de disposition législative ou réglementaire la prévoyant dans le cas de l'absorption par un établissement hospitalier d'un établissement public relevant d'une collectivité territoriale.

4. Il n'est pas contesté qu'à la date du 1er janvier 2014, à laquelle l'EHPAD dans lequel elle avait été affectée a fusionné avec le centre hospitalier de Poligny, l'intéressée, qui bénéficiait d'un congé de longue durée jusqu'au 31 mars 2014, avait toujours la qualité de stagiaire de la fonction publique territoriale, en l'absence de toute autre décision prise par le CIAS avant sa dissolution. L'intéressée avait par ailleurs formalisé, ainsi qu'il a été dit au point précédent, son souhait de demeurer dans la fonction publique territoriale. Il ressort des pièces du dossier, notamment du protocole de " fusion-intégration " de l'EPHAD " Les Charmettes " au centre hospitalier de Poligny, que le passage de la fonction publique territoriale à la fonction publique hospitalière des agents de l'EHPAD devait s'opérer sous forme d'intégration directe, " prononcée après demande ou accord écrit de l'agent ". Aussi, le droit d'option laissé aux agents de l'EHPAD peut être regardé comme ayant été prévu par le protocole de " fusion-intégration ", dont il n'est pas allégué qu'il serait contraire aux dispositions législative ou réglementaire applicables. Dès lors, et en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire contraire applicable dans le cas du regroupement entre un établissement public de santé et un établissement public relevant des collectivités territoriales et d'un transfert de personnels relevant de deux statuts différents de la fonctions publique, le refus de Mme A... d'intégrer la fonction publique hospitalière faisait obstacle à ce que l'intéressée puisse être regardée comme faisant partie des effectifs de l'EHPAD repris par le centre hospitalier de Poligny au 1er janvier 2014.

5. Sont sans incidence sur cette appréciation la circonstance qu'aucune décision n'avait été prise par la direction du CIAS sur la situation de l'auxiliaire de vie avant le 1er janvier 2014, la circonstance que les courriers qui lui ont été adressés étaient signés par la directrice du centre hospitalier de Poligny, dès lors en tout état de cause qu'existait une convention de direction commune du 1er janvier 2011, ou encore le fait que l'agent n'aurait pas été clairement informée des conséquences du choix exprimé de rester dans la fonction publique territoriale. Mme A... ne saurait pas davantage utilement faire valoir que la seule option qui aurait dû lui être proposée était l'intégration dans la fonction publique hospitalière faute pour un fonctionnaire stagiaire de pouvoir prétendre à une prise en charge par le centre de gestion. La circonstance que la direction du centre hospitalier de Poligny l'aurait initialement considérée comme faisant partie de ses effectifs n'établit pas plus la compétence du centre hospitalier à son égard. Enfin, Mme A... se prévaut du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a indiqué, dans ses motifs, que le centre hospitalier de Poligny " était seul compétent pour décider de la titularisation ou du licenciement de Mme A... à la fin de son stage ". Ce jugement, qui a statué sur un litige relatif à la demande de l'agent tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le SIVU " Les Charmettes ", lequel estimait ne pas être devenu l'employeur de Mme A..., avait refusé de mettre fin au stage de l'intéressée, est dépourvu de l'autorité de chose jugée en l'absence d'identité d'objet et de cause avec le présent litige.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés en appel, le CHI du pays de Revermont est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a, pour annuler la décision du 4 mars 2019, retenu le moyen tiré de ce que le centre hospitalier était nécessairement devenu l'employeur de Mme A....

7. Il y a lieu toutefois pour cette cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'autre moyen invoqué devant le tribunal administratif par Mme A... et les moyens soulevés à hauteur d'appel à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2019.

En ce qui concerne les autres moyens :

8. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée qui s'attacherait au jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 mars 2018 doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt.

9. En deuxième lieu, les différentes branches du moyen tiré de l'erreur de droit dont la décision du 4 mars 2019 attaquée serait entachée au motif que la requérante devait être regardée comme ayant été transférée au centre hospitalier de Poligny doivent être écartées pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 5 du présent arrêt.

10. En dernier lieu, si Mme A... soutient que la relation de travail qu'elle entretenait avec le CIAS a été transférée au centre hospitalier conformément à la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, elle ne se prévaut d'aucune disposition précise et inconditionnelle de cette directive qu'elle pourrait utilement invoquer à l'appui de sa contestation de la décision du 4 mars 2019.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier intercommunal du Pays de Revermont est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 4 mars 2019.

Sur l'exécution du jugement :

12. Compte tenu de l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 janvier 2021, les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'exécution de ce même jugement ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal du pays de Revermont, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre hospitalier intercommunal du pays de Revermont au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 janvier 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier intercommunal du Pays de Revermont est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La demande d'exécution du jugement du 4 janvier 2021 présentée par Mme A... est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal du pays de Revermont et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC00579, 22NC00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00579
Date de la décision : 25/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BOUCHOUDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-25;21nc00579 ?
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