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19/09/2023 | FRANCE | N°23NC01671

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 23NC01671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2201627 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation de cette demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, Mme C... née D..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2201627 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, Mme C... née D..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2022 en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre le refus de titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet n'a que partiellement retiré son arrêté du 12 août 2021 de sorte que le tribunal ne pouvait pas prononcer un non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ;

- si le préfet lui a accordé un titre pour l'avenir, l'appel présente un intérêt pour lui permettre de justifier rétroactivement de son droit au séjour ;

- son époux, à la suite du jugement du tribunal administratif de Strasbourg annulant son refus de titre de séjour, a obtenu un récépissé de demande de titre de séjour, le refus de titre de séjour porte ainsi une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2023, la préfète du Bas-Rhin, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née en 1969, est entrée en France selon ses dires le 27 octobre 2017. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile. Elle a été provisoirement admise au séjour du 24 juillet 2020 au 12 août 2021 pour accompagner son époux le temps des traitements requis par l'état de santé de ce dernier. Le 24 juillet 2020, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 août 2021 la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement du 2 février 2022, a annulé l'arrêté du 12 août 2021 refusant à son époux un titre de séjour étranger malade. Ce dernier s'est ainsi, en exécution de cette décision de justice, vu remettre une carte de séjour temporaire valable du 28 février 2022 au 27 février 2023. En conséquence, par arrêté du 1er avril 2022, la préfète du Bas-Rhin a décidé de retirer la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de la requérante par les article 2 à 6 de l'arrêté du 12 août 2021 la concernant et l'a informée qu'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour lui permettre d'accompagner son époux le temps des soins allait lui être remis. Par le jugement du 31 mai 2022, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d'annulation de la demande de Mme C... au motif que les décisions attaquées avaient été retirées. Mme C... fait appel de ce jugement en tant uniquement qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation du refus de titre de séjour édicté par l'arrêté du 12 août 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indique le jugement contesté, par l'arrêté du 1er avril 2022, la préfète du Bas-Rhin n'a pas retiré la décision de refus de titre de séjour résultant de l'arrêté du 12 août 2021. Par cet acte, elle a simplement indiqué qu'un titre de séjour allait être délivré à Mme C.... Ce titre a été effectivement délivré le 8 décembre 2022 abrogeant le refus initial. Or, si à la date à laquelle le tribunal administratif a statué cette décision était devenue définitive, le refus de titre de séjour avait reçu exécution. Dès lors, en application des principes rappelés au point précédent, c'est à tort que les premiers juges ont prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 12 août 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions portant refus de titre de séjour.

4. Il y a lieu, pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour.

Sur la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

6. Par un jugement n° 2107345 du 2 février 2022, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. A... C..., époux de la requérante, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement au motif qu'il remplissait les conditions pour obtenir un titre de séjour pour motif médical sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du ceseda. Il a également enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressé un titre de séjour " vie privée et familiale ", ce qu'elle a fait. Au regard de l'annulation rétroactive de ce refus de titre de séjour, le refus opposé à Mme C... le 12 août 2021 doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme portant une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normal. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 2201627 du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2021 portant refus de titre de séjour.

Article 2 : L'arrêté du 12 août 2021 portant refus de titre de séjour à Mme C... est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... née D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Berry.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : V. Ghisu-DeparisL'assesseure la plus ancienne

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

No 23NC01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01671
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-19;23nc01671 ?
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