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19/09/2023 | FRANCE | N°21NC01615

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 21NC01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS 3D Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de fixer le solde du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition désamiantage " du marché de construction d'une médiathèque - école de musique à l'Espace Baldé, qu'elle avait conclu avec la commune d'Ensisheim, à la somme de 28 003,11 euros TTC, ramenée à 22 446,63 euros TTC dans ses dernières écritures, en sa faveur et de condamner cette collectivité à lui verser cette somme.

Par un jugement n° 1901608 du 28 avr

il 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et mis à sa charge un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS 3D Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de fixer le solde du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition désamiantage " du marché de construction d'une médiathèque - école de musique à l'Espace Baldé, qu'elle avait conclu avec la commune d'Ensisheim, à la somme de 28 003,11 euros TTC, ramenée à 22 446,63 euros TTC dans ses dernières écritures, en sa faveur et de condamner cette collectivité à lui verser cette somme.

Par un jugement n° 1901608 du 28 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à la commune d'Ensisheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 3 juin 2021, 18 août 2022 et 26 juillet 2023, la SAS 3D Est, représentée par Me Demarest, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de fixer le solde du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition désamiantage " du marché de construction d'une médiathèque - école de musique à l'Espace Baldé, qu'elle avait conclu avec la commune d'Ensisheim, à la somme de 21 059,22 euros TTC, ou subsidiairement 21 337,10 euros TTC, en sa faveur et de condamner cette collectivité à lui verser cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Ensisheim une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, elle comporte des critiques du jugement attaqué ;

- aucune pénalité de retard ne pouvait lui être infligée ; si l'acte d'engagement fixe un délai global d'exécution, ce document n'a pas valeur contractuelle, sans préjudice de l'existence d'un lien contractuel, et son offre ne constitue pas davantage une pièce contractuelle ; aucun calendrier détaillé d'exécution ne lui a été notifié ; en toute hypothèse, le délai ne pouvait commencer à courir qu'après la période de préparation, qui incluait l'établissement et la validation du plan de retrait préalable aux travaux de désamiantage, prévu par les articles R. 4412-133 et suivants du code du travail ; le délai ne pouvait commencer à courir tant que le marché ne lui avait pas été notifié ; compte tenu des deux semaines supplémentaires accordées pour les travaux, le délai de 12 semaines expirait le 23 novembre 2017, ou le 14 novembre ou le 16 novembre compte tenu du retard du maître d'ouvrage à valider son devis pour travaux supplémentaires, selon ses dernières écritures ; les travaux étant achevés au 7 novembre 2017, et même dès le 6 novembre, aucun retard ne pouvait lui être reproché ;

- elle a droit à 1 393,91 euros TTC au titre de la révision des prix, calculée situation par situation, conformément à l'article 3.4.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui prévoit que le coefficient est à appliquer mensuellement ; il y a lieu d'appliquer le coefficient de 1,08 pour les deux premières et de 1,10 pour les suivantes ; subsidiairement, elle aurait droit à 1 671,79 euros en cas de révision unique en fin de marché ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'elle avait exclu le montant correspondant à la retenue de garantie ;

- le solde du marché s'établit à 21 059,22 euros TTC, correspondant d'une part à 19 665,31 euros TTC au titre de la différence entre le montant du marché après avenant, de 167 170,42 euros TTC, et les 147 505,11 euros TTC versés par la collectivité, pour partie après le jugement, et d'autre part à 1 393,91 euros TTC au titre de la révision du marché.

Par deux mémoires enregistrés les 7 juillet 2022 et 25 juillet 2023, la commune d'Ensisheim, représentée par Me Cereja, du cabinet Peyrical et Sabattier associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé ; à supposer que l'acte d'engagement ne soit pas opposable comme le soutient la société requérante, il n'y aurait pas de contrat et la demande présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle serait irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Demarest, pour la SAS 3D Est.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 18 juillet 2017, la commune d'Ensisheim a conclu avec la société SAS 3D Est le lot n° 1 " démolition et désamiantage " d'un marché public de travaux de construction d'une médiathèque et de l'école de musique à l'espace Baldé. Ce marché porte sur un montant total, après avenant, de 167 170,42 euros TTC. Le décompte général établi par la commune le 8 octobre 2018 arrête le solde du marché à une somme de 15 206,88 euros TTC à verser par la société SAS 3D Est. La société 3D Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de fixer le solde du marché à la somme de 28 003,11 euros TTC en sa faveur et de condamner la commune à lui verser, autant que de besoin, cette somme. Par un jugement du 28 avril 2021, dont elle relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. La requête d'appel de la société 3D Est n'est pas la reprise intégrale et exclusive de ses écritures de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ensisheim et tirée du défaut de moyens d'appel doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. La commune d'Ensisheim soutient que si l'acte d'engagement relatif au contrat en cause devait être regardé comme dépourvu de nature contractuelle, ainsi que le fait valoir la société requérante, il n'existerait, de ce fait, aucun lien contractuel entre les parties, de sorte que les conclusions présentées par la société 3D Est et tendant au versement de sommes sur le fondement de ce marché seraient irrecevables.

4. Il est vrai que l'article unique du chapitre 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché, qui précise qu'il remplace l'article 4.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), omet de mentionner l'acte d'engagement parmi les pièces constitutives du marché dont elle fixe l'ordre de priorité, alors même que le CCAP se réfère à cet acte d'engagement dans d'autres de ses stipulations. Toutefois, cette omission n'a ni pour objet ni pour effet de faire disparaitre l'accord de volonté matérialisé par les signatures apposées sur l'acte d'engagement et la lettre du maire le retournant à l'entreprise. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'existerait pas d'engagement contractuel liant les parties manque en fait. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit donc être écartée.

Sur le décompte :

En ce qui concerne les pénalités de retard :

5. Il ressort de l'article unique du chapitre 2 du CCAP que ce cahier possède le rang de priorité le plus élevé parmi les pièces particulières du marché. Le CCAP prévoit, à son article 4.3, qui déroge à l'article 20 du CCAG, que l'entrepreneur subira une pénalité de 1 000 euros par jour de retard partiel par rapport au respect des différentes phases de son intervention prévues par le calendrier d'exécution détaillé, sur simple constatation du maître d'œuvre, sans procédure préalable. L'article 4.1 du CCAP, dont les dispositions remplacent celles de l'article 28 du CCAG, prévoit que la date de départ du délai d'exécution est fixée par ordre de service, que la fin effective des travaux devra intervenir au plus tard le 6 octobre 2017 et que les origines et les dates de fin des délais d'exécution sont fixées par le calendrier détaillé d'exécution.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ordre de service n° 1, notifié le 24 juillet 2017 à l'entreprise requérante, qui l'a accepté sans réserve, prévoyait une date de démarrage de travaux fixée au 24 juillet 2017. Il n'est pas sérieusement contesté qu'y était joint un planning prévisionnel, identique à celui contenu dans l'offre de la requérante, qui prévoyait un délai d'exécution de dix semaines, période de préparation incluse. Cette durée correspond à celle qui était prévue dans l'acte d'engagement dont il a été dit au point 4 qu'il était de nature contractuel. La circonstance que la date de démarrage des travaux mentionnée par l'ordre de service n° 1, à partir de laquelle devait être calculé le délai de dix semaines, précède, de trois jours, la notification du marché à l'entreprise est sans incidence sur l'existence et la détermination du délai fixé pour l'achèvement des travaux du lot, pour l'application des pénalités de retard.

7. En deuxième lieu, l'article 4.1 du CCAP indique que le délai global d'exécution de l'ensemble des travaux ne comprend pas la période de préparation définie à l'article 8.1 de ce document, qui concerne les plans d'exécution des ouvrages et les spécifications techniques détaillées, à soumettre au visa du maître d'œuvre. La préparation du plan de retrait préalable aux opérations de désamiantage, mentionné aux articles R. 4412-133 et suivants du code du travail, ne relève ainsi pas de la période de préparation, au sens de ces stipulations. La société requérante ne saurait donc se prévaloir de ces stipulations pour soutenir qu'elle avait droit à un délai d'exécution supplémentaire en raison du délai nécessaire à la validation de ce plan, étant précisé qu'elle n'a émis aucune réserve sur le planning qui lui a été communiqué par ordre de service, et qui prévoyait une période de quatre semaines avant le début effectif des opérations de désamiantage proprement dites.

8. En troisième lieu, les parties ont conclu un avenant, signé le 13 octobre 2017, pour intégrer des travaux qui n'avaient pas été prévus, en raison de la découverte de matériaux contenant de l'amiante qui n'avaient pas été identifiés initialement. A ce document était joint un devis, faisant état d'un délai supplémentaire estimatif de deux semaines, qui avait été présenté par l'entrepreneur le 11 septembre 2017, et qui a été accepté le 13 octobre 2017. Il est constant, au regard des écritures des parties, que la société a bénéficié, pour ces travaux additionnels, d'un délai supplémentaire de deux semaines. En l'absence de tout élément permettant d'établir que les parties se seraient entendues sur une date effective à partir de laquelle ce délai supplémentaire devait débuter, c'est à bon droit que la commune les a ajoutés au délai global de dix semaines, portant ce dernier à douze semaines, de sorte qu'il s'achevait le 17 octobre 2017. L'application des pénalités devait donc s'apprécier au regard de cette date, tous travaux confondus. La circonstance que la commune ait tardé à valider la demande de travaux supplémentaires est à cet égard sans aucune incidence sur la computation des délais.

9. Il résulte de l'instruction que les travaux du lot n° 1 ont été achevés le 6 novembre 2017, date à laquelle ont eu lieu les opérations préalables à la réception. Par suite, la société 3D Est, dont les travaux ont fait l'objet d'un retard de 21 jours, n'est pas fondée à contester les pénalités qui lui ont été mises à sa charge pour une telle durée, et pour un montant de 21 000 euros.

En ce qui concerne la révision des prix :

10. L'article 3.4.3 du CCAP prévoit l'application d'un coefficient de révision à appliquer mensuellement, pour les acomptes puis à l'occasion de l'achèvement des prestations. Le cocontractant de l'administration a droit à la révision des prix sur l'intégralité du marché indépendamment des sommes qu'il devait au titre des pénalités de retard.

11. En l'absence de stipulation en ce sens, la révision des prix devait être calculée sur le prix correspondant à chacune des situations, sans déduction de la retenue de garantie, qui n'a, au demeurant, pas fait l'objet d'une rétention à la fin du marché. Il n'est pas contesté que le coefficient de révision applicable aux deux premières situations était de 1,008. Ainsi, et comme l'avait retenu à juste titre la commune, le montant dû au titre de la révision des prix à l'occasion des deux premières situations, correspondant à des travaux d'un montant HT respectivement de 82 754,92 euros et de 39 087,52 euros, était de 662,04 euros HT, soit 794,45 euros TTC, et de 312,70 euros HT, soit 375,24 euros TTC.

12. Pour la période ultérieure, il est constant que le coefficient de révision applicable était de 1,010. Le montant dû au titre de la révision des prix à l'occasion de la troisième situation, pour des travaux d'un montant HT de 13 750,89 euros, était de 137,51 euros HT, soit 165,01 euros TTC. Au regard du montant HT du marché (139 308,68 euros), il restait une révision des prix à calculer sur la somme de 3 715,35 euros HT (139 308,68 - 82 754,92 -39 087,52 - 13 750,89). Cette dernière s'élevait à 37,15 euros HT, soit 44,58 euros TTC. La société 3D Est est ainsi seulement fondée à demander que la révision des prix soit intégrée dans le décompte pour un montant de 1 149,40 euros HT (662,04 + 312,70 + 137,51 + 37,15), soit 1 379,28 euros TTC (794,45 + 375,24 + 165,01 + 44,58).

En ce qui concerne le solde du marché :

13. Il résulte de l'instruction que les sommes dues au titre de l'exécution du marché initial et de l'avenant, après révision des prix, s'établissent à 140 458,08 euros HT (139 308,68 euros HT + 1 149,40 euros HT) soit 168 549,70 euros TTC, dont doivent être déduits 21 000 euros de pénalités de retard, cette indemnité au profit de la collectivité étant sans incidence sur le calcul de la valeur ajoutée.

14. Il ressort des pièces versées par les parties, éclairées par les écritures de la commune, et en particulier des documents comptables émis par BPI France qui a reçu les paiements après cession de créance, qu'après les paiements TTC correspondant à la première situation, pour 94 340,60 euros, puis à la deuxième, pour 44 559,77 euros, la collectivité a versé, au titre du marché, les sommes TTC de 1 660,85 euros, de 1 373,70 euros puis de 5 570,19 euros. La commune d'Ensisheim a ainsi réalisé des paiements pour un montant total de 147 505,11 euros TTC.

15. Le solde du marché s'établit ainsi à 44,59 euros TTC (168 549,70 -21 000 -147 505,11), au crédit de la société 3D Est, qui est fondée à soutenir que, dans cette mesure, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, et à demander à la commune d'Ensisheim à lui verser la somme correspondante. Le jugement est par suite annulé et la commune d'Ensisheim condamnée à verser à la société 3D Est la somme de 44,59 euros TTC.

Sur les intérêts :

16. La société requérante a droit aux intérêts au taux légal, qu'elle sollicite, à compter du 9 novembre 2018, date de réception par la commune de son mémoire en réclamation valant demande de paiement.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société requérante, qui n'est pas partie perdante, le versement de la somme que demande la commune d'Ensisheim au titre des frais non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société 3D Est, présentées sur le même fondement.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 1901608 du tribunal administratif de Strasbourg du 28 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La commune d'Ensisheim est condamnée à verser à la SAS 3D Est la somme de 44,59 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS 3D Est et à la commune d'Ensisheim.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01615
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : CEREJA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-19;21nc01615 ?
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