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18/07/2023 | FRANCE | N°23NC00581

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 23NC00581


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... C... et Mme B... E... ont demandé, chacun pour ce qui le concerne, au tribunal administratif de Besançon l'annulation des arrêtés du 27 octobre 2022 par lesquels le préfet du Territoire de Belfort a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement, leur a interdit le retour en France pendant deux ans et les a assignés à résidence dans le département pour une durée de

quarante-cinq jours.

Par deux jugements n° 2201845 et n° 2201846 du 26 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... C... et Mme B... E... ont demandé, chacun pour ce qui le concerne, au tribunal administratif de Besançon l'annulation des arrêtés du 27 octobre 2022 par lesquels le préfet du Territoire de Belfort a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement, leur a interdit le retour en France pendant deux ans et les a assignés à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours.

Par deux jugements n° 2201845 et n° 2201846 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 29 mai 2023, sous le n° 23NC00581, M. A... C..., représenté par Me Woldanski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201845 du tribunal administratif de Besançon du 26 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 22 octobre 2022 le concernant en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel du préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 29 mai 2023, sous le n° 23NC00582, Mme B... E..., représentée par Me Woldanski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201846 du tribunal administratif de Besançon du 26 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 22 octobre 2022 la concernant en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel du préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC00581 et n° 23NC00582, présentées respectivement pour M. A... C... et pour Mme B... E..., concernent la situation d'un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. C... et Mme E..., sa compagne, sont des ressortissants arméniens, nés respectivement les 6 mai 1982 et 13 juillet 1984. Les requérants sont entrés en France, le 5 août 2005 pour le premier et le 1er juin 2013 pour la seconde, sous couvert de passeports revêtus d'un visa de court séjour. Le 15 septembre 2005, M. C... a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 mai 2006, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2008. Les intéressés ayant sollicité leur admission exceptionnelle au séjour en 2016, 2018 et 2019, ils ont été reçus en entretien par les services de la préfecture, dans le cadre de l'instruction de leurs demandes, les 26 mai 2016, 26 novembre 2018 et 14 avril 2021, avant d'être entendus, le 30 juin 2022, par la commission du titre de séjour, qui a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre. Toutefois, par deux arrêtés du 27 octobre 2022, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de faire droit à ces demandes, leur a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement et leur a interdit le retour en France pendant deux ans. Par deux autres arrêtés du même jour, il les a assignés à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... et Mme E... ont saisi chacun le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant, chacun pour ce qui le concerne, à l'annulation des arrêtés du 27 octobre 2022. Ils relèvent appel du jugement n° 2201845 et n° 2201846 du 26 janvier 2023 qui rejette leurs demandes respectives.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. M. C... et Mme E... se prévalent de l'ancienneté de leur séjour sur le territoire français, de la naissance en France de leurs trois enfants les 6 avril 2014, 22 juin 2017 et 22 août 2018 et de la scolarisation de ceux-ci. Ils font également valoir que, pour ces motifs, la commission du titre de séjour, après les avoir entendus, a émis, le 30 juin 2022, un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, il n'est pas contesté que les requérants se maintiennent irrégulièrement en France depuis plusieurs années. Mme E..., qui indique suivre des cours de français et d'alphabétisation en 2022 et 2023, alors qu'elle est présente sur le territoire français depuis le 1er juin 2013, et M. C..., qui se borne à produire un projet de contrat de travail non signé pour un recrutement comme solier moquettiste du 6 août au 5 septembre 2021 et une promesse d'embauche établie, postérieurement à la décision en litige, le 18 novembre 2022 en vue de l'occupation, pour une durée indéterminée, d'un emploi de peintre, poseur de parquets et plaquiste, ne justifient pas, malgré l'ancienneté de leur séjour, être intégrés en France. En outre, le préfet du Territoire de Belfort soutient, sans être contredit, que le second a, par deux jugements du tribunal correctionnel de Paris des 19 octobre 2006 et 12 septembre 2008, été respectivement condamné à deux mois d'emprisonnement pour voyage habituel dans un véhicule de transport en commun sans titre de transport valable et à dix-huit mois d'emprisonnement, dont douze avec sursis, assortis d'une interdiction du territoire national d'un an, pour agression sexuelle, violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours et entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France. Si les requérants font valoir que la mère et la sœur de M. C... résident également sur le territoire français, ils ne démontrent pas être isolés en Arménie, où vivent notamment les parents et les frères de Mme E.... Les circonstances que leur fils aîné, qui présente un retard de langage et des troubles du comportement, soit scolarisé dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) et qu'il fasse l'objet d'un suivi régulier dans un centre médico-psycho-pédagogique ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France, quand bien même sa prise en charge serait moins satisfaisante en Arménie. Enfin, M. C... et Mme E... étant tous deux de nationalité arménienne et faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine, ni que leurs trois enfants, eu égard notamment à leur jeune âge, se trouveraient dans l'impossibilité d'y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas aux étrangers le droit de choisir le pays qu'ils estiment le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Territoire de Belfort, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

7. Eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, M. C... et Mme E..., qui se bornent à invoquer la durée de leur séjour, ainsi que la naissance et la scolarisation en France de leurs trois enfants, ne démontrent pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation en estimant que leur admission exceptionnelle au séjour ne se justifie pas au regard de circonstances humanitaires et ne répond pas à des motifs exceptionnels qu'ils auraient fait valoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Territoire de Belfort du 27 octobre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Belfort a rejeté leurs demandes. Par voir de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC00581 et 23NC00582 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00581
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;23nc00581 ?
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