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18/07/2023 | FRANCE | N°23NC00079

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 23NC00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... A... née B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 juillet 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par un jugement n°s 2205304, 2205305 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
>Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2023, M. A... et Mme A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme D... A... née B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 juillet 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par un jugement n°s 2205304, 2205305 du 7 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2023, M. A... et Mme A..., représentés par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 18 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de leur délivrer des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer leur situation ainsi que, dans l'attente, de les admettre provisoirement au séjour et ce dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen sérieux ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elles ont été adoptées en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme A..., ressortissants géorgiens, sont entrés irrégulièrement en France le 11 octobre 2017. En raison de l'état de santé de M. A..., ils ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour du 9 mai 2019 au 6 juin 2021. Le 28 mai 2021, ils ont sollicité le renouvellement de leurs autorisations. Par des arrêtés du 18 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. M. et Mme A... font appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, les décisions litigieuses, qui n'avaient pas à reprendre tous les éléments relatifs à la situation des requérants, précisent les dispositions légales sur lesquelles elles se fondent et rappellent les principales considérations relatives à leur situation, notamment leurs conditions d'entrée et de séjour en France et leur situation familiale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes des décisions litigieuses que la préfète a procédé à un examen de la situation individuelle des intéressés.

3. En deuxième lieu, aux termes de du premier alinéa de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. "

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Dans son avis du 8 septembre 2021, le collège de médecins de l'OFII précise que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une insuffisance rénale terminale, d'une hypertension artérielle, d'une goutte à l'origine d'une polyarthrite et d'une cardiopathie. Les requérants justifient, par les différents certificats médicaux et ordonnances produits, que M. A... doit, en raison de ses pathologies, être pris en charge au sein d'un établissement de santé et doit disposer d'un traitement intégrant notamment la réalisation régulière de dialyse. Toutefois, aucun des éléments versés par les requérants ne se prononce sur une éventuelle indisponibilité en Géorgie du traitement ou du suivi dont doit bénéficier M. A.... Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins selon laquelle l'intéressé pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, également être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

8. M. et Mme A... sont entrés irrégulièrement en France le 11 octobre 2017 et ont bénéficié de titres de séjour du 9 mai 2019 au 6 juin 2021 en raison de l'état de santé de M. A.... Toutefois, ils se bornent pour justifier de leur intégration sociale à se prévaloir de la présence en France de leur fils, mais ce dernier ne dispose pas d'un titre de séjour et fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. De plus, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... sont arrivés en France à l'âge respectivement de 47 et 44 ans et ont passé la majeure partie de leur vie dans leur pays d'origine, où demeurent notamment leurs parents et leurs autres enfants. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que Mme A... ait pu signer un contrat à durée déterminée pour des fonctions d'agent de propreté, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel les décisions de refus de titre de séjour ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent par suite être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet dans l'exercice de son pouvoir de régularisation doit également être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour, d'une attestation de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sous réserve des exceptions prévues par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle ".

11. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'instruction d'une demande de titre de séjour ne constitue pas un acte créateur de droit même, lorsque cette autorisation permet à l'intéressé à travailler. De plus, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne saurait être regardée comme retirant ou abrogeant l'autorisation provisoire de séjour délivrée dans le cadre de l'instruction de la demande dès lors que seule la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour entraîne, implicitement mais nécessairement, abrogation de l'autorisation provisoire de séjour délivrée le temps de l'instruction. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français en litige auraient porté abrogation de leurs autorisations provisoires de séjour les autorisant à travailler et devaient être précédées d'une procédure contradictoire.

12. En troisième lieu, compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation de M. et Mme A... doivent être écartés.

Sur les décisions fixant leur pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant leur pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme D... A... née B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 23NC00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00079
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;23nc00079 ?
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