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18/07/2023 | FRANCE | N°22NC02566

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 22NC02566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2204871 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 juin 2022 et a enjoint à l

a préfète du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2204871 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 juin 2022 et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant sa notification.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204871 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2022 en tant qu'il a prononcé une injonction de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) de rejeter les conclusions en ce sens de la demande présentée en première instance par Mme B....

Elle soutient que le jugement attaqué, en tant qu'il lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et non pas " travailleur salarié " ou " travailleur temporaire ", est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Thalinger, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a enjoint la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", enfin, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la préfète du Bas-Rhin n'a pas interjeté appel du jugement de première instance en tant qu'il prononce l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- il n'y a pas de contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement dès lors que la mesure d'injonction est la conséquence de la violation des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- la décision du 13 juin 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de la préfète du Bas-Rhin de régularisation à titre exceptionnel.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... est une ressortissante kirghize, née le 29 novembre 1975. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 16 septembre 2015. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 février 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mai 2019. Elle a fait l'objet, le 12 janvier 2017, d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. L'intéressée ayant sollicité son admission au séjour pour raison de santé le 22 mars 2019, elle a été mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour du 17 juillet 2019 au 16 juillet 2020, dont elle a sollicité le renouvellement le 2 septembre 2020. Le 15 février 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 421-3, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 13 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à ces demandes, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement n° 2204871 du 3 octobre 2022 en ce qu'il a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant sa notification.

2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ". Il appartient au juge lorsqu'il est saisi, sur le fondement de ces dispositions, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur celles-ci en tenant compte de la situation de droit ou de fait existant à la date de sa décision

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges aient retenu que Mme B... pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de travailleur salarié temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile, ni qu'ils se soient bornés à prendre en considération son insertion professionnelle. Après avoir relevé la durée de son séjour en France, son intégration dans la société française, illustrée notamment par ses emplois successifs, son apprentissage de la langue française et la possession d'un logement, et son absence de liens au Kirghizistan, compte tenu du décès de tous les membres de sa famille proche, le tribunal administratif a considéré que l'intéressée avait fixé sur le territoire français le centre de ses intérêts matériels et moraux et en a déduit que la préfète du Bas-Rhin, en refusant de l'admettre au séjour, avait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir de régularisation. Par suite, en enjoignant la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", les premiers juges ne se sont pas mépris sur ce qu'impliquait l'annulation ainsi prononcée et n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction entre les motifs de cette annulation et la nature de l'injonction.

4. Il résulte de ce que précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 2204871 du 3 octobre 2022 en tant qu'il a enjoint la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de rejeter les conclusions en ce sens de la demande présentée en première instance par Mme B....

Sur les frais de justice :

5. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Thalinger, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Thalinger, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°22NC02566 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02566
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : L'ILL LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;22nc02566 ?
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