La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2023 | FRANCE | N°21NC02259

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 18 juillet 2023, 21NC02259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Troyes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 octobre 2017, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902998 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Boia, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Troyes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 octobre 2017, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902998 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Boia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ou, à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Troyes a refusé de reconnaître l'accident qu'elle a connu le 12 octobre 2017 comme imputable au service, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Troyes de reconnaitre l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 12 octobre 2017 et en conséquence d'appliquer la législation relative aux accidents de service à partir de cette date, ainsi que de procéder à la régularisation financière de sa situation avec, outre le versement de son plein traitement et de ses primes, le versement des cotisations afférentes et la prise en charge des frais et honoraires médicaux en lien avec cet accident de service ;

4°) mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal ne s'est pas prononcé sur son moyen tiré de l'absence de tardiveté de sa requête au regard des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ;

- sa requête n'était pas tardive dès lors que l'avis d'un organisme collégial était nécessaire pour se prononcer sur sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son accident et que, par suite et ainsi que le prévoit l'article R. 421-3 du code de justice administrative, aucun délai de recours n'a commencé à courir à compter du jour de la naissance de la décision implicite contestée ;

- il n'a pas été fait droit à sa demande de communication des motifs de la décision implicite en litige de sorte que cette décision doit être annulée pour défaut de motivation ;

- la décision implicite en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme était irrégulièrement composée en l'absence d'un médecin spécialiste de sa pathologie ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation car son état dépressif est imputable au service.

La procédure a été communiquée au centre hospitalier de Troyes, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Boia pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... exerce les fonctions d'aide-soignante au centre hospitalier de Troyes. Elle a sollicité, le 13 octobre 2017, la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a connu le 12 octobre 2017. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le directeur général du centre hospitalier a implicitement rejeté cette demande, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Mme B... fait appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents.

3. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, ce alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics.

5. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet, dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux.

6. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ". Ces dernières dispositions imposent la consultation de la commission de réforme dans tous les cas où le bénéfice du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste, afin de déterminer notamment si l'accident qui est à l'origine de l'affection est ou non imputable au service.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 13 octobre 2017, Mme B... a demandé au directeur général du centre hospitalier de Troyes la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 octobre 2017. Il est constant que ce directeur n'a adopté aucune décision expresse, de sorte que la demande a été implicitement rejetée.

8. Pour se prononcer sur la demande de Mme B..., le directeur général du centre hospitalier de Troyes, qui ne soutient pas que le défaut d'imputabilité de l'accident au service aurait été manifeste, était tenu de solliciter préalablement l'avis de la commission de réforme, qui constitue un organisme collégial au sens de l'article R. 421-3 du code de justice administrative. Par suite, en application de cet article, le délai du recours contentieux ne pouvait courir qu'à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet. Aucune décision expresse n'ayant été prise sur la demande de la requérante, c'est à tort que le tribunal a rejeté son recours comme tardif et, par suite, irrecevable.

9. Le centre hospitalier se prévaut toutefois d'une fin de non-recevoir tirée de ce que la requête de Mme B... a, en tout cas, été introduite devant le tribunal administratif après l'expiration du délai raisonnable.

10. Les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières, sont applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision et qu'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Cette règle ne saurait cependant s'appliquer à la contestation d'une décision qui n'est soumise à aucun délai de recours contentieux.

11. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8, pour se prononcer sur la demande de Mme B..., le directeur général du centre hospitalier de Troyes était tenu de solliciter préalablement l'avis de la commission de réforme, qui constitue un organisme collégial au sens de l'article R. 421-3 du code de justice administrative. Par suite, en application de cet article, le délai du recours contentieux ne pouvait courir qu'à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet. En l'absence de décision expresse, la contestation par Mme B... de la décision implicite née du silence gardé sur sa demande n'était ainsi soumise à aucun délai de recours contentieux et n'était donc pas plus soumise aux règles relatives au respect du délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel. La fin de non-recevoir opposée sur ce point par le centre hospitalier doit dès lors être écartée.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B... devant le tribunal administratif n'était pas irrecevable, de sorte le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du directeur général du centre hospitalier de Troyes et de la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme B... :

13. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

14. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 août 2019 reçu par le centre hospitalier de Troyes le 29 août suivant, la requérante a demandé que lui soit transmis les motifs de la décision litigieuse rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son accident. Alors que la décision devant se prononcer sur la demande de Mme B... aurait dû être motivée, il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier de Troyes n'a pas communiqué à Mme B... les motifs de sa décision implicite de rejet. Il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir que la décision en litige ne répond pas aux exigences de motivation.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la requérante, que Mme B... est fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Troyes a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 12 octobre 2017, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux sont illégales et doivent être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. L'exécution du présent arrêt implique uniquement qu'il soit enjoint au directeur général du centre hospitalier de Troyes de réexaminer la demande de Mme B.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée en première instance par le centre hospitalier de Troyes au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes le versement à la requérante d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 juin 2021, la décision implicite par laquelle le directeur général du centre hospitalier de Troyes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme B... a été victime le 12 octobre 2017, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général du centre hospitalier de Troyes de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Troyes versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Troyes.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHAL

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC02259

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02259
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : LE CAB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;21nc02259 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award