Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Clinique de Champagne a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est lui a infligé une sanction financière d'un montant de 160 900 euros.
Par un jugement n° 1900426 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2021, la SARL Clinique de Champagne, représentée par Me Vigy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler la décision du 20 décembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est ;
3°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé du Grand Est la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne lui a pas été communiqué le mémoire en réplique de l'agence régionale de santé du 28 février 2020 et que le tribunal s'est appuyé sur les éléments qu'il contenait pour rejeter sa demande ;
- l'avis de la commission de contrôle du 6 décembre 2018 est irrégulier dès lors que des membres extérieurs à la commission y ont siégé ;
- cet avis est également irrégulier car il ne mentionne pas la composition de la commission et ne lui permettait ainsi pas d'être informée et donc de s'assurer du respect des exigences liées au quorum et à la parité des membres ;
- cet avis est irrégulier car son signataire était incompétent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, l'agence régionale de santé du Grand Est conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Clinique de Champagne a fait l'objet, du 15 mai au 17 juin 2017, d'un contrôle sur site de sa tarification à l'activité (T2A). Ce contrôle a permis de révéler différentes irrégularités aux règles de facturation prévues par le code de la sécurité sociale, ainsi qu'une méconnaissance des règles de codage des activités médicales. Après avoir saisi pour avis la commission de contrôle, le directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est a, par une décision du 20 décembre 2018, infligé une sanction financière d'un montant de 160 900 euros à la SARL Clinique de Champagne. Cette société fait appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement contesté que le tribunal administratif de Nancy s'est notamment fondé, pour rejeter la requête de la SARL Clinique de Champagne, sur le compte-rendu de la séance du 12 novembre 2018 de la commission de contrôle. Ce compte-rendu était joint au mémoire produit par l'agence régionale de santé du Grand Est le 28 février 2020. Toutefois, il ressort du dossier de première instance, ainsi que des captures d'écrans de l'application Télérecours versées tant par la société requérante que par l'agence régionale de santé du Grand Est que le tribunal n'a pas communiqué ce mémoire et sa pièce jointe à la SARL Clinique de Champagne. Les premiers juges ont ainsi méconnu le principe du contradictoire. Il s'ensuit que la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Clinique de Champagne devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur la légalité de la décision du 20 décembre 2018 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 162-23-13 du code de la sécurité sociale : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des articles L. 162-22-6 et L. 162-23-1, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. (...) / Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. (...) ". Aux termes de l'article R. 162-35 du même code : " La commission de contrôle mentionnée à l'article L. 162-23-13 est composée de deux collèges : / 1° Cinq représentants de l'agence régionale de santé, désignés par son directeur général ; / 2° Cinq représentants des caisses locales d'assurance maladie et du service médical, désignés par le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. (...) / Le président de la commission est désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé parmi les représentants de l'agence. Il a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. / La commission ne peut donner son avis que si au moins trois membres de chacun des deux collèges sont présents. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que la commission de contrôle ne peut valablement délibérer qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'agence régionale de santé et ceux des caisses locales d'assurance maladie et du service médical. Toutefois, si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition de la commission de contrôle, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants des deux collèges ne conditionne pas la régularité de la consultation de cette commission, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations de la commission à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Ainsi, alors au surplus qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis de cette commission du 12 novembre a été émis à la suite des votes de huit membres représentant de manière paritaire les deux collèges, le moyen doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la séance de la commission de contrôle du 12 novembre 2018 et de la feuille d'émargement qu'étaient présents à la séance quatre membres du collège de l'agence régionale de santé, quatre membres du collège des caisses locales d'assurance maladie et du service médical, ainsi que trois invités. Toutefois, les trois invités ont quitté la séance préalablement à l'audition de représentants de la SARL Clinique de Champagne et au délibéré, de sorte que leur présence initiale n'a pas eu d'influence sur le sens du vote de la commission. L'avis de cette commission a ainsi été émis à la suite des votes des huit membres présents, soit un nombre suffisant au regard des exigences liées au quorum. Par suite, les moyens tirés de la présence de membres tiers lors de la réunion de la commission de contrôle et de l'absence de quorum doivent être écartés.
7. En troisième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de mentionner l'identité et la qualité des membres présents dans l'avis motivé émis par la commission de contrôle. Par suite, cet avis, qui n'a pas à porter en lui-même la preuve de sa régularité, notamment au regard des exigences de quorum et de parité des membres, n'est pas entaché d'irrégularité.
8. En quatrième lieu, alors que, ainsi qu'il a été précisé en amont, la commission de contrôle était régulièrement composée et que la véracité des éléments présentés dans l'avis émis par cette commission n'est pas contestée, la seule circonstance que l'avis ait été signé par le président suppléant de la commission et non par son président n'a, en tout état de cause, pas exercé d'influence sur le sens de la décision et n'a privé la société Clinique de Champagne d'aucune garantie. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis émis par la commission de contrôle doit ainsi être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Clinique de Champagne n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est du 20 décembre 2018.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'agence régionale de santé du Grand Est, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et le surplus de la requête d'appel de la SARL Clinique de Champagne sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Clinique de Champagne et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé du Grand Est.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. MARCHAL
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC02126
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