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17/07/2023 | FRANCE | N°22NC02382

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 juillet 2023, 22NC02382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux année et l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Aube a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq

jours.

Par un jugement commun n° 2201859 et 2201860 du 17 août 2022, le magistrat désig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux année et l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Aube a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement commun n° 2201859 et 2201860 du 17 août 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Gaffuri demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux année et l'arrêté du même jour par lequel la préfète de l'Aube a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète de l'Aube n'a pas tenu compte des circonstances humanitaires propres à sa situation.

En ce qui concerne la décision l'assignant à résidence :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'obligation de se présenter au commissariat tous les lundis, mercredis, vendredis et samedi à 10h30 l'empêchera de suivre ses cours et de suivre normalement sa scolarité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de nationalité bangladaise né le 1er mars 2002 à Sylhet, déclare être entré en France le 23 juin 2015. Il a été interpellé le 24 août 2020 par la police nationale de Troyes sans être en mesure de justifier d'un titre de séjour. Le préfet de l'Aube a alors pris à son encontre le 25 août 2020 un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la présente cour le 25 novembre 2021. M. B... A... s'étant maintenu sur le territoire, il a de nouveau été interpellé le 8 août 2022 par les services de la police nationale pour des faits de conduite sans permis. Par deux arrêtés du 9 août 2022, la préfète de l'Aube l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux années et l'a assigné à résidence dans le département de l'Aube pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... A... fait appel du jugement du 17 août 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqué en première instance tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

4. Même si M. B... A..., entré en France en 2015, y poursuit des études qui se sont concrétisées par l'obtention du brevet en série générale le 10 juillet 2018, d'un brevet d'études professionnelles dans les métiers de l'électricité le 6 juillet 2020 et d'un baccalauréat professionnel le 13 septembre 2021 et que son comportement positif a été mis en valeur dans le cadre d'une cérémonie organisée par son lycée le 6 mai 2019, il ressort toutefois des pièces du dossier que ses parents se maintiennent irrégulièrement en France malgré le rejet de leur demande d'asile en dernier lieu le 12 décembre 2016 et les mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet le 27 janvier 2017 et le 25 août 2020 assorties d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, que son frère et ses sœurs sont également en situation irrégulière et qu'il est célibataire et sans enfant et na pas tissé de liens affectifs stables et intenses sur le territoire en dehors de ses liens familiaux. Il en résulte que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

6. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire, le préfet de l'Aube s'est fondé sur le délit de conduite sans permis que M. B... A... a lui-même reconnu dans son procès-verbal d'audition ainsi que sur les circonstances, qu'entré irrégulièrement en France en 2015, il n'a jamais cherché à régulariser sa situation même s'il a déclaré lors de son audition préparer une demande de titre de séjour étudiant et qu'enfin, il n'a pas exécuté la mesure d'éloignement du 25 août 2020. En outre, il a déclaré le 9 août 2022 vouloir rester toute sa vie en France et refuser de se soumettre à une éventuelle mesure d'éloignement. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation est écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Les dispositions de l'article L. 612-10 du même code ajoutent que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

8. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse à l'appui duquel il ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption de motifs retenus à bon droit par le premier juge.

9. En deuxième lieu, si M. B... A... soutient que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite, il ne conteste pas s'être défavorablement fait connaître des forces de l'ordre pour des faits de conduite sans permis qu'il a lui-même reconnus dans son procès-verbal d'audition du 8 août 2022. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit au points 4 et 6 du présent arrêt, il n'est pas fondé à soutenir que des circonstances humanitaires justifient que le préfet de l'Aube ne prononce pas, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français, ni que cette décision aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que la préfète de l'Aube l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux années.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. B... A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.

11. En deuxième lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen particulier de sa situation sans présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption de motifs retenus à bon droit par le premier juge.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai qui n'est pas entachée d'irrégularité ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans qui va interrompre sa scolarité en France. En tout état de cause, s'il soutient que l'obligation de se présenter tous les lundis, mercredis, vendredis et samedis à 10h30 au commissariat de Troyes l'empêche de suivre sa scolarité alors qu'il est inscrit en deuxième année de BTS, il ne produit aucune pièce, tel qu'un emploi du temps, de nature à établir que l'obligation contestée serait susceptible de lui faire manquer des enseignements. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02382
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-17;22nc02382 ?
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