Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a renouvelé l'assignation à résidence dont il faisait l'objet.
Par un jugement n° 2201616 du 16 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2023, M. A..., représenté par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3013 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que
- le jugement est irrégulier, le tribunal n'ayant répondu que partiellement au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin n'ayant pas démontré qu'il ne pouvait quitter immédiatement le territoire français et n'ayant effectué aucune démarche pour assurer l'exécution de l'arrêté de transfert.
Par des courriers des 31 mars et 3 avril 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la cour auprès de la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, aux fins d'obtenir des détails sur les diligences mises en œuvre pour exécuter la mesure de transfert.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que
- La requête, qui reproduit purement et simplement la demande de première instance, est irrecevable ;
- Les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 27 février 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant gambien, est entré sur le territoire français selon ses déclarations en février 2022 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Le 2 mars 2022, il a déposé une demande d'asile auprès du guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que M. A... avait préalablement sollicité l'asile auprès des autorités italiennes, allemandes et néerlandaises, celles-ci ont été saisies d'une demande de reprise en charge le 3 mars 2022. Les autorités italiennes et allemandes ont refusé de reprendre en charge l'intéressé respectivement par courriers du 14 et du 7 mars 2022. Le 15 mars 2022, les autorités néerlandaises ont fait connaître leur accord. Par un arrêté du 8 avril 2022, la préfète du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. A... aux autorités néerlandaises responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence. Par un arrêté du 12 mai 2022, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a modifié les lieux et les modalités d'application de la précédente mesure d'assignation à résidence en prévoyant notamment que l'intéressé serait assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle jusqu'au 9 juin 2022. Par un arrêté du 3 juin 2022, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a renouvelé l'arrêté portant assignation à résidence de M. A... avec obligation de présentation au commissariat de police de Mont-Saint-Martin les mardis et jeudis hors jours fériés à 9 heures. M. A... fait appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu de manière suffisante au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'omission à statuer doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...). En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. (...) ". L'article L. 752-4 du même code précise : " En cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2, les dispositions des articles L. 572-7, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 à L. 733-4 et L. 733-8 à L. 733-12 sont applicables. / Toutefois, pour l'application du second alinéa de l'article L. 732-3, l'assignation à résidence est renouvelable trois fois. (...) ". Selon l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". Il résulte des dispositions de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables en vertu de l'article L. 751-4 et de l'article L. 751-2 du même code, que l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une décision de transfert, qui ne peut excéder une durée initiale de quarante-cinq jours, est renouvelable trois fois, à chaque fois dans la même limite de durée.
4. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté du 3 juin 2022 qu'il renouvelle pour une nouvelle durée de quarante-cinq jours l'assignation à résidence prise à l'encontre de M A... par le précédent arrêté du 8 avril 2022. Par ailleurs, le préfet a affirmé dans son mémoire en défense de première instance, sans être contredit sur ce point, que l'arrêté du 8 avril 2022 indiquait que M. A..., qui est dépourvu de ressources, n'est pas en mesure d'acquérir les moyens financiers lui permettant de se rendre aux Pays-Bas. M. A... n'établit ni même n'allègue que sa situation financière aurait évolué dans l'intervalle. Dans ces conditions, la préfète doit être regardée comme ayant établi, contrairement aux affirmations de M. A..., qu'il ne pouvait quitter immédiatement le territoire français.
5. D'autre part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
6. Le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui a commencé à courir à compter du 15 mars 2022, date à laquelle les autorités néerlandaises ont notifié aux autorités françaises leur accord pour la reprise en charge de M. A..., expirait le 15 septembre 2022. A la date du 3 juin 2022 d'édiction de l'arrêté attaqué renouvelant l'assignation à résidence de M. A..., l'exécution de l'arrêté du 25 mars 2022 ordonnant son transfert vers les Pays-Bas demeurait ainsi une perspective raisonnable, et ce sans que la préfète ait à justifier des diligences qu'elle a pu accomplir dans l'intervalle pour exécuter ledit arrêté de transfert.
7. La préfète ayant ainsi démontré que M. A... ne pouvait quitter immédiatement le territoire français et l'exécution de l'arrêté de transfert demeurant une perspective raisonnable, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète du Bas-Rhin, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Kipffer.
Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le président,
Signé : A. LaubriatL'assesseure la plus ancienne,
Signé : M. Bourguet-Chassagnon
La greffière,
Signé : A. Bailly
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-Mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A. Bailly
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N° 23NC00916