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06/07/2023 | FRANCE | N°23NC00393

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 23NC00393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2202211 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, Mme A..., r

eprésentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2202211 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, Mme A..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de l'enjoindre à réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 4 novembre 1984 à Mannar (Sri-Lanka), déclare être arrivée en France le 23 mai 2014. Le 1er juillet 2014, elle a formé une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par la cour nationale de droit d'asile le 3 mai 2016. Le 20 juillet 2016, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le 4 août 2020, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour eu égard à sa situation familiale. Par arrêté du 16 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 décembre 2021.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, ni des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin, qui a examiné le droit au séjour de Mme A... sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée, au regard particulièrement de sa situation familiale ou des motifs exceptionnels qu'elle aurait pu faire valoir.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Si Mme A... est présente en France depuis près de sept ans à la date de la décision en litige, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français postérieurement à l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre le 20 juillet 2016 et n'a sollicité son admission au séjour qu'en août 2020. Les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En outre, pour apprécier l'atteinte à la vie privée et familiale, il y a lieu de prendre en considération la durée et l'intensité des liens familiaux dont la personne se prévaut. Si Mme A... fait état de la naissance de ses quatre enfants en France en 2016, 2017, 2019 et 2022 et de la scolarité de ses ainés, il est constant que le père des enfants, de nationalité sri-lankaise, réside et travaille en Suisse et qu'elle est logée chez la mère de ce dernier à Strasbourg. Il n'est pas établi, par les pièces versées au dossier, deux photos non datées, des attestations et témoignages non circonstanciés et des relevés de compte bancaire entre le 1er décembre 2021 et le 18 décembre 2022 de la permanence et de l'intensité des liens familiaux. De plus, Mme A... ne démontre pas être dépourvue d'attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où ses enfants pourraient poursuivre ou entamer leur scolarité. Enfin, en se bornant à fournir des attestions de cours de langue française, elle n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés. Par ailleurs, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

6. Il ressort de ce qui vient d'être dit au point 4 que la situation personnelle et familiale de Mme A... ne constitue pas une considération humanitaire et qu'elle ne justifie d'aucun motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.

7. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées au point 3, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si Mme A... fait valoir que ses trois ainées sont scolarisées, il n'est pas démontré qu'elles ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Sri Lanka. Par ailleurs, il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Sri Lanka, pays dont sont également ressortissant le père des enfants, cette décision qui n'implique en elle-même aucune séparation des enfants d'avec leurs parents ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que Mme A... n'établit pas l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, elle n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, Mme A... n'est pas fondée à soutenir ni que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., Me Perez et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00393
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;23nc00393 ?
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