Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin jusqu'à son départ du territoire français.
Par un jugement n° 2108912 du 6 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas demandé à être assigné à résidence sur le fondement de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par des courriers du 31 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur des moyens d'ordre public tirés, d'une part, de l'irrégularité du jugement de première instance en raison de l'incompétence de la magistrate désignée pour statuer sur un litige relevant de la formation collégiale et, d'autre part, de la méconnaissance du champ d'application de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les dispositions de cet article ne trouvent à s'appliquer que lorsque l'étranger, qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, a demandé à bénéficier d'une mesure d'assignation.
Un mémoire présenté par le préfet du Haut-Rhin a été enregistré le 13 juin 2023, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et d'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. B..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français le 14 septembre 2017. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le même préfet l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pendant une durée de trois mois et lui a fait obligation de se présenter les lundis à la direction départementale de la police aux frontières de Mulhouse. M. B... fait appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1o L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". L'article L. 732-4 du même code dispose : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. Toutefois, dans les cas prévus aux 2° et 5° du même article, elle ne peut être renouvelée que tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet du Haut-Rhin a assigné M. B... à résidence sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de mettre à exécution la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre du requérant le 30 avril 2021, confirmée par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 octobre 2022 et pour laquelle le délai de départ volontaire lui ayant été accordé était expiré.
4. Toutefois, si la circonstance que M. B... se trouvait dans la situation prévue au 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettait à l'intéressé de solliciter le bénéfice d'une assignation à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, elle ne permettait pas au préfet du Haut-Rhin de prendre l'initiative de l'assigner à résidence pendant une durée de trois mois renouvelable une fois dans l'attente de l'organisation de son départ. Dès lors, le préfet du Haut-Rhin, en faisant application de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a méconnu le champ d'application de cet article. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou de ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin jusqu'à son départ du territoire français.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique ni la délivrance d'un titre de séjour ni le réexamen de sa situation. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berry, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berry de la somme de 1500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2108912 du 6 janvier 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté en date du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a assigné M. B... à résidence sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Berry, avocat de M. B..., une somme de 1500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Berry renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Berry.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le président,
Signé : A. LaubriatL'assesseure la plus ancienne,
Signé : M. Bourguet-Chassagnon
La greffière,
Signé : A. Bailly
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A. Bailly
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N° 23NC00156