Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a renouvelé l'assignation à résidence dont il faisait l'objet.
Par un jugement n° 2201314 du 11 mai 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 013 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 janvier et 3 avril 2023, la préfète a informé la cour de ce que le transfert de M. B... n'ayant pas pu intervenir avant le 24 juin 2022, la décision de transfert était devenue sans objet et qu'il n'y avait dès lors plus lieu de statuer sur la requête.
Par un courrier en date du 31 mars 2023, une mesure d'instruction a été diligentée par la cour auprès de la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, aux fins d'obtenir des détails sur les diligences mises en oeuvre pour exécuter la mesure de transfert.
Par des mémoires enregistrés les 17 et 19 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration devrait, pour pouvoir renouveler l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, justifier de l'état d'avancement des diligences accomplies en vue d'exécuter cette mesure.
Par une ordonnance du 31 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2023.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 28 novembre 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 15 août 2021 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Le 24 août 2021, il a déposé une demande d'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que M. B... avait illégalement franchi les frontières italiennes dans les douze mois précédant l'introduction de sa première demande d'asile, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de prise en charge, à laquelle elles ont apporté une réponse favorable le 27 octobre 2021. Par un arrêté du 15 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. B... aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. Cette mesure a été renouvelée les 24 janvier et 15 mars 2022. Par un arrêté du 29 avril 2022, la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, a renouvelé pour la troisième fois l'arrêté portant assignation à résidence de M. B... avec obligation de présentation au commissariat de police de Mont-Saint-Martin les mardis et jeudis hors jours fériés à 9 heures. M. B... fait appel du jugement du 11 mai 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu :
2. Si l'arrêté en date du 15 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. B... aux autorités italiennes est devenu caduc du fait de l'expiration du délai de transfert, l'arrêté du 29 avril 2022 portant assignation à résidence de M. B..., qui est contesté dans le présent litige, a été entièrement exécuté. Il s'ensuit que les conclusions en annulation de la requête de M. B... dirigées contre cet arrêté ne sont pas dépourvues d'objet et que l'exception de non-lieu opposée par la préfète doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...). En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. (...) ". L'article L. 752-4 du même code précise : " En cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2, les dispositions des articles L. 572-7, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 à L. 733-4 et L. 733-8 à L. 733-12 sont applicables. / Toutefois, pour l'application du second alinéa de l'article L. 732-3, l'assignation à résidence est renouvelable trois fois. (...) ". Selon l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée ". Il résulte des dispositions de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables en vertu de l'article L. 751-4 et de l'article L. 751-2 du même code, que l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une décision de transfert, qui ne peut excéder une durée initiale de quarante-cinq jours, est renouvelable trois fois, à chaque fois dans la même limite de durée.
4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que pour assigner M. B... à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une nouvelle durée de quarante-cinq jours, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé les dispositions précitées de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que l'intéressé fait l'objet d'un arrêté portant transfert aux autorités italiennes pris le 15 novembre 2021, que l'assignation à résidence dont il fait l'objet se termine le 6 mai 2022, que son départ vers l'Italie n'a pu être organisé dans le temps de la deuxième assignation à résidence, que toutes les diligences sont en cours pour organiser ce départ et que ce faisant, la décision d'assignation à résidence doit être renouvelée pour une durée de quarante-cinq jours. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui le fondent et est, par suite suffisamment motivé.
5. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
6. L'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision.
7. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 24 décembre 2021 notifié à la préfecture le même jour, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le recours formé par M. B... contre l'arrêté du 15 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin avait prononcé son transfert aux autorités italiennes. Le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui a donc recommencé à courir intégralement à compter du 24 décembre 2021, expirait donc le 24 juin 2022, comme les autorités italiennes en ont été avisées le 27 décembre 2021. A la date du 29 avril 2022 d'édiction de l'arrêté attaqué renouvelant pour la troisième fois l'assignation à résidence de M. B..., l'exécution de l'arrêté du 15 novembre 2021 ordonnant son transfert vers l'Italie demeurait ainsi une perspective raisonnable, et ce sans que la préfète ait à justifier des diligences qu'elle a pu accomplir dans l'intervalle. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut dès lors qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Kipffer.
Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Laubriat, président,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le président,
Signé : A. LaubriatL'assesseure la plus ancienne,
Signé : M. Bourguet-Chassagnon
La greffière,
Signé : A. Bailly
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-Mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A. Bailly
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N° 22NC03253