La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22NC01163

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021, par lequel le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2200069 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. B..., représenté par Me Gaffuri, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021, par lequel le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2200069 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2022, M. B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 15 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle a méconnu les dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2022, le préfet de l'Aube, représenté par le cabinet Actis Avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien, né le 7 août 2001, entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 août 2017 selon ses déclarations, a été confié jusqu'à sa majorité aux services de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de l'Aube par décision du juge des enfants du 15 décembre 2017, pour la période du 3 octobre 2017 jusqu'au 7 août 2019. Le 26 octobre 2021, l'intéressé a entrepris ses premières démarches en vue de sa régularisation en demandant au préfet de l'Aube son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté en date du 15 décembre 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 1er avril 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision de refus de titre de séjour mentionne les textes dont il est fait application, en particulier les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir rappelé le parcours procédural de l'intéressé, le préfet indique que M. B... est célibataire et sans enfant, que s'il présente une demande d'autorisation de travail formulée par la SARL Bari pour un contrat d'apprentissage de 24 mois en qualité d'apprenti cuisinier, la durée de son séjour, l'absence d'expérience professionnelle de M. B... ainsi que la nature de son contrat de travail font obstacle à ce que sa demande soit regardée comme relevant d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a examiné d'office sa situation au regard de l'article L. 422-1 de ce code et a estimé qu'il ne remplissait pas les conditions permettant d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, compte tenu notamment des conditions de son séjour en France et de l'absence de revenus propres et de résidence stable. Le préfet a également refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 en soulignant que M. B... était célibataire, sans enfant, qu'il ne justifiait pas avoir tissé des liens personnels intenses et stables en France et ne démontrait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résidaient ses parents et ses deux frères et sœurs. Par suite, le refus de titre de séjour attaqué comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par ailleurs, le préfet de l'Aube a visé l'article L. 611-1, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et mentionne que l'intéressé ne relève d'aucun des cas prévus à l'article L. 611-3 de ce code. Le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient insuffisamment motivées doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l' article L. 431-5, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

6. M. B... soutient qu'il justifie de motifs d'admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il séjourne habituellement en France depuis l'âge de 16 ans, soit depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée, qu'il y a désormais le centre de ses intérêts personnels et familiaux du fait de sa relation avec son compagnon et qu'il est bien inséré professionnellement ainsi que le démontre la promesse d'embauche établie par la société Bari pour un contrat d'apprentissage en qualité de commis de cuisine.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France pendant les deux années qui ont suivi sa majorité avant d'entreprendre des démarches en vue de sa régularisation, qu'il est célibataire, sans charges de famille, qu'il continue à éprouver des difficultés dans la maîtrise de la langue française, qu'il n'apporte aucune précision ni aucune justification quant à la relation dont il se prévaut, alors qu'il ne conteste pas conserver des attaches familiales au Mali où résident ses parents et les deux membres de sa fratrie. Dès lors, le requérant ne démontre pas que sa situation personnelle serait de nature à caractériser l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ne peut qu'être écarté.

8. D'autre part, si l'investissement de M. B... dans la poursuite des formations qu'il a suivies est attesté tant par les relevés de notes que par les appréciations de ses professeurs et de la société qui l'a employé au cours de son apprentissage et s'il bénéficie d'une promesse d'embauche en contrat d'apprentissage pour une durée de vingt-quatre mois, ces circonstances ne suffisent pas, à elles seules, à établir l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en violation des dispositions précitées de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ".

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

10. Pour les motifs exposés au point 7 de la présente décision, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de l'Aube n'a, par suite, en prenant cette décision, pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui précède, que le préfet de l'Aube aurait, en rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. B... et en l'assortissant d'une obligation de quitter le territoire français, entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. En sixième et dernier lieu, pour les motifs précédemment exposés, le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. B... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2nd : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gaffuri.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC01163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01163
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc01163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award