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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC00236

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC00236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur sa demande du 17 août 2019 tendant au rétablissement des conditions matérielles d'accueil, et, d'autre part, la décision du 4 août 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a explicitement r

efusé de lui accorder le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur sa demande du 17 août 2019 tendant au rétablissement des conditions matérielles d'accueil, et, d'autre part, la décision du 4 août 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a explicitement refusé de lui accorder le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n°1908930-2006123 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 31 janvier 2022, 23 et 24 novembre 2022 et 10 mars 2023, M. A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 4 août 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui accorder le rétablissement des conditions matérielles d'accueil ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de le faire bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile pour la période du 4 janvier 2019 au 31 janvier 2021 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2400 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision du 4 août 2020 est entachée d'un défaut de motivation en droit, le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration ne pouvant la fonder sur les dispositions de l'article 20 de la directive Accueil n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- elle est dépourvue de base légale, l'article 20 de la directive 2013/33/UE ne pouvant être invoqué par les autorités de l'Etat contre un particulier. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne pouvait pas davantage se fonder sur les dispositions des articles L. 744-7, L. 744-8 et L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, il n'entre pas dans les catégories visées par les articles D. 744-37 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui concernent les décisions de refus ou de retrait de l'allocation pour demandeur d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne démontrant pas qu'il n'aurait pas respecté les obligations auxquelles il a consenti lors de l'acceptation de l'offre de prise en charge ;

- en application des articles R. 744-14 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 21 et 22 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013, l'OFII était tenu d'évaluer sa vulnérabilité au regard de sa pathologie psychiatrique, pathologie dont il a informé l'Office au moment de sa demande de rétablissement ; en opposant un refus à sa demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil sans tenir compte de sa vulnérabilité, le directeur général de l'OFII a entaché sa décision d'illégalité ;

- les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui le privent d'un niveau de vie digne, sont incompatibles avec les dispositions de l'article 20, paragraphe 5, de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 et 23 novembre 2022, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laubriat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant afghan, a déclaré être entré sur le territoire français le 13 février 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été enregistrée le 28 mars 2017 et placée en procédure dite Dublin. Le même jour, l'intéressé a accepté l'offre de prise en charge de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a ainsi pu bénéficier des conditions matérielles d'accueil. Par un arrêté du 17 mai 2017, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. A... en Norvège, pays responsable de l'examen de sa demande d'asile dès lors qu'il avait préalablement déposé une demande d'asile dans ce pays. Son transfert n'ayant pu intervenir dans un délai de six mois à compter de l'acceptation implicite de reprise en charge par la Norvège intervenue le 8 mai 2017, M. A... s'est présenté de nouveau à la préfecture en faisant valoir que la France était devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile. Sa demande d'asile a été enregistrée le 3 janvier 2019 et a été placée en procédure normale. Par un courrier réceptionné le 20 août 2019, M. A... a sollicité le rétablissement des conditions matérielles d'accueil, qui avaient été suspendues par une décision de l'OFII du 26 janvier 2018. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'OFII sur cette demande pendant plus de deux mois, avant que, par une décision du 4 août 2020, le directeur général de l'OFII refuse expressément le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. M. A... fait appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil du directeur général de l'OFII du 4 août 2020.

2. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ;(...) La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret ". Si les termes de cet article ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018. La situation de M. A..., qui a bénéficié des conditions matérielles d'accueil depuis mars 2017, reste ainsi régie par les dispositions de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015.

3. Il résulte des dispositions précédemment citées que les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'OFII après l'enregistrement de la demande d'asile auquel il est procédé en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l'évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n'emporte pas l'obligation pour l'Office de réexaminer, d'office et de plein droit, les conditions matérielles d'accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8 dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'OFII, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.

4. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée que pour opposer un refus à la demande de M. A... de rétablissement des conditions matérielles d'accueil, le directeur général de l'OFII, après avoir visé, outre l'article 20 point 1 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les articles L. 744-1, L. 744-6, L. 744-9 et D. 744-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, a indiqué que la délivrance à M. A... d'une nouvelle attestation de demande d'asile ne justifiait pas un rétablissement automatique de ses droits, et qu'après avoir procédé à un nouvel examen de sa situation, il apparaissait qu'il ne pouvait justifier le non-respect des obligations auxquelles il avait consenti lors de l'acceptation de l'offre de prise en charge de l'OFII. Le directeur général de l'OFII a notamment précisé que M. A... n'avait pas explicité les raisons pour lesquelles, entre le 21 décembre 2017 et le 3 janvier 2019, il n'avait pas fait procéder au renouvellement de son attestation de demande d'asile qui est une condition de droit au maintien sur le territoire et du versement de l'allocation pour demandeur d'asile. Enfin, le directeur général de l'OFII a indiqué que l'évaluation de la situation personnelle et familiale de M. A... ne faisait pas apparaitre de facteur particulier de vulnérabilité. La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de faits et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles " Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ", que l'OFII peut se prononcer sur une demande tendant à rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil d'un demandeur d'asile, et, le cas échéant, la rejeter. Par suite, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision de l'OFII refusant de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil n'est pas dépourvue de base légale.

6. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, l'OFII ne démontrant pas qu'il n'aurait pas respecté les obligations auxquelles il a consenti lors de l'acceptation de l'offre de prise en charge. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courrier du 11 août 2017 notifié le 18 août 2017, le préfet du Bas-Rhin a invité M. A... à organiser son départ pour la Norvège de sa propre initiative et lui a indiqué qu'il devait se présenter dans les 15 jours à l'unité d'éloignement de la police aux frontières de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim. Il est constant que M. A... n'a jamais déféré à cette invitation, sans justifier en aucune façon des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté l'obligation qui lui avait ainsi été faite et à laquelle il s'était engagé par avance à se conformer lorsqu'il a accepté le 28 mars 2017 les conditions mises à l'attribution des conditions matérielles d'accueil. Il ressort également des pièces du dossier que l'attestation de demande d'asile dont bénéficiait M. A... et qui conditionne, par application du 1° de l'article D. 744-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le versement de l'allocation pour demandeur d'asile est venue à expiration le 21 décembre 2017. M. A... fait valoir que, contrairement aux affirmations de l'office, il aurait bien sollicité le renouvellement de cette attestation et produit à l'appui de ses allégations ladite attestation sur laquelle il a été inscrit, de manière manuscrite, " Monsieur n'a pas pointé, il ne sera pas prolongé ". Il produit également les copies de courriers datés des 2 juin et 25 août 2017 qu'il dit avoir adressés à la préfecture et d'un courriel de son avocate du 28 février 2018. Ces différents documents ne sauraient toutefois suffire à justifier qu'il aurait effectivement sollicité le renouvellement de son attestation de demande d'asile. M. A... ne justifiant pas des raisons pour lesquelles d'une part, il n'a pas déféré à l'obligation de présentation auprès de l'unité d'éloignement de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, d'autre part il n'a pas fait renouveler son attestation de demandeur d'asile, l'OFII était par suite fondé à lui refuser pour ces motifs le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

7. En quatrième lieu, la faculté ouverte à l'OFII de retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil est subordonnée à un examen de la situation de l'intéressé afin en particulier de tenir compte de son éventuelle vulnérabilité. Il en va de même s'agissant de la décision par laquelle l'OFII est appelé à statuer, à la suite d'une telle suspension, sur une demande de rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

8. M. A... soutient qu'il souffre d'un syndrome anxio-dépressif qui nécessite une prise en charge médicale. Il produit à l'appui de ses allégations deux certificats médicaux datés des 16 février 2018 et 2 décembre 2019 mentionnant que son état de santé nécessite un suivi régulier. Il indique également avoir fait valoir au cours de la procédure de demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil qu'il souffrait de plusieurs maladies. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié le 3 août 2020 d'un entretien destiné à évaluer sa vulnérabilité. La fiche d'évaluation établie par l'OFII à l'issue de cette évaluation rapporte les propos de M. A... selon lesquels il n'aurait pas respecté ses obligations en tant que demandeur d'asile parce qu'il avait été malade et qu'il avait transmis un certificat médical pour en justifier. Il ne ressort toutefois pas de cette fiche d'évaluation qu'à la date de l'instruction de la demande présentée par M. A... de rétablissement des conditions matérielles d'accueil, il aurait fait état de problèmes de santé actuels. Ainsi, contrairement aux affirmations de M. A..., il ressort des pièces du dossier que l'Office français de l'immigration et de l'intégration a procédé à une appréciation de son état de vulnérabilité avant de décider de lui refuser le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Et il ne ressort pas de la fiche établie par l'OFII à la suite de l'évaluation de l'état de vulnérabilité de M. A... que cet état aurait justifié que l'OFII lui accorde le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

9. En cinquième lieu, M. A... soutient que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 20, paragraphe 5, de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en tant qu'elles n'imposent pas en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux et la garantie d'un niveau de vie digne.

10. Par sa décision n° 428530, 428564 du 31 juillet 2019, dont se prévaut le requérant, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que les dispositions des articles L. 744-7 et L.744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui créaient, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et excluaient, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, étaient incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il a, par suite, annulé les dispositions réglementaires prises pour leur application. Toutefois, le Conseil d'Etat a, par la décision du 23 décembre 2016, n°394819, jugé que les cas de suspension, de retrait et de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévus par les dispositions de l'article L. 744-8, issues de la loi du 29 juillet 2015 transposant en droit interne la directive précitée, correspondaient aux hypothèses fixées à l'article 20 de la directive 2013/33/UE dans lesquelles les Etats membres peuvent " limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ". Il a été par suite considéré que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, n'étaient pas incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la situation de M. A... reste régie par les dispositions de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entrées en vigueur au 1er janvier 2019, qui ne lui sont pas applicables, seraient incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE. En outre, s'agissant des dispositions applicables à la date de la décision attaquée, les dispositions de cet article L. 744-8, qui écartent toute automaticité de refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil et qui imposent un examen particulier de la situation du demandeur d'asile, en particulier de sa vulnérabilité, ne peuvent être regardées comme ayant procédé à une transposition incorrecte de la directive. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il a été fait application, seraient incompatibles avec l'article 20 de la directive 2013/33/UE.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peine ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. M. A... soutient qu'il est contraint de vivre dans la rue, que les services sociaux d'accueil sont débordés et que la décision litigieuse a pour effet de le maintenir dans une situation contraire aux stipulations précitées. Il produit à l'appui de ses allégations un article de presse daté du 2 juillet 2019 faisant état de l'accueil des migrants à Strasbourg. Il ressort de la fiche d'évaluation de vulnérabilité du 3 août 2020 signée par le requérant qu'il a déclaré être hébergé au 115, mais ne pas avoir de solution d'hébergement stable ni bénéficier d'aucune aide pour subvenir à ses besoins. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition légale que les décisions de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil feraient obstacle à l'accès aux autres dispositions prévus par le droit interne répondant aux prescriptions de l'article 20, paragraphe 5 de la directive du 26 juin 2013 précitée, si l'étranger en remplit par ailleurs les conditions, et notamment à l'application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles relatives à l'aide médicale de l'Etat ou de l'article L. 345-2-2 du même code relatives à l'hébergement d'urgence. En outre, l'article de presse qu'il produit ne permet pas à lui seul d'établir l'actualité et la réalité de ses craintes. Enfin, il bénéficie depuis le 4 décembre 2020 de la protection subsidiaire de l'Etat. Par suite, les éléments produits par M. A... ne permettent pas d'établir que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 août 2020 du directeur général de l'OFII. Ses conclusions à fin d'annulation doivent ainsi être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Chebbale

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

Le président,

Signé : A. Laubriat

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-Mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC00236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00236
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc00236 ?
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