La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°23NC00859

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 04 juillet 2023, 23NC00859


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... et Mme D... C..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation des arrêtés du 1er juin 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par deux jugements n° 2205568 et n° 2205567 du 25 octobre 2022, le tribunal adm

inistratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. P...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... et Mme D... C..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation des arrêtés du 1er juin 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par deux jugements n° 2205568 et n° 2205567 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023, sous le n° 23NC00859, M. A... B..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205568 du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 1er juin 2022 le concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de ses demandes d'admission au séjour ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel de la préfète du Bas-Rhin ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision en litige doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023, sous le n° 23NC00860, Mme D... C..., épouse B..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205567 du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 1er juin 2022 la concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de ses demandes d'admission au séjour ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel de la préfète du Bas-Rhin ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui pas défendu dans la présente instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC00859 et n° 23NC00860, présentées respectivement pour M. A... B... et pour Mme D... C..., épouse B..., concernent la situation d'un couple d'étrangers au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme B... sont des ressortissants albanais, nés respectivement le 8 janvier 1970 et le 18 mars 1975. Ils ont déclaré être entrés en France le 13 décembre 2016, accompagnés de leurs deux fils mineurs, nés les 17 juin 2006 et 12 mai 2010. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a successivement été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 avril 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 31 octobre 2017. Estimant que les intéressés ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir en France, le préfet du Bas-Rhin a pris à leur encontre, le 31 octobre 2017, une mesure d'éloignement à laquelle ils n'ont pas déféré. Le 2 février 2018, M. et Mme B... ont sollicité leur admission au séjour en raison de l'état de santé du plus jeune de leurs deux fils. Les arrêtés du préfet du 24 juillet 2018, qui rejettent ces demandes, ayant été annulés par un jugement n° 1806742 et 1806743 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 février 2020, les requérants ont, le 26 janvier 2021, présenté chacun une nouvelle demande de titre en qualité de parents étrangers d'un enfant mineur malade. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 avril 2021, la préfète du Bas-Rhin, par deux arrêtés du 1er juin 2022, a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme B... ont saisi chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er juin 2022. Ils relèvent appel des jugements n° 2205567 et n° 2205568 du 25 octobre 2022, qui rejette leur demande.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige se bornent à rejeter les demandes d'admission au séjour présentées par les requérants, le 26 janvier 2021, sur le fondement des dispositions désormais applicables de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité préfectorale d'instruire conjointement les demandes de titres de séjour dont elle est saisie, la circonstance que ces décisions ne se prononcent pas sur les demandes d'admission au séjour présentées par M. et Mme B..., le 17 février 2022, sur les fondements des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur ceux de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la circulaire du 18 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par les ressortissants étrangers et situation irrégulière, qui sont distinctes des précédentes, ni ne visent les textes en cause, n'est pas de nature à révéler un défaut de motivation et un défaut d'examen particulier de la situation personnelle des intéressés. Contrairement aux allégations des requérants, la circonstance que les décisions en litige soient assorties d'une obligation de quitter le territoire français n'implique pas que la préfète du Bas-Rhin aurait implicitement rejeté les demandes du 17 février 2022. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier ne peuvent qu'être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

7. Pour refuser d'admettre au séjour M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 avril 2021. Selon cet avis, si l'état de de santé du fils des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de l'Albanie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. et Mme B... font valoir que l'enfant, dont le taux d'incapacité est compris entre 50 et 80 %, présente une cécité partielle causée par une cataracte congénitale de l'œil gauche et un retard global de développement, caractérisé par des difficultés de langage et d'apprentissage, des troubles du comportement et un besoin d'accompagnement dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne. Toutefois, ils produisent seulement des rapports généraux sur la situation des enfants handicapés en Albanie et des certificats médicaux d'un médecin généraliste et de médecins spécialisés, qui se bornent à décrire les pathologies de cet enfant, les traitements mis en œuvre et les conditions de sa prise en charge. De tels documents, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Bas-Rhin sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et sur la capacité de l'intéressé à voyager sans risque. Par suite et alors qu'il n'est pas établi que l'enfant souffrirait d'un stress post-traumatique en lien avec des événements vécus en Albanie, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en tout état de cause, de l'article L. 425-9 de ce code doivent être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont arrivés en France, le 13 décembre 2016, à l'âge de quarante-six et de quarante-et-un ans. Ils ont fait l'objet chacun d'une mesure d'éloignement, le 31 octobre 2017, à laquelle ils n'ont pas déféré. En dehors de leurs deux fils mineurs, ils ne justifient d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire français. Ils n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine. Si les requérants se prévalent de l'état de santé de leur plus jeune fils, de la scolarisation de leurs deux enfants, de l'investissement bénévole de M. B... dans une association humanitaire et de leur maîtrise du français, de telles circonstances ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. et Mme B... seraient dans l'impossibilité de reconstituer, avec leurs deux enfants, leur cellule familiale en Albanie, ni que leur plus jeune fils ne pourrait y poursuivre une existence normale et y bénéficier d'une scolarité adaptée à son handicap. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. En quatrième et dernier lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées aux points 7 et 9 du présent arrêt, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, en refusant de les admettre au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce moyen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que les décisions en litige doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, de ce qu'elles méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, enfin, de ce qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. et de Mme B....

12. En deuxième lieu, les requérants ne sauraient utilement invoquer, pour contester la légalité des mesures d'éloignement prises à leur encontre, les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne le droit au séjour des étrangers. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

13. En troisième et dernier lieu, si M. et Mme B... font valoir qu'ils ont présenté, le 17 février 2022, une nouvelle demande de titre de séjour en se prévalant de leur vie privée et familiale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient fait valoir, au soutien de cette demande, des éléments nouveaux concernant leur situation, ni qu'ils pourraient prétendre, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 9 du présent arrêt, à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, en assortissant son refus d'admettre les intéressés au séjour en qualité de parents étrangers d'un enfant mineur malade d'une mesure d'éloignement, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché les décisions en litige d'un défaut d'examen particulier, d'un défaut de motivation ou d'une erreur de droit. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui précède, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 1er juin 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme D... C..., épouse B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°s 23NC00859 et 23NC00860 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00859
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;23nc00859 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award