Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le maire de la commune de Dannemarie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de déclarer Mme C... B..., épouse A..., démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale.
Par un jugement n° 2204061 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2022, et un mémoire, enregistré le 15 mai 2023, la commune de Dannemarie, représentée par Me Wahl, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204061 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2022 ;
2°) de déclarer Mme C... B..., épouse A..., démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application des dispositions de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, Mme A... doit être déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale, dès lors que, en s'abstenant de tenir le bureau de vote en qualité d'assesseure lors des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, elle a refusé, sans excuse valable, de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois ;
- en raison de ce refus, et malgré les diligences de la commune, le bureau de vote, lors du second tour des élections législatives, n'a été tenu que par un président et trois assesseurs, alors que la circulaire ministérielle n° 69-339 du 1er août 1969 prévoit que le bureau de vote doit normalement être composé d'un président et de quatre assesseurs ;
- ayant déjà été conseillère municipale de 2014 à 2020, Mme A... ne pouvait ignorer l'étendue de ses obligations et les règles applicables en cas de manquement à celles-ci ;
- son abstention peut être qualifiée de " persistante " au sens des dispositions du second alinéa de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, dès lors que, depuis l'élection du nouveau maire en 2020, Mme A..., qui fait partie de l'équipe municipale sortante, a refusé de siéger comme assesseure lors des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021 et des élections présidentielles des 10 et 24 avril 2022 ;
- l'exigence d'un " avertissement de l'autorité chargée de la convocation " doit être appréciée de façon souple et pragmatique.
Par un mémoire, enregistré le 27 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer indique que, aux fins de régularisation de la requête, il entend s'approprier les écritures de la commune de Dannemarie.
Par des mémoires en défense, enregistré les 9 et 22 mai 2023, Mme C... B..., épouse A..., représentée par Me Chamy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Dannemarie de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales ne sont pas réunies ;
- le maire de Dannemarie a eu recours à cette procédure dans le seul but de se débarrasser de son opposition municipale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Walter pour la commune de Dannemarie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., épouse A..., est conseillère municipale de Dannemarie (Haut-Rhin). En application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, le maire cette commune a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à ce qu'elle soit déclarée démissionnaire d'office de son mandat. La commune de Dannemarie relève appel du jugement n° 2204061 du 21 juillet 2022 qui rejette cette demande.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Lorsqu'il saisit le tribunal administratif d'une demande de démission d'office d'un membre du conseil municipal sur le fondement des articles L. 2121-5 et R. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, le maire agit en tant qu'autorité de l'Etat. Il en résulte que le ministre de l'intérieur et des outre-mer, représentant de l'État, a seul qualité pour faire appel devant la cour administrative d'appel. Ni le maire, ni, à plus forte raison, la commune de Dannemarie ne sont recevables à former un tel recours. Cette irrecevabilité a, toutefois, été couverte par le ministre de l'intérieur et des outre-mer qui, en s'appropriant les écritures de la commune dans son mémoire reçu le 27 février 2023, a régularisé la présente requête.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an. ". Aux termes de l'article R. 2121-5 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. / Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d'appel. / Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d'un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l'intéressé en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel. / La contestation est instruite et jugée sans frais par la cour administrative d'appel dans le délai de trois mois. ".
4. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 42 du code électoral : " Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 43 du même code : " Les bureaux de vote sont présidés par les maire, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 44 du même code : " Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. ".
5. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article R. 44 du code électoral que la fonction d'assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable. Peut, le cas échéant, être regardé comme excipant d'une telle excuse, pour l'application de ces dispositions, un conseiller municipal qui établit l'existence de manœuvres consistant en des décisions ou comportements d'un maire destinés à provoquer un refus de l'intéressé d'exercer ces fonctions, susceptible de le faire regarder comme s'étant de lui-même placé dans la situation où il peut être déclaré démissionnaire d'office.
6. Il résulte de l'instruction que Mme A... n'a pas donné suite au courriel du 3 juin 2022 par lequel le maire de Dannemarie a demandé à l'ensemble des conseillers municipaux de lui indiquer, par retour de courriel, dans quels créneaux ils assureront la permanence au bureau de vote en tant qu'assesseurs pour le premier et le second tour des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, et n'a pas assuré les fonctions en cause aux dates indiquées.
7. Il n'est pas contesté que l'intéressée n'a pas déclaré, de façon expresse ou publique, son refus de remplir lesdites fonctions. Elle n'a pas davantage été destinataire d'un avertissement du maire de Dannemarie l'informant des conséquences résultant de son abstention persistante. Dans ces conditions, alors même que Mme A... n'a pas cherché à justifier son absence, qu'elle a déjà été défaillante lors des élections départementales et régionales des 21 et 27 juin 2021 et des élections présidentielles des 10 et 24 avril 2022 et que, ayant été conseillère municipale de 2014 à 2020, elle ne pouvait ignorer l'étendue de ses obligations légales, elle ne saurait être regardée comme ayant refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois au sens des dispositions de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de déclarer Mme A... démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale.
Sur les frais de justice :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de rejeter les conclusions présentées par Mme A... en application de ces dispositions à l'encontre de la commune de Dannemarie.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... B..., épouse A....
Copie en sera adressée au maire de la commune de Dannemarie.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
-M. Wurtz, président,
- M. Meisse, premier conseiller ;
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC02186 2