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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC01627

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 juin 2023, 22NC01627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2201957 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 24 juin 2022, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2201957 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 23 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ainsi que, dans l'attente, de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer le caractère incomplet des pièces justificatives relatives à sa présence en France depuis 2012 sans lui demander préalablement de compléter son dossier en application de l'article L. 144-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen notamment car la préfète ne s'est pas prononcée de manière régulière sur sa demande d'admission exceptionnelle en qualité de salarié ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 26 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 9 septembre 2022.

La préfète du Bas-Rhin a produit un mémoire, enregistré le 31 janvier 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal ;

- et les observations de Me Airiau pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 10 mars 1985, est entré en France, selon ses déclarations, en 2012. Le 25 mars 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 23 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A... fait appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 février 2022 :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. M. A... a, par son courrier du 22 mars 2021, explicitement sollicité son admission au séjour à titre exceptionnel en raison de son activité professionnelle et précisait ainsi demander un titre de séjour portant la mention " salarié ". M. A... indiquait dans ce courrier qu'il justifiait de multiples expériences dans le secteur du bâtiment, qu'il avait d'ailleurs obtenu une habilitation spécifique lui permettant d'intervenir sur des installations électriques et qu'il disposait actuellement d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide crépisseur. Il était joint à ce courrier l'attestation d'habilitation spécifique, l'actuel contrat de travail de l'intéressé, une demande d'autorisation de travail remplie par son employeur et des justificatifs de ses précédentes expériences professionnelles. Pour autant, la préfète s'est bornée, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, à souligner que les emplois qu'il a pu exercer préalablement ne nécessitaient pas une qualification particulière et que M. A... a travaillé sans y être autorisé. La préfète, qui n'a fait aucune référence au contrat de travail dont bénéficiait alors le requérant, ne s'est ainsi notamment pas prononcée sur les caractéristiques de l'emploi que M. A... occupait et n'a pas plus fait mention de ses qualifications, de son expérience dans le secteur du bâtiment et de ses éventuels diplômes. Par suite, la préfète du Bas-Rhin a insuffisamment motivé la décision litigieuse. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour opposée à M. A... doit être annulée. Par voie de conséquence, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent elles aussi être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. A..., que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 février 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Le motif d'annulation n'implique pas nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à M. A... un titre de séjour, mais seulement que cette autorité réexamine sa demande. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, en raison de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, la préfète délivrera sans délai à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 23 février 2022 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Airiau en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC01627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01627
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc01627 ?
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