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22/06/2023 | FRANCE | N°21NC02299

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 21NC02299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EFS France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2011, le 30 septembre 2012 et le 30 septembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807093 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2021 et le 24 janvier 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) EFS France a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 2011, le 30 septembre 2012 et le 30 septembre 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807093 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2021 et le 24 janvier 2022, l'EURL EFS France, représentée par Me Heckel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dans la mesure où la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'est pas prononcée sur le litige en méconnaissance du 2° du I. de l'article L. 59A du livre des procédures fiscales ;

- elle entre dans le champ de l'article 44 octies A du code général des impôts dans la mesure où elle exerce une activité sédentaire et dispose d'un local professionnel qu'elle exploite dans une zone franche urbaine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL EFS France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL EFS France, dont M. A... est l'associé unique et le gérant, a été créée le 25 janvier 2010. Ses locaux ont été situés à deux adresses successives situées en zone franche urbaine d'abord à Mulhouse du 1er octobre 2010 au 29 février 2012 puis à Didenheim (Haut-Rhin) à compter du 1er mars 2012. L' EURL EFS France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle, en suivant la procédure de rectification contradictoire, le service a remis en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés en faveur des entreprises implanté en zone franche urbaine sous lequel s'était placée la société. Ainsi, par propositions de rectification du 18 décembre 2014 pour l'année 2011 et du 25 mars 2015 pour les années 2012 et 2013, l'administration lui a notifié des rappels d'impôt sur les sociétés pour un montant total de 97 826 euros. L'EURL EFS France relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre: " I. - La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / (...) 2o Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; (...) ". Aux termes de l'article L. 192 de ce livre : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. ".

3. Le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts à laquelle le désaccord opposant le contribuable à l'administration est soumis ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par ce même article L. 192. Ainsi lorsque la commission, régulièrement saisie par l'administration, se déclare incompétente et se méprend de la sorte sur l'étendue du domaine d'intervention que lui attribuent notamment les dispositions de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission. Il suit de là que le moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition et tiré de ce que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée à tort incompétente doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa version applicable aux années en litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. ".

5. En adoptant le premier alinéa, cité au point 2, de l'article L 192 du livre des procédures fiscales, selon lequel lorsque la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis de la commission, le législateur n'a pas entendu déroger aux principes généraux gouvernant l'attribution de la charge de la preuve. Par suite, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient l'EURL EFS France, pour l'application de l'article 44 A octies du code général des impôts et sans qu'y fasse obstacle l'avis du 15 avril 2016 de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est déclarée incompétente s'agissant du bénéfice de l'exonération, de faire peser la charge de la preuve sur l'administration.

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt contesté ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. L'implantation d'une activité en zone franche urbaine s'apprécie, pour le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, au regard de tous éléments pertinents, notamment de la situation des locaux et des moyens d'exploitation utiles à cette activité et de son lieu d'exercice effectif.

7. En l'espèce, l'EURL EFS France soutient que son activité d'expertise comptable et de commissaire aux comptes est majoritairement sédentaire et qu'elle réalise cette activité avec l'aide d'une employée dans un local professionnel situé en zone franche urbaine.

8. D'une part, s'agissant du local professionnel, l'EURL EFS France soutient avoir bénéficié à titre gracieux entre le 7 décembre 2009 et le 29 février 2012 d'un local en zone franche urbaine à Mulhouse avant de disposer d'un bail pour un local à Didenheim également en zone franche urbaine à compter du 1er mars 2012. S'il résulte de l'instruction et notamment d'un constat d'huissier établi le 11 septembre 2017, soit postérieurement aux opérations de contrôle, que le local à Didenheim est meublé et dispose d'une imprimante gros volume acquise le 21 mai 2010 et deux ordinateurs fixes acquis le 5 février 2011, il n'en demeure pas moins que l'EURL EFS France ne dispose pas de factures d'électricité pour le local sis à Mulhouse pour l'exercice clos en 2011 et pour les exercices suivants, les factures sont établies au prorata de la surface du local loué à Didenheim et non en fonction de la consommation réelle de la société. De la même manière, l'abonnement téléphonique de la société, dont elle ne dispose que pour le local sis à Didenheim pour les exercices clos en 2012 et 2013, ne permet pas d'établir la réalité de son activité dès lors qu'il s'agit d'un abonnement illimité et que le détail des appels émis depuis le local professionnel n'a pas été communiqué. Par ailleurs, les factures dont se prévaut l'EURL EFS France relatives notamment à des fournitures de bureau et à de la documentation professionnelle ont été majoritairement établies au nom de M. A..., gérant et associé unique de la société et ont pu être également utilisées par lui dans le cadre de son activité indépendante de commissaire aux comptes qu'il effectuait à son domicile depuis le 15 janvier 2010 dans la mesure où il disposait également de matériel numérique nomade, à savoir un ordinateur portable. Elles ne permettent donc pas d'établir la réalité d'une activité au sein du local professionnel. De même, l'achat d'un logiciel de comptabilité ne permet pas d'établir l'existence d'une activité dans ces locaux dès lors qu'un tel logiciel pouvait également être utilisé par M. A... à son domicile avec son ordinateur portable. En outre, l'administration souligne que le local professionnel de l'EURL EFS France à Didenheim est partagé avec un cabinet comptable qui dispose d'un accueil permanent aux heures du bureau et peut ainsi réceptionner le courrier en l'absence de M. A... dans ses locaux. Enfin, la circonstance que l'EURL ait réglée la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013 n'est pas non plus de nature à prouver la réalité d'une activité dans ce local. Dans ces conditions, le caractère effectif d'une activité au sein d'un local professionnel à Mulhouse au titre de l'exercice 2011 et jusqu'au 29 février 2012 et à Didenheim pour les exercices 2012 et 2013 en zone franche urbaine n'est pas démontré.

9. D'autre part, en ce qui concerne la nature de l'activité exercée, l'EURL EFS France soutient que son activité d'expertise comptable est réalisée entièrement dans son local professionnel tandis que son activité de commissaire aux comptes, effectuée par son gérant, M. A..., dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, s'y déroule majoritairement s'agissant de la préparation de la mission et de la rédaction du rapport. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A... qui exerce, ainsi qu'il a été dit, une activité indépendante de commissaire aux comptes dispose bien, contrairement aux allégations de la société requérante, d'un local professionnel à son domicile et il n'est pas démontré qu'il ne pourrait pas également y réaliser son activité de commissaire aux comptes en sous-traitance pour l'EURL EFS France. En outre, pour l'exercice clos en 2011, il résulte de l'instruction que 70 % de son temps de travail était consacré à des temps de déplacement hors zone franche urbaine, tandis que pour les exercices clos en 2012 et 2013, les charges déduites en raison des déplacements étaient en forte augmentation, 94 % des clients de l'EURL EFS France se situant hors zone franche urbaine. S'il est produit en première instance un certain nombre d'attestations de clients justifiant que M. A... ne se rend qu'épisodiquement dans leurs locaux et que ces derniers se déplacent également dans les locaux de l'EURL EFS France, ces attestations établies postérieurement à la période vérifiée et pour les besoins de la cause ne sont pas exhaustives et ne permettent pas à elles seules de démontrer le caractère sédentaire de l'activité. De plus, si M. A... allègue que ses déplacements ne duraient que quelques heures et qu'il continuait ensuite sa journée de travail dans le local professionnel de l'EURL EFS France, les pièces versées au dossier en première instance ne permettent pas de l'établir. Ainsi, la présence physique de M. A... dans le local professionnel de l'EURL EFS France n'est pas établie à une fréquence et pour des durées caractérisant une activité sédentaire. Dans ces conditions, le caractère sédentaire de l'activité n'est pas non plus établi.

10. A titre subsidiaire, à supposer même que son activité ne soit pas sédentaire, l'EURL EFS France soutient avoir employé pendant la période contrôlée une salariée via une société de travail temporaire du 17 janvier au 29 février 2012 à Mulhouse et du 1er mars 2012 au 24 mars 2016 à Didenheim. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette employée n'a pas travaillé à temps plein pour la société durant cette période. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, 94 % de la clientèle de l'EUR EFS France se situait hors de la zone franche urbaine. Par suite, il n'est pas démontré que l'EURL EFS France ait réalisé 25 % de son chiffre annuel total dans la zone franche urbaine. Dans la mesure où ni la condition d'emploi d'au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ni celle de la réalisation d'au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines n'est remplie, l'EURL EFS France ne peut bénéficier du droit à exonération ouvert aux contribuables, dont l'activité, non sédentaire, est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines.

11. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et sans que la société requérante puisse utilement invoquer dans le cadre du présent litige relative à l'imposition des bénéfices sa situation au regard de la cotisation foncière des entreprises, imposition distincte, que les bénéfices réalisés par l'EURL EFS France, au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ne pouvaient être regardés comme provenant d'une activité implantée en zone franche urbaine, au sens des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL EFS France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL EFS France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL EFS France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02299
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : HECKEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;21nc02299 ?
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