La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°21NC01551

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 21NC01551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 90 104 euros qui lui a été réclamée au terme d'un avis à tiers détenteur du 13 mai 2019.

Par un jugement n° 2000390 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021 et un mémoire enregistré le 10 mai 2022, le ministre de l'économie,

des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 90 104 euros qui lui a été réclamée au terme d'un avis à tiers détenteur du 13 mai 2019.

Par un jugement n° 2000390 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2021 et un mémoire enregistré le 10 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rétablir la saisie à tiers détenteur du 16 mai 2019 et de remettre à la charge de M. B... la somme de 90 104 euros.

Il soutient que :

- le contribuable ayant réclamé le 14 mai 2009 contre les impositions mises en recouvrement le 29 octobre 2008 et le 31 décembre 2008, et ayant sollicité le sursis de paiement de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le recouvrement s'en est trouvé suspendu de plein droit à cette date alors même que les garanties présentées par M. B... en réponse à la demande du comptable ont été refusées ; l'exigibilité de la créance et en conséquence la prescription de l'action en recouvrement s'en sont également trouvées suspendues ; cette suspension n'a pris fin que le 2 mai 2012 lorsque le tribunal administratif de Nancy a rejeté la requête de M. B... tendant à la décharge des impositions ;

- les poursuites ont repris à compter du 2 mai 2012 par la notification d'une mise en demeure de payer le 11 janvier 2013, d'un avis à tiers détenteur du 18 avril 2013, d'un procès-verbal de carence du 14 juin 2016, d'une mise en demeure de payer du 14 décembre 2018 et d'une saisie à tiers détenteur du 13 mai 2019 ;

- il en résulte que l'action en recouvrement n'était pas prescrite à la date de l'acte de saisie du 13 mai 2019.

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2022, M. A... B..., représenté par Me Cuitot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par l'administration n'est fondé.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 janvier 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Me Cuitot a adressé à la cour une note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2023, non communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a formé opposition le 17 juillet 2019 à un acte de saisie à tiers détenteurs émis le 13 mai 2019, notifié le 16 mai 2019 par le pôle recouvrement spécialisé de la Haute-Marne, afin d'avoir paiement d'une somme de 90 104,04 euros pour solde de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre de l'année 2005. Le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Marne a rejeté cette réclamation le 19 septembre 2019. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet acte de saisie et a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme qui lui avait été réclamée.

2. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ". Aux termes de l'article L. 275 du même livre : " La notification d'un avis de mise en recouvrement interrompt la prescription courant contre l'administration et y substitue la prescription quadriennale. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa est interrompu dans les conditions indiquées à l'article L. 274 ". Le délai de prescription est également interrompu dans les conditions de droit commun fixées par le code civil. L'article 2244 de ce code prévoit que le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

3. L'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent./Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés./A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés ". Il résulte de ces dispositions et de celles, citées au point précédent, que le sursis de paiement, en ce qu'il entraîne la suspension de l'exigibilité des impositions en litige, fait obstacle à ce que ces dernières soient recouvrées. Il s'ensuit que ce sursis de paiement entraîne la suspension du délai de prescription de l'action en recouvrement pour tous les débiteurs de l'imposition jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation afférente soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. La circonstance que le contribuable n'a pas constitué les garanties demandées par le comptable chargé du recouvrement ou qu'elles ont été refusée par lui n'a pas pour effet de rendre à nouveau exigibles les impositions contestées mais a seulement pour effet d'autoriser l'administration à prendre des mesures conservatoires.

4. L'administration justifie, pour la première fois en appel, que la réclamation d'assiette du 14 mai 2009 par laquelle M. B... a demandé le dégrèvement des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui avaient été assignés au titre de l'année 2005 comportait une demande de sursis de paiement. En vertu des règles ci-dessus rappelées, l'exigibilité des impositions litigieuses s'est trouvée suspendue et elle l'est restée jusqu'au 2 mai 2012, date à laquelle le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B... tendant à leur décharge. A compter de cette date, l'administration justifie avoir notifié à M. B..., qui en a à chaque fois accusé personnellement réception, un avis à tiers détenteurs du 18 avril 2013, un procès-verbal de carence du 14 juin 2016, une mise en demeure de payer du 14 décembre 2018 et enfin la saisie à tiers détenteur du 13 mai 2019. La circonstance que certains de ces actes auraient été expédiés à une adresse erronée demeure sans incidence sur leur caractère interruptif du délai de prescription dès lors que M. B... en a accusé réception en personne. La circonstance que l'administration ne justifie pas que la mise en demeure du 11 janvier 2013 a bien été réceptionnée par M. B... est sans incidence sur la prescription de l'action en recouvrement compte tenu des autres actes de poursuites régulièrement notifiés. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'action en recouvrement forcé de l'impôt engagée par l'administration était prescrite lorsque l'acte de saisie du 13 mai 2019 lui a été notifié le 16 mai suivant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé des finances publiques est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande de M. B... et à en demander l'annulation. L'annulation du jugement ainsi prononcée a nécessairement pour effet de rétablir l'obligation de payer la somme mentionnée dans l'acte de saisie à tiers détenteur du 16 mai 2019. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 2000390 du 15 avril 2021 est annulé.

Article 2 : L'obligation de payer la somme de 90 104,04 euros mentionnée dans l'acte de saisie à tiers détenteur du 16 mai 2019 est remise à la charge de M. B....

Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Me Cuitot et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 21NC01551

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01551
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CTB AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;21nc01551 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award