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21/06/2023 | FRANCE | N°23NC00509

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juin 2023, 23NC00509


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... et Mme C... E... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, les arrêtés notifiés le 11 janvier 2023 portant assignation à résidence.

Par un jugement nos 2300150, 23

00183, 2300282 et 2300283 du 13 février 2023, la magistrate désignée par le président...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... A... et Mme C... E... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, chacun en ce qui le concerne, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, les arrêtés notifiés le 11 janvier 2023 portant assignation à résidence.

Par un jugement nos 2300150, 2300183, 2300282 et 2300283 du 13 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions présentées aux fins d'annulation de la décision du 30 juin 2022 portant refus de titre de séjour, a admis M. et Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les arrêtés notifiés le 11 janvier 2023 portant assignation à résidence et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédures devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 16 février 2023 sous le numéro 23NC00509, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2300150, 2300183, 2300282 et 2300283 du 13 février 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant que celle-ci a annulé les arrêtés, notifiés le 11 janvier 2023, portant assignation à résidence de M. et Mme A... ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de ces arrêtés portant assignation à résidence.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge, pour annuler les arrêtés portant assignation à résidence, s'est fondé sur la circonstance qu'elle ne démontrait pas, qu'à la date où ils ont été édictées le délai de départ volontaire accordé à M. et Mme A... était expiré, ni que leur éloignement demeurait une perspective raisonnable :

. à la date de la notification le 11 janvier 2023 des arrêtés litigieux, le délai de départ volontaire de trente jours qui avait été accordé à M. et à Mme A... dans ses arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et notifiés le 6 juillet 2022, était échu ;

. c'est à la date de la notification de ces arrêtés qu'il convient d'apprécier leur légalité ;

. la circonstance qu'elle n'ait pas mentionné dans ces arrêtés d'assignation à résidence l'existence de recours contre les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français est sans incidence sur leur légalité ;

. leur éloignement vers le Kosovo demeurait une perspective raisonnable ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme A... ne sont pas fondés :

. l'auteur des actes est compétent ;

. le délai de départ volontaire accordé à M. et à Mme A... le 30 juin 2022 et notifié le 6 juillet 2022 était nécessairement expiré au 11 janvier 2023 ;

. les arrêts litigieux ne méconnaissent pas l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. ils ne sont pas entachés d'un défaut de motivation, ni d'un défaut d'examen réel et sérieux de leur situation ;

. ils ne sont pas entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'opportunité d'édicter ces mesures d'assignation à résidence et du caractère raisonnable de la perspective d'éloignement ;

. aucune disposition, et notamment l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne fait obstacle à la prise d'une assignation à résidence quand un recours a été formé contre une décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2023, M. A..., représenté par Me Elsaesser, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que ses conclusions en appel formées contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg nos 2300283-2300150 en ce qu'il rejette le surplus des conclusions dans son article 4 soient réservées à une date ultérieure dans l'attente de la notification de la décision d'aide juridictionnelle et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête d'appel de la préfète est irrecevable en l'absence d'une motivation distincte de celle de première instance et de moyens dirigés expressément contre le jugement ;

- les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés ;

. contrairement à ce qu'elle soutient, la légalité des assignations à résidence s'apprécie à la date de leur édiction et non à la date de leur notification ;

. l'absence de la mention, dans l'arrêté portant assignation à résidence, de ce qu'il a introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, démontre l'absence d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

. la préfète n'apporte aucun élément permettant d'établir que la date d'édiction de l'arrêté portant assignation à résidence était ultérieure au délai de trente jours qui lui avait été accordé par l'obligation de quitter le territoire français pour quitter le territoire français ; la préfète reconnait elle-même ne pas connaitre la date de son édiction ;

. faute d'expiration du délai de départ volontaire, à compter de la date de notification de l'arrêté préfectoral portant refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement avec délai de départ volontaire, l'arrêté en litige est illégal car il ne peut être édicté sans méconnaître les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son alinéa 1er ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et est insuffisamment motivé.

Par une ordonnance du 15 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 avril 2023 à midi.

Un mémoire pour M. A... a été enregistré le 25 mai 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

II/ Par une requête enregistrée le 16 février 2023 sous le numéro 23NC00512, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 13 février 2023 en tant que celui-ci a annulé ses deux arrêtés d'assignation à résidence pris à l'encontre de M. et Mme A....

Elle soutient que :

- il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- c'est à tort que le premier juge, pour annuler les arrêtés portant assignation à résidence, s'est fondé sur la circonstance qu'elle ne démontrait pas, qu'à la date où ils ont été édictés, que le délai de départ volontaire accordé à M. et Mme A... était expiré, ni que leur éloignement demeurait une perspective raisonnable ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

M. et Mme A..., à qui la procédure a été communiquée, n'ont pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2023 à midi.

M. et Mme A... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale pour ces deux requêtes par quatre décisions du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme E... épouse A..., ressortissants kosovars âgés respectivement de 50 et 47 ans, sont entrés en France le 2 mars 2016, accompagnés de leurs enfants, aux fins d'y solliciter l'asile. Leurs demandes ont fait l'objet de décisions de rejet devenues définitives et, par des arrêtés du 25 octobre 2017, il leur a été fait obligation de quitter le territoire français. Ils ont alors présenté des demandes de réexamen au titre de l'asile, qui ont été rejetées. Le 5 juillet 2018, ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de la vie privée et familiale et au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par des arrêtés du 25 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Mme A..., qui avait présenté une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé, a vu cette demande également refusée. Le 6 avril 2021, les requérants ont renouvelé leur demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 30 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance des titres sollicités et leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Par des arrêtés notifiés le 11 janvier 2023, la préfète a assigné M. et Mme A... à résidence. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'ensemble de ces décisions. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 13 février 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant uniquement que celui-ci a annulé ses arrêtés portant assignation à résidence et demande, dans cette mesure, le sursis à exécution de ce jugement. Le présent arrêt ne porte ainsi que sur les assignations à résidence.

Sur la requête n° 23NC00509 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) / L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article. ".

3. D'autre part, la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... se sont vu refuser la délivrance d'un titre de séjour et que la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours par deux arrêtés du 30 juin 2022, notifiés le 6 juillet 2022. A une date inconnue, la préfète du Bas-Rhin a pris à leur encontre les arrêtés litigieux portant assignation à résidence et notifiés le 11 janvier 2023.

5. Alors que ces arrêtés ne mentionnent pas la date de leur édiction et que la préfète du Bas-Rhin est dans l'incapacité de préciser cette date, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle ces arrêtés ont été pris, le délai de départ volontaire de trente jours qui avait été accordé à M. et Mme A... par des décisions du 30 juin 2022 était expiré, ni que leur éloignement demeurait une perspective raisonnable.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. A..., que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué du 13 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, a annulé les arrêtés portant assignation à résidence.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... et Mme A..., ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, leur avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par suite, sous réserve de la renonciation de Me Elsaesser au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de M. et Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais que ces derniers aurait exposés dans la présente instance d'appel s'ils n'avaient pas été admis à l'aide juridictionnelle.

Sur la requête n° 23NC00512 :

8. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de la préfète du Bas-Rhin contre le jugement du 13 février 2023. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la préfète du Bas-Rhin visée sous le numéro 23NC00512.

Article 2 : La requête enregistrée sous le numéro 23NC00509 de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Elsaesser la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation par celle-ci au bénéfice de la contribution de l'Etat à l'aide juridique.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... E... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elsaesser.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

Nos 23NC00509, 23NC00512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00509
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-21;23nc00509 ?
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