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21/06/2023 | FRANCE | N°23NC00437

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juin 2023, 23NC00437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par une ordonnance n° 2200345 du 14 mars 2022, le président du tr

ibunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par une ordonnance n° 2200345 du 14 mars 2022, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2023, M. A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Besançon du 14 mars 2022 ;

et à titre principal,

2°) de renvoyer l'affaire devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin, avocate de M. A..., de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

à titre subsidiaire, par la voie de l'évocation,

4°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2021 pris à son encontre ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de cette délivrance, un récépissé avec droit au travail dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

6°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin, avocate de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande de première instance comme étant tardive dès lors qu'il justifie avoir sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans le délai de recours contentieux de trente jours, ce qui a eu pour effet d'interrompre ce délai ;

s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- le tribunal administratif n'a pas sollicité la communication de son dossier médical auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- il appartient à la cour de solliciter la communication dudit dossier ;

- l'absence de production de l'ensemble des éléments sur lesquels l'OFII a fondé son avis est constitutive d'une violation du principe du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète s'est crue à tort liée par l'avis de l'OFII ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son intégration sur le territoire ;

s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elles méconnaissent les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, le préfet de la Haute-Saône, conclut au rejet de la requête et en cas d'annulation à ce que les frais irrépétibles soient limités à 300 euros.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... fait appel de l'ordonnance du 14 mars 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande au motif de sa tardiveté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir le délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. " Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 (...) ; / 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 69 de ce même décret : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocations à contester une telle décision.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 7 juillet 2021 portant obligation de quitter le territoire, prise sur le fondement du 3°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec délai de départ volontaire et interdiction de retour, a été notifié à M. A... le 12 août 2021, en main propre. Il comportait la mention des voies et délais de recours. M. A... produit un bordereau de télécopie qui atteste que 18 pages de télécopie ont été réceptionnées par le greffe du tribunal administratif de Besançon le 17 aout 2021, soit dans le délai de recours contentieux de trente jours. Si ce bordereau ne contient aucune information sur son contenu, un courriel a été envoyé au greffe de ce même tribunal le 21 janvier 2022 dans lequel il est indiqué que la demande d'aide juridictionnelle de M. B... A..., " faxée le 17 août 2021 " concernant un recours contre une obligation de quitter le territoire et une interdiction de retour est envoyée. Les termes de ce courriel permettent de regarder le requérant comme justifiant de l'envoi au greffe du tribunal administratif de Besançon d'une demande d'aide juridictionnelle le 17 août 2021, soit dans le délai de recours contentieux. Conformément au principe rappelé au point précédent, le délai de recours contentieux d'un mois n'a recommencé à courir, dans son intégralité, qu'à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle. Or, il ressort des pièces du dossier que la décision accordant à M. A... l'aide juridictionnelle a été notifiée à l'intéressé le 1er février 2022. Dans ces conditions, la demande de M. A..., enregistrée le 2 mars 2022, n'était pas tardive. Par suite, en jugeant que la demande de M. A... était tardive, le président du tribunal administratif de Besançon a entaché son ordonnance d'irrégularité.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance contestée. Dans les circonstances de l'espèce et comme le demande à titre principal, M. A..., il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Besançon pour qu'il statue sur la demande de l'intéressé.

Sur les frais de l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme qu'elle demande en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2200345 du 14 mars 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Besançon.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bertin.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, présidente assesseure,

- M. Arthur Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : V. Ghisu-Deparis

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. Roussaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC00437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00437
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-21;23nc00437 ?
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