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21/06/2023 | FRANCE | N°23NC00413

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juin 2023, 23NC00413


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2202979 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meur

the-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2202979 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et enfin a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, sous le n° 23NC00413, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2023 dans toutes ces dispositions, y compris financières ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que tribunal administratif a retenu la méconnaissance de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C... sur le fondement de cet article car :

. il ne justifie pas avoir transféré l'ensemble de ses centres d'intérêts personnels et familiaux en France compte tenu de la présence de son épouse, avec laquelle il a contracté un mariage coutumier, et de ses trois enfants dans son pays d'origine ; c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que les trois enfants n'étaient pas les siens alors qu'il avait produit en première instance une décision du tribunal pour enfants de B... datée du 17 juillet 2018 reconnaissant les liens parentaux ;

. il ne dispose d'aucune autonomie financière en France car ses conditions d'existence dépendent des ressources du père de sa partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) contracté le 6 juillet 2021 ;

. il ne démontre aucune intégration particulière au sein de la société française ;

. il ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine, ni même de demander, à son retour dans son pays d'origine, un visa adapté à sa situation en France ;

- si la cour devait annuler le jugement, les autres moyens développés en première instance par M. C... contre la décision du 24 mai 2022 ne sont en tout état de cause pas fondés car :

. l'auteur de l'acte litigieux est compétent ;

. la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur de fait , ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;

. la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est également entachée d'aucune illégalité et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. la décision fixant le pays de renvoi litigieuse n'est également entachée d'aucune illégalité ; elle est motivée et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mars 2023, M. C..., représenté par Me Jeannot, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

- à titre très subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

- en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 24 mai 2022 méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car :

. il a transféré de manière stable et durable le centre de ses intérêts matériels et moraux en France ;

. il est en couple depuis le 27 juin 2019 avec une ressortissante française et ils ont contracté ensemble un PACS le 6 juillet 2021 ;

. il a deux sœurs qui résident en France régulièrement et dont il est très proche ;

. il a des perspectives de travail très sérieuses en France ; il a obtenu un brevet de technicien supérieur en bâtiment en juin 2020 et il a signé un contrat d'apprentissage dans le cadre d'une formation d'ingénieur en BTP pour l'année 2022/2023 ;

. il n'a pas d'attaches familiales en République démocratique du Congo (RDC) ; il a produit une attestation de capacité matrimoniale du 31 mai 2021 de l'ambassade de la RDC qui démontre qu'il n'a jamais été marié civilement en RDC et il n'est pas le père des trois enfants de son ex-compagne ;

- en tout état de cause, la décision litigieuse est illégale :

. la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait, de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. la décision portant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et emporte des conséquences manifestement excessives au regard du but poursuivi ;

. la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions précédentes ; elle est également entachée d'un défaut de motivation, d'une erreur manifeste d'appréciation et viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 17 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 avril 2023 à midi.

II. Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, sous le n° 23NC00417, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 2 février 2023 du tribunal administratif de Nancy.

Il soulève les mêmes moyens que ceux invoqués dans sa requête n° 23NC00413.

M. C..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mars 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- et les observations de Me Jeannot, représentant M. C..., présent.

Une note en délibéré, présentée par M. C..., a été enregistrée le 1er juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le 27 janvier 1994, serait entré en France le 8 décembre 2017 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 mai 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 21 octobre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " étudiant " le 13 novembre 2019. Sa demande a fait l'objet d'un rejet le 17 décembre 2019 au motif qu'il ne disposait pas d'un visa long séjour. M. C... a formé une nouvelle demande de titre de séjour le 7 janvier 2022, sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 mai 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cet arrêté préfectoral. Par un jugement n° 2202979 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par les deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 2 février 2023 et demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement du 2 février 2023 :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... réside sur le territoire français depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée. Il produit une attestation très circonstanciée de sa compagne, ressortissante française, selon laquelle ils sont en couple depuis le 27 juin 2019 et ils ont signé ensemble un bail de location le 6 juillet 2020. Ils ont également contracté un pacte civil de solidarité (PACS) le 6 juillet 2021. Par ailleurs, M. C... a obtenu, en juin 2020, son brevet de technicien supérieur dans le bâtiment et est scolarisé dans une classe préparatoire aux grandes écoles en vue d'intégrer une école d'ingénieur. Il ressort également des nombreuses attestations produites au dossier que celui-ci a tissé un réseau amical important et stable sur le territoire français. En outre, les deux sœurs du requérant, avec lesquelles il continue d'entretenir un lien affectif, résident régulièrement sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort de l'attestation de capacité matrimoniale établie par un conseiller à l'ambassade de la République démocratique du Congo et produite par M. C... que celui-ci n'avait contracté dans son pays d'origine qu'un mariage coutumier, lequel n'exige pas la dissolution civile de tels liens. Enfin, si le préfet fait valoir que le requérant a trois enfants en République démocratique du Congo issus de sa relation avec son ex-compagne, cette circonstance, au demeurant non établie au regard des pièces contradictoires produites par les parties à l'instance, est sans incidence sur le fait que M. C... dispose désormais de liens personnels et familiaux intenses en France et qu'il justifie d'une excellente intégration. Dans ces conditions, en lui refusant la délivrance le titre de séjour sollicité, le préfet de Meurthe-et-Moselle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision du 24 mai 2022 et lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Les conclusions tendant à l'annulation du jugement sont en conséquence rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué :

6. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Meurthe-et-Moselle. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle visée sous le numéro 23NC00417.

Article 2 : La requête enregistrée sous le numéro 23NC00413 du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jeannot.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

Nos 23NC00413, 23NC00417 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00413
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-21;23nc00413 ?
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