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21/06/2023 | FRANCE | N°21NC00076

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juin 2023, 21NC00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de désigner un expert afin d'évaluer le préjudice corporel qu'il a subi en raison de l'accident dont il a été victime le 1er septembre 2015 dans un parking souterrain appartenant à la commune de Troyes, d'autre part, de condamner la commune de Troyes à lui verser, à titre de provision, la somme de 50 000 euros.

Par un jugement n° 2000201 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de désigner un expert afin d'évaluer le préjudice corporel qu'il a subi en raison de l'accident dont il a été victime le 1er septembre 2015 dans un parking souterrain appartenant à la commune de Troyes, d'autre part, de condamner la commune de Troyes à lui verser, à titre de provision, la somme de 50 000 euros.

Par un jugement n° 2000201 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et 23 juin 2021, M. A..., représenté par Me Lebois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000201 du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la désignation d'un expert et à la condamnation de la commune de Troyes ;

2°) de condamner la commune de Troyes à lui verser, à titre de provision, la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'accident dont il a été victime le 1er septembre 2015 ;

3°) de désigner un expert pour procéder à l'évaluation de son préjudice corporel ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Troyes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ne respectant pas les dispositions de l'article R. 4224-5 du code du travail relatives à la sécurisation des passerelles et plate-forme, la commune de Troyes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le rapport de l'inspection du travail a rappelé que les conditions d'intervention des entreprises extérieures n'ont pas été respectées tant par l'entreprise extérieure SOGEA que par l'entreprise utilisatrice, Mairie de Troyes - Parc Auto ;

- dans la mesure où il n'est intervenu que pour exécuter les instructions d'un agent de la commune de Troyes, le lien de causalité entre son dommage et la faute est établi ;

- il n'a commis aucune faute de nature à exonérer la commune de Troyes de sa responsabilité ;

- il y a lieu de désigner un expert pour procéder à l'évaluation de son préjudice corporel et, dans l'attente, de lui allouer une provision de 30 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mai 2021 et 12 mai 2023, la commune de Troyes, représentée par Me Phelip, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que, dans l'hypothèse d'une condamnation, la somme qu'elle doit payer soit minorée et que la société SOGEA Est BTP la garantisse de cette condamnation et, enfin, à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions pour engager sa responsabilité ne sont pas remplies ;

- M. A... a commis des fautes de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- la demande de provision est excessive et injustifiée ;

- en raison des fautes commises par la société SOGEA, et notamment l'absence d'un autre agent de cette société le jour de l'accident, elle est fondée, dans l'hypothèse d'une condamnation, à appeler en garantie cette société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, la société SOGEA Est BTP, représentée par Me Rozec, conclut au rejet de l'appel en garantie formé par la commune de Troyes à son encontre et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Troyes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute qui aurait pu être à l'origine de l'accident subi par M. A....

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me Lebois pour M. A... ainsi que celles de Me Duneme pour la commune de Troyes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerçait les fonctions de chauffeur poids-lourd comme salarié de la société SOGEA Est BTP. Cette société était titulaire d'un marché conclu avec la ville de Troyes portant sur le lot n° 11 " assainissement " du marché relatif à la maintenance courante des bâtiments communaux. Le 1er septembre 2015, à la suite d'inondations affectant le parking souterrain des halles, propriété de la commune de Troyes, M. A... a été appelé pour intervenir. Lors de son intervention, M. A... a chuté lourdement depuis une plateforme, dans une gaine d'aération haute d'une quinzaine de mètres. Par un jugement du 21 juin 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociales de l'Aube a débouté la demande de M. A... tendant à condamner la société SOGEA Est BTP. Le 6 septembre 2019, la cour d'appel de Nancy a rejeté l'appel de M. A... formé à l'encontre de ce jugement. Parallèlement, le 9 novembre 2018, M. A... a été licencié par la société SOGEA Est BTP pour inaptitude physique totale à l'emploi salarié. Par un jugement du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant, d'une part, à ce qu'une expertise soit diligentée pour évaluer ses préjudices, d'autre part, à ce que la commune de Troyes soit condamnée à lui allouer une provision. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de la commune de Troyes :

2. Les dommages résultant de l'exécution de travaux publics ne peuvent engager, envers les personnes qui y participent, la responsabilité du maître de l'ouvrage ou de l'entrepreneur que s'il est établi qu'ils sont imputables à la faute de ces derniers. En dehors du cas de force majeure, cette responsabilité ne peut être réduite en règle générale, que dans la mesure où le dommage est imputable à la faute de la victime. Enfin, si dans le domaine des dommages de travaux publics, les fautes commises par des tiers sont en principe sans influence sur les obligations du maître de l'ouvrage à l'égard de la victime ou de ses ayants droit, il en va différemment lorsque le tiers co-auteur du dommage est l'employeur de la victime, contre lequel le maître de l'ouvrage ne peut exercer d'action en garantie. Par suite, lorsqu'un dommage de travaux publics a le caractère d'un accident du travail, la faute de l'entrepreneur, employeur de la victime, dans la mesure où elle a contribué à produire le dommage, a pour effet d'atténuer dans la même mesure la responsabilité encourue par le maître de l'ouvrage.

3. Le dommage dont M. A... demande réparation est survenu à l'occasion d'une opération de travaux publics à laquelle il participait. Pour engager la responsabilité de la commune de Troyes, M. A... doit donc établir que cette dernière a commis une faute, ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et ses préjudices.

4. Il résulte du procès-verbal d'audition de M. A..., du 30 septembre 2016, par les services de police que le 1er septembre 2015, afin de déboucher les rigoles qui empêchaient l'eau de s'écouler, M. A... a emprunté une échelle à crinoline haute de plusieurs mètres, située dans un local à ventilation, pour accéder à une plateforme puis s'est accroupi sur l'acrotère la bordant. C'est de cet endroit qu'il a chuté d'une dizaine de mètres le long d'une gaine à ventilation perforant les pièges à son qui s'y situaient. Ainsi que l'intéressé l'a indiqué lors de son audition, M. A..., qui connaissait les lieux, s'est cru sur l'acrotère en sécurité en estimant qu'en cas de chute les pièges à son pouvaient supporter son poids.

5. D'une part, par un ordre de service du 1er septembre 2015, la commune de Troyes a sollicité, après la survenance d'orages particulièrement intenses le 30 août 2015, l'intervention de la société SOGEA Est BTP afin de pomper l'eau au niveau - 1 du parking souterrain des halles. M. D..., chef de M. A..., a également précisé lors de son audition le 8 novembre 2016, que l'intervention initiale était considérée comme sans risque dans la mesure où elle consistait à pomper de l'eau de plein pied. Par ailleurs, ainsi que l'ont jugé le tribunal des affaires sociales de l'Aube et la cour d'appel de Nancy, il ne résulte aucunement de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'audition de M. D..., que la société SOGEA Est BTP ait ordonné à M. A... d'intervenir sur la plateforme située dans le local à ventilation. De plus, la seule circonstance que les portes de l'armoire à ventilation aient été ouvertes ne permet pas, à elle seule, de révéler qu'un employé de la société Troyes Parc Auto ou un agent de la commune de Troyes, aurait donné l'ordre à M. A... d'intervenir spécifiquement sur la plateforme située à l'intérieur du local à ventilation. A ce titre, il ressort des propres déclarations de l'intéressé que M. A... a, de sa propre initiative, décidé de se diriger vers cette plateforme où il pressentait, du fait de précédentes interventions, que l'évacuation des eaux était bouchée à ce niveau.

6. D'autre part, il résulte de l'article 33 de la délégation de service public conclue entre la commune de Troyes et la société Troyes Parc Auto, que, le 1er septembre 2015, la société SOGEA Est BTP n'avait plus en charge l'entretien de la plateforme située dans le local à ventilation du niveau -1 du parking des halles. En outre, il ressort des propres déclarations de l'intéressé aux services de police que M. A... avait connaissance du fait qu'il n'était pas habilité pour intervenir dans le local électrique et à ventilation.

7. Enfin, au cours de son audition, M. D... a indiqué que, dans une situation où les conditions initiales d'intervention avaient été modifiées, M. A... aurait dû, conformément aux consignes données au sein de l'entreprise, soit s'en tenir à l'intervention initiale soit signaler à son supérieur l'existence d'une nouvelle situation. Il résulte également des déclarations de M. D... que l'intervention commandée par la commune de Troyes présentait le caractère d'une relative urgence dans la mesure où la prestation devait être réalisée dans la journée.

8. Par conséquent, il résulte de l'instruction que, alors qu'aucune urgence impérieuse ne l'imposait, M. A... s'est engagé, de sa propre initiative, après avoir monté l'échelle à crinoline, sur une plateforme, fortement inondée, située à l'intérieur d'un local à ventilation, sur laquelle il n'était pas habilité à intervenir. Alors que cette plateforme était inondée à hauteur de 20 centimètres, il a décidé seul, sans en référer à son chef, de déboucher les évacuations en se mettant accroupi en équilibre sur l'acrotère longeant la plateforme duquel il a chuté sans que les pièges à son ne puissent le retenir. Dans ces conditions et alors même que M. A... n'est intervenu que parce qu'il pensait pouvoir mettre fin rapidement aux inondations, sa chute résulte de sa propre imprudence à se positionner en équilibre sur un acrotère tout en surestimant la solidité des pièges à son. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'accident subi par M. A... le 1er septembre 2015 ne peut être regardé comme imputable à la commune de Troyes mais résulte exclusivement du comportement de l'intéressé et des conditions dans lesquelles il est intervenu.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Troyes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. A... et la société SOGEA Est BTP demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme que la commune de Troyes demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Troyes et de la société SOGEA Est BTP présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la commune de Troyes, à la société SOGEA Est BTP et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC00076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00076
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DE PARDIEU - BROCAS - MAFFEI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-21;21nc00076 ?
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